Santé

Le guide sexo : éjaculat, squirt, fontaine… Comment fonctionne l’éjaculation féminine ?

Longtemps, on a attribué l’éjaculation féminine à un don un peu merveilleux, réservé à quelques-unes seulement. Pourtant, nous sommes entre 10 et 30 % de femmes qui déclarons avoir déjà éjaculé pendant le sexe… Un chiffre qui n’est pas si chiche ! Et selon une étude de 2007, nous sommes même près de 69 % de femmes à avoir déjà expérimenté ce phénomène.

Pourquoi sommes-nous si modestes ?

Tiens, tiens… Pourquoi un tel écart entre ce que nous déclarons d’une part, et ce qui est constaté scientifiquement d’autre part ? Serions-nous peu conscientes de notre capacité à éjaculer ? En fait, bien loin des représentations spectaculaires mises en avant par le porno ou la littérature érotique, cette manifestation physiologique s’exprime en fait très différemment en fonction des personnes : nous pouvons émettre à peine l’équivalent d’une cuillerée à café de liquide, ou bien tremper les draps ; l’écoulement peut être lent, ou prendre la forme d’un jet plus ou moins puissant. Lorsque l’émission est discrète, il est très possible que l’on ne la perçoive pas du tout !

OMG, suis-je en train de m’échapper ?

En revanche, quand il y a projection de liquide démonstrative, difficile de passer à côté… À tel point que l’émission fontaine peut être vécue comme problématique. De nombreuses femmes sont persuadées qu’elles urinent sur leur partenaire… Et en ressentent de la honte, de l’anxiété. Embarrassées, elles se contractent, voire se retiennent de jouir pendant les rapports sexuels… Pas vraiment l’extase.

Pourtant, les émissions fontaine ne sont pas de l’urine. Elles peuvent parfois être légèrement colorées ou sentir un petit peu comme de l’urine, mais cela est dû au fait qu’elles passent par la vessie et l’urètre. Il a fallu bien longtemps pour en avoir le cœur net, car comme pour tout ce qui touche à la sexualité féminine, il n’existe que trop peu de recherches sur le sujet.

Dans la version française de l’ouvrage de self-helpgynécologique « Notre Corps, nous-mêmes », la réalisatrice Ovidie raconte comment, faute de trouver des informations fiables, elle a trouvé des réponses toute seule : « Dès l’âge de 18 ans, je faisais déjà des expériences au bleu de méthylène sur moi-même pour savoir d’où venait l’éjaculation féminine. […] Concrètement, le bleu de méthylène teinte l’urine de bleu : j’ai donc vérifié si cette sécrétion était de l’urine ou pas – et ça n’en était pas. Je suis allée aux toilettes, et là mon urine était bleue, alors que quelques minutes avant ce n’était pas le cas. »

Nous aussi, nous avons une prostate !

Ovidie se livre à ces expériences dans les années 90. À la même époque, en Slovaquie, le médecin Milan Zaviacic se met à découper des urètres féminins en (très fines) rondelles. Et il conclut, à l’aube de l’an 2000, que les femmes aussi ont une prostate ! Notre prostate est intégrée dans la paroi même de notre urètre, et fait 5 grammes en moyenne.

Comment a-t-on pu passer si longtemps à côté de cet organe ? Alors que la prostate masculine a toujours la même apparence et se trouve toujours au même endroit, la forme de la prostate féminine varie beaucoup d’une personne à l’autre, rendant son identification compliquée. Pour s’y retrouver, Milan Zaviacic propose une classification de six types différents de prostates féminines. La plus commune est située à proximité du méat urinaire ; une localisation intéressante, car ce type de prostate constitue une zone érogène !

Éjaculat ou squirt ?

Nous avons une prostate, elle nous donne du plaisir, OK… Mais comment ce tout petit amas de tissu glandulaire (trois centimètres de long…) peut-il faire jaillir de nos vulves des jets puissants, allant jusqu’à tremper nos draps ? En fait, lors de l’éjaculation féminine, deux liquides différents sont expulsés : une sécrétion blanche, assez épaisse, qui provient de notre prostate. C’est l’éjaculat. Et un second fluide plus clair, aqueux, qui lui, provient de la vessie — mais n’est pas de l’urine : le squirt. Si une majorité d’entre nous émet un éjaculat pendant le sexe, squirter demeure une expérience moins commune… mais reconnue jouissive ! Une étude parue en 2013 révèle que 78,8 % des femmes qui ont des émissions fontaines, et 90 % de leurs partenaires voient ce phénomène comme un « enrichissement de leur vie sexuelle ». Si d’aventure notre corps veut s’exprimer par jets, arrêtons donc de nous retenir, squirtons librement !

Éjaculer, un geste empouvoirant ?

Même si la prostate féminine joue un rôle important dans l’orgasme féminin, vingt ans après sa découverte, elle reste complètement inconnue. Dans son ouvrage passionnant « Fontaines », la chercheuse en études de genre Stéphanie Haerdle pointe que non seulement, on n’en parle pas du tout… mais que si vous ouvrez des manuels et des ouvrages de référence médicaux, vous n’en trouverez quasiment aucune mention ! Les travaux de Zaviavic ont pourtant été reconnus par l’autorité mondiale en terminologie anatomique : le FICAT. Son comité d’experts décide en 2001 de valider très officiellement la notion de « prostate féminine », et de bannir les mots « glandes para-urétrales » ou « glandes de Skene ». Las… ce sont pourtant ces appellations qui demeurent utilisées aujourd’hui. La prostate et l’éjaculation semblent devoir rester une prérogative masculine.

