Santé

Infarctus de la femme : des chiffres en progression, des signes atypiques, comment l’éviter ?

« En France, 200 femmes décèdent chaque jour d’une maladie cardiovasculaire contre seulement 33 d’un cancer du sein et 2 d’un accident de la route », s’inquiète la docteure Claire Mounier-Véhier, cardiologue et cofondatrice de l’association Agir pour le cœur des femmes.

On sait que le risque de crise cardiaque augmente après la ménopause, mais nous observons aujourd’hui un nombre croissant de jeunes femmes touchées : 30% des victimes d’un infarctus du myocarde de moins de 55 ans sont des femmes. 

La principale explication se trouve dans la multiplication chez les femmes de ce que nous appelons les minoca. Ce terme qui sonne comme une destination de vacances idyllique n’est autre qu’une forme de crise cardiaque. Celle-ci a pour particularisme de ne pas être la conséquence de l’obstruction ou de la sténose coronaire. 

« Les minoca (abréviation de « myocardial infarction with non obstructive coronary arteries ») peuvent s’expliquer par l’érosion de la plaque athéromateuse non obstructive mais aussi par les spasmes et les dissections coronaires. Elles surviennent en dehors de toute maladie coronaire. Des facteurs de risque comme l’hérédité, le tabagisme ou encore le stress sont le plus souvent en cause « , d’après la spécialiste. 

Infarctus de la femme : des facteurs de risque à tous les âges

À âge égal, les femmes ont davantage de facteurs de risque que les hommes, avec des artères plus fines et plus fragiles. Elles sont également soumises à des situations à risque spécifiques, aux trois phases clés de leur vie hormonale : contraception, grossesse et ménopause.

« Un infarctus s’explique toujours par un facteur de risque connu ou longtemps insoupçonné », selon l’experte. Certains facteurs exposent la femme même avant 50 ans comme : 

  • L’hérédité : « c’est notamment le cas de l’infarctus lié à une dissection coronaire qui peut souvent être devancé grâce à l’existence d’antécédents familiaux connus de la patiente ». 
  • Le stress :  » il est plus présent dans les milieux précaires où les infarctus sont plus fréquents. En outre, les femmes ont en moyenne tendance à subir une charge mentale plus importante que les hommes », remarque la cardiologue. 
  • Le tabac, le cannabis et la consommation de certains stupéfiants (comme les amphétamines) : ils sont responsables d’une vasoconstriction et favorisent les spasmes coronaires. 
  • La pré éclampsie et le diabète gestationnel chez la femme enceinte : ces pathologies sont des facteurs de risque de troubles cardiovaculaires futurs. 
  • Certaines pathologies à risque cardiovasculaire : thrombose veineuse, cephalées et migraines, lupus érythémateux disséminé (LED)
  • Une radiothérapie du thorax : « les femmes qui ont eu un cancer du sein présentent un risque cardiaque accru en raison de la radiothérapie ». 

À noter que la prise d’une contraception hormonale chez une femme (même d’âge jeune) qui présente des risques cardiovasculaires n’a rien d’anodin. Il convient pour le gynécologue de tenir compte des antécédents personnels et familiaux, de l’hygiène de vie ainsi que d’un bilan sanguin (dosage du cholestérol, des triglycérides et de la glycémie) de la patiente avant de prescrire ce type de médicaments. 

Après la ménopause, les femmes doivent redoubler de vigilance quant à leur santé cardiovasculaire notamment en présence de certains facteurs de risque comme : 

  • l’hypertension artérielle
  • les hyperlipidémies (cholestérol et les triglycérides)
  • l’embonpoint (le surpoids et l’obésité notamment viscérale) ; 
  • le diabète

Crise cardiaque : des symptômes différents chez la femme

C’est une idée de plus en plus répandue : les signes d’une crise cardiaque sont différents chez les hommes et les femmes. Ces dernières présenteraient des signes avant-coureurs souvent négligés comme des migraines, une fatigabilité à l’effort, une sensation de lourdeur dans le bras, des douleurs dans la poitrine…

« Ces signes prodromiques ne doivent pas être pris à la légère et doivent pousser à consulter. Dans la grande majorité des cas d’infarctus, les femmes présentent des signes d’alerte bien avant cet incident », souligne la praticienne. 

Quant au tableau clinique de la crise cardiaque elle-même, il est décrit comme « atypique » chez la femme. On observe notamment : 

  • une gêne ou une impression de serrement au creux de la poitrine (angor atypique); 
  • une lourdeur dans le bras
  • des sueurs froides
  • une grande fatigabilité
  • des troubles digestifs (brûlures d’estomac, des nausées ou des vomissements). 

« L’infarctus peut donner lieu à des troubles digestifs comme des nausées et des douleurs gastriques car le cœur est proche de l’œsophage et de l’estomac (notamment son plancher et sa partie droite) avec des innervations communes. »

Un diagnostic et une prise en charge souvent retardés

« Généralement, des signes d’infarctus inquiètent toujours plus lorsqu’ils se présentent chez un homme que chez une femme », observe l’experte. Une femme qui fait une crise cardiaque sera prise en charge en moyenne 1 heure plus tard qu’un homme . Sans doute, parce que cette affection est plus fréquente chez l’homme ou encore parce qu’on s’accroche à l’idée que les hormones féminines protègent  contre les accidents cardiovasculaires. Ce qui est exact avant la ménopause. Néanmoins, l’association de la pilule et du tabac augmente le risque d’infarctus du myocarde. 

Le diagnostic précoce permet aux patientes de recevoir un traitement adapté le plus vite possible, afin d’éviter les complications immédiates après l’infarctus (comme le décès) ou des séquelles futures.  

 « Par ailleurs, il a été démontré qu’après un infarctus, les femmes sont moins bien suivies que les hommes. À titre d’exemple, le traitement classique associant des bêtabloquants, des statines et de l’aspirine est beaucoup moins prescrit aux femmes qu’aux hommes après une crise cardiaque. C’est tout particulièrement vrai lorsque l’infarctus ne s’explique pas par une obstruction coronarienne », d’après la docteure Claire Mounier-Véhier. Ici encore, recevoir ces médicaments permet pourtant d’éviter les complications et de limiter les risques de récidive.

Infarctus du myocarde chez la femme : comment le prévenir ?

Comme chez l’homme, l’infarctus du myocarde chez la femme peut être prévenu par une optimisation de l’hygiène de vie :

  • une alimentation saine et équilibrée ; 
  • un poids normal (IMC compris entre 18,5 et 25) ;
  • une activité physique régulière ; 
  • l’arrêt du tabac ;
  • l’évitement des facteurs de stress.

« Le stress est un facteur de risque majeur. D’autant qu’après un infarctus, les femmes vont beaucoup moins souvent que les hommes en rééducation, alors que ces soins permettent d’apprendre à gérer le stress », déplore la professeure Claire Mounier-Vehier. 

D’un autre côté, il convient de consulter un médecin en cas de migraines fréquentes ou d’autres signes évocateurs comme une fatigabilité à l’effort ou des douleurs thoraciques récurrentes. Les femmes qui ont des facteurs de risques cardiovasculaires doivent impérativement conserver un suivi médical régulier. De leur côté, les patientes qui ont vécu un infarctus, doivent accéder à un programme de réadaptation cardiaque adapté, à l’hôpital ou en ambulatoire, et consulter régulièrement leur médecin traitant (tous les 3 mois) et leur cardiologue au moins une fois par an.

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