Santé

La question de la semaine : peut-on devenir une bonne mère quand on a eu une mère haineuse ?

La réponse : oui, même si c’est un combat long et douloureux. C’est le constat que fait la psychologue Marie-Estelle Dupont dans un récit autobiographique, « l’Anti-mère » (éd. Albin Michel). Confrontée dans son cabinet à trop de patientes qui peinent à se relever d’une enfance dévorée par une mère toxique, abusive voire haineuse, cette mère de trois garçons a choisi de prendre la plume pour raconter les dégâts d’un tel passé et les possibilités de s’en affranchir au travers de sa propre histoire. Elle prend ainsi le risque de s’attaquer au tabou persistant de la mère « forcément bonne ». Son histoire est celle d’une petite dernière dans une famille dysfonctionnelle, arrivée après quatre frères et aussitôt prise en otage par une génitrice dépressive, toute – puissante et perverse. Celle-ci va minutieusement saccager l’enfance et l’adolescence de sa fille… qui peinera à s’en remettre une fois devenue adulte.

Une enfance bousculée

Marie-Estelle Dupont fut cette petite fille anéantie sans le savoir, toujours souriante, toujours longeant les murs pour esquiver la foudre maternelle. Cette petite fille qui excusait sa maman sous mille et un prétextes, sans voir qu’elle était non seulement pathologique, hystérique au sens psychiatrique du terme, et ivre d’une rage inextinguible qui s’exerçait à huis clos presque exclusivement sur sa fille. Dans cette famille parisienne aux apparences bourgeoises et conformes, cette maltraitance physique comme psychologique est, comme l’inceste, un sujet recouvert par le déni, le mensonge et le silence poli et obstiné du reste de la famille, aujourd’hui encore.

Libérer la parole

Devenue psy, Marie-Estelle Dupont mettra pourtant encore du temps à pouvoir regarder en face les cruels stigmates de ce traumatisme, et plus de temps encore pour parvenir à le raconter dans ce livre sans craindre la foudre. Elle le fera au nom de ses propres enfants : son fils Théophile d’abord, et plus tard ses jumeaux Stanislas et Raphaël, à qui elle dédie son récit. Mais si elle a trempé sa plume dans l’effroi des émotions de jadis, c’est aussi, explique-t-elle, pour aider toutes les femmes encore hantées par la violence de leur propre mère… Toutes celles qui bien souvent vacillent au moment de devenir maman à leur tour, et s’enfoncent dans un sentiment d’usurpation autodestructeur parfois hyper violent, non seulement pour elles-mêmes… mais aussi pour leur enfant.

Se reconstruire et avancer

Le cheminement de cette psy, que l’on aperçoit parfois sur les plateaux de télévision si souriante et lumineuse, a été marqué par la maladie, un divorce triste, des années de passage à vide. « Pourtant j’ai réussi  », écrit-elle sans fanfaronner. « Je suis heureuse, je vais bien, mes fils me sourient, j’ai du travail, je suis capable d’aimer et d’être aimée. C’est un parcours du combattant, mais il est réalisable. » Il n’y a pas de secret : la psy a expérimenté pour elle-même les vertus de la parole et du travail sur soi, « avec acharnement ». Auprès des psys et au fil du temps, elle a bravé ses peurs, son sentiment d’illégitimité, son manque de confiance en elle, parfois avec l’impression « de se jeter dans le vide ». Pour elle, il y a trois questions clés à se poser : « Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce que ça me fait ? Qu’est-ce que j’en fais ? » Avoir des enfants n’a rien effacé, mais lui a donné la force « de tout reconstruire » : « Être mère m’obligeait à dépasser mes terreurs, et je découvrais la capacité à être bonne avec un enfant même si je me sentais à chaque seconde en faillite. » Tandis qu’elle achève l’écriture de ce livre dérangeant, un de ses petits garçons joue sous son bureau : « Ses bouclettes ont l’odeur d’un pardon de vie. »

* « L’anti-mère, le chemin d’une psychologue pour survivre à la jalousie maternelle » (éd. Albin Michel)

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