Est-ce vraiment un sujet ? Pour les féministes pro-sexe américaines des années 90, oui ! Car il y a là un enjeu politique, d’égalité entre les corps, explique Stéphanie Haerdle. « En acceptant l’éjaculat féminin et l’éjaculation féminine, on accepte de fait l’égalité des corps féminin et masculin » revendique Shannon Bell. Surnommée « The Ejaculator » — parce qu’elle apprend à squirter au moment où Terminator sort au cinéma ! — Shannon Bell est connue pour sa capacité à viser une pièce de monnaie de son jet puissant. Mais pas que. Elle entre dans la légende en tournant avec Deborah Sundahl le film révolutionnaire « How to Female Ejaculate : Find Your G-Spot » (Comment éjaculer au féminin : trouvez votre point G). Fait en 1992 par des femmes pour les femmes, la vidéo réjouit des milliers de femmes en se revendiquant à la fois support d’éducation sexuelle et d’affirmation de soi. Après ce premier succès, Deborah Sundahl produira toute une série de vidéos pédagogiques, que l’on peut encore se procurer aujourd’hui : « The G-Spot and Female Ejaculation : An Erotic Guide for Lovers » (2007) et « Female Ejaculation : The Workshop » (2008) sont les plus récents.

Et en pratique ?

Aussi amusante, excitante et féministe que soit l’expérience du squirt, l’éjaculation féminine est une possibilité… pas un Graal ! Le plaisir ressenti lors d’une émission fontaine n’est pas forcément plus intense que les sensations de jouissance sexuelle que nous connaissons déjà. D’ailleurs, l’émission fontaine n’est même pas liée à l’orgasme. Certaines d’entre nous vont éjaculer avant, d’autres pendant, et d’autres encore après l’orgasme !

Si d’aventure, l’expérience vous tente, voici quelques conseils pour pratiquer :

Tout d’abord, hydratez-vous. Les performeuses pornos qui ont pour mission de squirter lors du tournage boivent toujours beaucoup, parfois même avec des litres de Kombucha ! Buvez donc abondamment. N’hésitez pas pour autant à aller faire pipi, avant et pendant le sexe (et bien entendu après), si l’envie se présente. Cela vous permettra de ne pas être dans l’inconfort — c’est important — et vous libérera de la peur d’uriner sur votre partenaire.

Ensuite, installez-vous dans un lieu que vous ne craindrez pas de mouiller. La baignoire par exemple, ou bien votre lit, recouvert d’une alèse, de serviettes sombres, ou encore d’un plaid érotique. Quel que soit le dispositif que vous choisissez, il faut que vous soyez parfaitement à l’aise, et que vous puissiez lâcher prise.

OK. Maintenant que vous êtes prête… Eh bien, faites-vous du bien ! « Quoi ? Elle ne nous donne pas une technique précise ? » pensez-vous, outrée. Il est vrai que la plupart du temps, les articles, vidéos etc. recommandent une stimulation très appuyée de la zone antérieure du vagin (vers le nombril). Mais primo, c’est une technique qui peut être inconfortable, voire douloureuse pour certaines d’entre nous… et donc décourageante. Et deuxio, nous pouvons aussi éjaculer par stimulation du gland du clitoris, ou encore pendant le sexe anal. Donc nul besoin de s’acharner avec la méthode « académique » si ce n’est pas une sensation que vous appréciez.

Si vous y tenez vraiment, voici en quoi elle consiste. Vous vous entraînez seule ? Prenez un gode ou un vibro recourbé, et appuyez-le sur la zone G. Vous êtes avec votre partenaire ? Demandez-lui de crocheter les doigts et de mimer le geste « viens par ici » sur votre zone G. Cette stimulation est supposée devenir graduellement vraiment intense. Je dirais plutôt : cherchez à ce qu’elle devienne vraiment très agréable, en l’associant à des pratiques qui vous font jouir. Par exemple, posez un vibro puissant sur votre clitoris. Cherchez une sensation électrique, limite too much… Ou bien tentez l’insertion d’un plug anal. Bref, explorez ! Ce que vous cherchez, c’est un fourmillement, une forte envie d’uriner.

Poussez !

La voilà, cette envie d’uriner ? Surtout, ne vous retenez pas ! Ôtez le gode, les doigts ou le pénis qui se trouvent à l’intérieur de votre vagin, ouvrez-vous… et poussez, expulsez ! Lâchez-vous ! L’éducatrice sexuelle Tallulah Sulis appelle le squirt « donner naissance » à son orgasme… Belle image n’est-ce pas ?

Ça ne vient pas ? N’y voyez pas un échec, mais plutôt une excellente occasion de rejeter toute quête de performance dans votre sexualité ! On n’est pas dans la cour de récré, on se fiche de qui fera le jet le plus puissant, le plus précis… Réjouissez-vous d’avoir passé un beau moment de curiosité sexuelle. Et si cela vous a plu, réitérez donc vos expérimentations une prochaine fois, qui sait !

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page