Santé

« J’ai testé la relation épistolaire 2.0 en 2022 (et comment cela m’a réconcilié avec le sexe opposé) »

Depuis que je suis petite, à chaque fois que je pense à une relation épistolaire, j’imagine quelque chose que l’on ne voit que dans les films à costumes. J’imagine une bougie, une plume qui gratte sur un parchemin et des envolées lyriques pour exprimer des émotions pudiques. Ce que je n’avais pas imaginé, en revanche, c’est qu’un jour moi aussi je vivrais une relation épistolaire 2.0 et ce, sans même m’en rendre compte…

Il y a quelque chose d’assez antinomique dans l’association de « relation épistolaire » et 2022. À l’heure du digital et des relations express, qui prendrait encore le temps d’écrire à une personne que l’on pourrait très bien rencontrer autour d’un verre en terrasse ? Pourtant, sans trop m’en rendre compte, je suis devenue cette personne qui ne s’exprime qu’à travers des mots. Tout a commencé au début du printemps, entre deux swipes sur une application de rencontre, je suis tombée sur le profil de Jack (nous l’appellerons Jack). Jack est étranger et ne parle pas français. Qu’à cela ne tienne, nous discuterons en anglais. Il vient d’un pays lointain, là où la sérénité règne et où les gens sont calmes. C’est sûrement ça qui m’a séduite. J’étais dans une période de ma vie assez particulière, je venais de rentrer d’un voyage qui chamboule. J’avais le blues de l’expat’et je n’avais plus vraiment de repères dans cette ville, Paris, qui m’avait fait tant rêver lorsque j’étais adolescente.

Écriture 2.0

La conversation a commencé de façon très classique, selon les règles des applications de rencontre. Très vite, nous avons décidé de continuer nos discussions sur Instagram. Au bout de quelques jours seulement, on venait de s’autoriser à avoir accès à la vie privée l’un de l’autre. C’est cette étape qui a sûrement fait basculer la relation dans quelque chose d’aussi anachronique – et je m’en suis rendu compte après coup.

Les jours et les semaines passaient sans jamais interrompre le dialogue. Mais plus étrange, ce n’était pas tant de discuter jour et nuit, c’était plus le fait de ne jamais évoquer la possibilité de se voir. C’est ce détail qui fera faire les yeux ronds à mes copines.

« En fait, tu vis une relation épistolaire » a déclaré Constance, des étoiles dans les yeux.

L’idée m’a fait sourire. En grande amoureuse de littérature romantique, j’ai toujours fantasmé sur les héroïnes de Jane Austen et me suis toujours un peu demandé si je n’étais pas née à la mauvaise époque. Mais est-ce que ce que je vivais avec Jack était réellement une relation épistolaire ?

Prendre le temps de se connaître

En faisant le point, je me suis rendu compte que l’on savait énormément de choses l’un de l’autre. Il m’avait raconté son enfance et moi la mienne. Il me parlait de ses peurs, je lui parlais de mes doutes. Les conversations pouvaient même parfois être très intimes (toujours en tout bien tout honneur). Finalement, le résultat était le suivant : ce garçon avait fini par tout savoir de moi et moi, je savais presque tout de lui.

Ses réponses étaient toujours pleines de sens et, surtout, de spiritualité. Sans tomber dans le carcan religieux, ce garçon (de quelques années mon aîné) semblait avoir trouvé l’apaisement, celui que l’on cherche toute notre vie. Il avait toujours le mot pour rire, quelque chose de difficile avec la barrière de la langue, mais on semblait avoir trouvé la bonne façon de faire. Ses messages, je les attendais presque et je me plais à penser que c’était pareil pour lui. Malgré toute cette alchimie, l’hypothèse de nous voir ne nous a jamais traversés l’esprit (tout du moins, on ne se l’est jamais dit). Pourtant, ce n’était pas si compliqué : nous vivions dans la même ville, avions des emplois du temps qui coïncidaient. Mais jamais, l’un comme l’autre, nous n’avons osé rompre cette bulle dans laquelle nous nous étions enfermés.

Au-delà même du plaisir que je prenais à échanger avec Jack, une question persistait : pourquoi est-ce que je n’ai jamais réellement eu envie de le voir ? J’aimais discuter avec lui. Je n’avais aucun mal à me livrer ou à parler de mes traumas. Pourtant, l’idée même de le faire entrer physiquement dans ma vie m’effrayait. Est-ce que, finalement, il ne m’offrait pas tout ce dont j’avais besoin ? C’était une épaule sur laquelle je pouvais m’épancher. Il me connaissait sans me connaître, donc son avis n’était pas biaisé et par-dessus tout, on se soutenait mutuellement.

Reprendre confiance

Pinocchio avait Jiminy Cricket et moi j’avais Jack. Il est petit à petit devenu cette sorte de conscience, de référentiel qui me permet de trancher ou simplement de trouver un peu d’apaisement. Est-ce que je me suis servie de lui ? Pour certains oui. Pour moi, rien n’a jamais été prémédité. Tout ce que je savais, c’est qu’il me faisait du bien et qu’il me réconciliait avec les hommes. Car oui, les hommes m’ont toujours fait peur. Ils ont toujours représenté une menace et peut-être que la relation exclusivement écrite représentait une barrière nécessaire pour me permettre de construire une relation (ou un semblant de relation) avec le sexe opposé tout en me sentant en sécurité.

Cette relation épistolaire, je la vois aujourd’hui comme quelque chose qui m’a permis de me reconstruire et il en est sûrement de même pour Jack. Nos échanges sont peut-être moins fréquents, mais cela n’a pas entaché l’affection que l’on peut avoir l’un pour l’autre. Et même après 8 mois de discussion quasi quotidienne, nous n’avons toujours pas pris un verre IRL. Ça n’arrivera peut-être jamais mais ce n’est pas grave, car cette relation, peut-être la plus longue de ma vie, m’a permis de me reconstruire et c’est peut-être ça le plus beau happy ending.

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