Santé

Le guide sexo : comment faire l’amour pendant les règles (et pourquoi cela peut vous faire du bien) ?

Pendant nos règles, nous sommes 8 femmes sur 10 à souffrir d’une humeur irritable et de ballonnements, sans parler des douleurs lancinantes que peuvent causer les crampes utérines, les migraines. On a connu mieux pour le sexe… Et pourtant ! Nous sommes aussi plus de 6 femmes sur 10 à connaître une hausse de la libido à ce moment du cycle ! Si vous faites partie des personnes qui ressentent cette montée en puissance du désir sexuel, j’ai une bonne nouvelle. Il y a plein d’avantages à se faire du bien pendant les règles.

Le plaisir, plus fort que la douleur

Avoir à la fois mal et envie de faire l’amour n’est pas aussi paradoxal qu’il y paraît. Car c’est prouvé : avoir un orgasme peut atténuer les crampes utérines et soulager l’inconfort des règles. Pourquoi ?Déjà parce que pendant l’orgasme, le métabolisme et la circulation sanguine sont stimulés, ce qui vient contrer la douleur. Ensuite, parce que la jouissance a un effet sur les muscles, qui se contractent, puis se relâchent. Ce relâchement a un effet relaxant, y compris sur les crampes pelviennes. Enfin, parce qu’à la suite de l’orgasme, des hormones sont libérées : la dopamine et la sérotonine provoquent une sensation de bien-être, qui relègue naturellement au second plan les autres procédés chimiques responsables des douleurs ; l’ocytocine fait diminuer le cortisol, associé au stress ; et les endorphines offrent des effets euphorisants.

Une étude clinique, l’Étude Menstrubation, a interrogé près de 500 femmes pendant trois mois sur les effets positifs de la masturbation pendant leurs règles. Neuf femmes sur dix recommandent le plaisir sexuel pour s’épargner des douleurs liées aux règles. Et quatre femmes sur dix trouvent même que la masturbation est plus efficace que des médicaments pour les soulager.

Les fluides menstruels, ce lubrifiant naturel

Composés de sang pour moitié, mais aussi de mucus, de sécrétions vaginales et de tissu endométrial, les fluides menstruels sont l’objet de la plupart de nos craintes quand on envisage de (se) faire l’amour pendant les règles. On n’a pas envie de tâcher, de salir, d’en « mettre partout ». On peut aussi avoir peur que notre partenaire trouve ça dégoûtant. Pourtant, les fluides menstruels ne sont pas si abondants : en moyenne deux cuillères à soupe et demie à chaque cycle. Et surtout, ils sont un lubrifiant efficace, et propre !

Car rappelons-le, les règles ne comportent aucune toxine. Il n’y a aucune raison de renoncer à avoir un rapport, y compris oral, à ce moment-là. Le sang des règles diffère un peu de celui qui coule dans le reste de notre corps : il contient moins de plaquettes, d’hémoglobine et de fer, mais plus d’eau. Cela le rend plus visqueux et l’empêche de coaguler, des qualités essentielles pour permettre un meilleur écoulement hors de l’utérus… mais qui se révèlent tout aussi avantageuses lors du sexe pénétratif, pour faire glisser en nous gode, doigts, phallus de notre partenaire… 

Alors, qu’est-ce qui diable nous retient ?

La question du sexe pendant les règles n’est pas qu’une question de crampes, d’hormones ou de glisse. C’est une question de honte, aussi. Cette honte que le psychiatre Serge Tisserand appelle « l’arme privilégiée de la domination ». Car on ne se relève pas en un claquement de doigts de millénaires à s’entendre dire que nos règles sont impures…

Dès la Rome antique, Pline l’Ancien écrivait que les menstruations faisaient pourrir les fruits et tourner le vin. Les religions monothéistes surenchérirent dans cette vision négative. Le Lévitique, dans l’ « Ancien Testament », qualifie les règles de « souillure » : une femme qui menstrue y est impure, et contagieuse, car « si quelqu’un la touche, il sera impur jusqu’au soir. » La situation ne s’est pas arrangée au cours des siècles. En 1949, Simone de Beauvoir en rajoute une couche dans « Le deuxième sexe », décrivant d’une plume acide ce « désagrément mensuel », qui ne peut inspirer à la jeune femme que « dégoût devant cette odeur fade et croupie qui monte d’elle-même – odeur de marécage, de violettes fanées. » N’en jetez plus !

Le paysage audiovisuel actuel n’est guère plus propice à une vision positive et épanouissante des règles. La critique de cinéma Iris Brey se penche dans son essai « Sex and the Series » (1) sur la représentation des règles à l’écran… pour conclure qu’elle est inexistante : « les personnages féminins dans les séries semblent ne jamais avoir leurs règles. Cette réalité est évoquée seulement pour indiquer que le personnage n’est pas enceint, ou qu’elle n’est pas ménopausée ». Quant à la possibilité d’un rapport sexuel pendant les règles, oula, on en est loin ! C’est Camille Emmanuelle qui relève dans son ouvrage « Sang tabou » (2) l’exception qui confirme la règle : dans un épisode de « Californication », Hank embrasse passionnément son amante, qui lui glisse à l’oreille en retour : « Juste pour que tu saches, j’ai mes règles. » Il lui répond: « C’est sale… mais dans le bon sens du terme. » Et ils jouirent heureux et eurent beaucoup de plaisir. 

Créer un nouvel imaginaire, plus positif

Heureusement, depuis une bonne dizaine d’années, des femmes prennent le flambeau et s’emparent de la représentation des règles. L’artiste Marianne Rosenstiehl, par exemple. Sa série de photos « The Curse » tourne en dérision les expressions et superstitions autour des menstruations. Dans « La limace », elle met en scène les femmes angevines qui, au dix-neuvième siècle, devaient traverser les champs pendant leurs règles afin de… tuer insectes et limaçons. La photographe, poète, danseuse Rupi Kaur célèbre elle aussi la beauté des règles dans une série de photos montrant des draps tâchés dans une machine à laver, du sang au fond des toilettes… L’image la plus connue la représente allongée en jogging et tee-shirt sur son lit. Elle nous tourne le dos, son pantalon est tâché de sang au niveau des fesses, le drap de son lit également. Instagram a censuré cette image, une première fois, une seconde fois… Et l’a rendue virale. Les musiciennes ne sont pas en reste. Le groupe Hand Job Academy, constitué de trois rappeuses de Brooklyn, a créé un hymne jubilatoire aux règles : « Shark Week » ! Dans la même veine, vous pouvez mettre à fond « Straight outta Vagina » de Pussy Riot. 

Vous avez envie de passer à l’action ? Nos astuces pour profiter au mieux du sexe, solo ou partagé, pendant vos règles

Préparer le terrain

Pour éviter de mettre du sang dans le lit, il y a bien sûr l’exode vers la salle de bain. La baignoire peut offrir un moment seule à seule avec son vibro, ou la douche accueillir un moment à deux. Mais si vous n’avez pas envie de vous mouiller, nombre de solutions s’offrent à vous pour jouir sans peur et sans reproches de vos draps blancs. Bête comme chou : étendez sur le lit/canapé/tapis un drap ou une serviette sombre que vous mettrez à la machine après. Ou, si vous aimez être dûment équipée, tournez-vous vers un « plaid érotique » ! Imperméable, il se lave facilement et se décline en différentes couleurs et motifs, tigre blanc par exemple… Jetez un œil au Fascinator Throe, par exemple.

Si vous préférez la discrétion d’une protection interne, il est possible d’insérer une éponge naturelle ou un tampon-éponge au fond du vagin. C’est ce qu’utilisent les performeuses de porno qui ne peuvent pas décaler leurs tournages au gré de leurs cycles. Attention, après un rapport pénétratif, ces éponges peuvent se retrouver comprimées au fond du vagin et se révéler difficiles à enlever. L’aide et la dextérité d’un partenaire peuvent alors être nécessaires ! Enfin, la coupe menstruelle est aussi une alternative intéressante… car couplée avec un cunilingus ou une pénétration vaginale peu profonde, elle procure une agréable stimulation interne.

Prenez soin de vous

Une croyance tenace veut que les règles soient le « bon moment » pour faire l’amour si on ne souhaite pas tomber enceinte. C’est faux. Et c’est d’autant plus faux que l’on est jeune et/ou que l’on a des cycles irréguliers. Car bien qu’il y ait immuablement quatorze jours entre l’ovulation et les règles, la période entre les règles et l’ovulation suivante, elle, peut grandement varier. Ainsi, l’ovulation peut advenir seulement trois jours après la fin des règles ! Et comme les spermatozoïdes peuvent survivre à l’intérieur de notre corps jusqu’à cinq jours… Je vous laisse faire le calcul.

Bon à savoir également, tout saignement augmente le risque de transmission des IST, et notamment des hépatites. Si vous prévoyez d’avoir un rapport pendant vos règles, et que vous et votre partenaire ne vous faites pas tester régulièrement : protégez-vous ! Préservatif, gants ou doigtiers pour les pénétrations digitales, digue dentaire pour le sexe oral. Porter un tampon ou une coupe menstruelle est une bonne idée pour minimiser l’exposition au sang. Une autre possibilité : partager un moment sexuel sans pénétration… même sans contacts génitaux. Frottements habillés (on appelle ça le « humping »), massages appuyés, masturbation chacun.e à un bout de la pièce avec interdiction de se toucher… les idées ne manquent pas !

Mais surtout, surtout… ne faisons pas du sexe pendant les règles un nouvel objectif, une nouvelle case à cocher dans nos to do list du sexe. N’allons pas rajouter une injonction supplémentaire dans nos vies de femmes déjà bien chargées. Si vous n’avez pas envie de faire l’amour, profitez de vos règles pour vous faire une bouillotte, vous mettre un film et vous ficher une paix royale.

(1) Sexualités féminines, Une révolution télévisuelle, Libellus Éd., 2016.

(2) Sang tabou – Essai intime, social et culturel sur les règles, La Musardine, 2017.

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