Santé

L’orgasme du mois : en plein sommeil, mais pourquoi ?

« L’orgasme nocturne demeure assez rare et nous manquons d’études à ce propos », souligne d’emblée la sexologue et psychologue Magali Croset-Calisto, auteure de « Les révolutions de l’orgasme » (éd. de l’Observatoire), et créatrice et animatrice du podcast Orgasmia, qui travaille sur le sujet depuis plusieurs années. Via sa patientèle, la psychanalyse ou encore la littérature, elle se plaît à décortiquer ce phénomène et nous apprend, en premier lieu, que l’orgasme nocturne appartient à la famille des orgasmes dits spontanés. « Il s’agit d’orgasmes imprévisibles, inattendus, qui surviennent dans un cadre précis, en dehors des rapports sexuels », note la spécialiste. Parmi eux, les orgasmes culinaires ou musicaux, ou encore lescoregasmes – petit nom donné aux orgasmes induits par une pratique sportive. En somme, de la même façon que l’on peut se surprendre à jouir en mangeant ou en courant, on peut jouir… en dormant. Mais comment démystifier, autant que faire se peut, cette expérience ?

Les orgasmes nocturnes, des orgasmes comme les autres

Sensation de chaleur dans la zone génitale, pouls qui accélère, lubrification… Les manifestations de l’orgasme nocturne, bien qu’elles ne soient pas toujours perceptibles ou spectaculaires, sont exactement les mêmes que celles de l’orgasme classique. Pour autant, il est tentant d’assimiler l’orgasme nocturne à un « faux orgasme » et d’imaginer que notre corps ou notre cerveau nous joue des tours ; après tout, on roupille. Rien à voir, donc, avec les orgasmes que nous expérimentons dans notre vie intime.

Seulement, selon Magali Croset-Calisto, les orgasmes nocturnes sont de véritables orgasmes, à la seule différence qu’ils sont vécus de manière raccourcie. Pour bien comprendre, la sexologue rappelle que la jouissance s’élabore en quatre phases, comme démontré par Masters & Johnson : la phase d’excitation (le plaisir monte), la phase plateau (le plaisir est constant), le climax (le plaisir atteint son pic, c’est l’orgasme) et la résolution (la redescente). « Les orgasmes nocturnes empruntent exactement le même chemin, si ce n’est que les deux premières phases, sans être annihilées, sont extrêmement rapides », indique la sexologue, qui ajoute que « puisque nous dormons, nous n’en avons pas conscience ». Ainsi, l’orgasme qui nous extrait des bras de Morphée a donc tout d’un orgasme classique, quand bien même il démarre en trombe. In fine, le résultat est le même : on a joui.

Des conditions particulières

Étrange phénomène que de jouir alors que l’on dort. Mais les orgasmes spontanés – et donc les orgasmes nuiteux – ne sortent pas de nulle part : trois prédispositions encouragent leur apparition. « Un contexte particulier, une disponibilité d’esprit et un produit érotisé », liste la sexologue. Le sommeil est un contexte particulier, durant lequel nous sommes entièrement disponibles car non parasitées par des éléments extérieurs (stress, bruit…). Mais quid du « produit érotisé » ? Si, dans l’orgasme culinaire, le carré de chocolat illustre parfaitement « le produit érotisé », celui par qui tout démarre, quel genre de produit peut bien entraîner un orgasme quand on ronfle ?

« Le produit érotisé, dans l’orgasme nocturne, peut être symbolique ou réel, et vient réveiller les neurotransmetteurs du plaisir », explique la sexologue. Symbolique : on s’endort dans des draps de soie ou d’une chambre d’hôtel romantique, de quoi inspirer notre cerveau. Réel : le drap nous caresse, notre position est suggestive… Dans ce cas, l’expérience est sensitive.

Faut-il en conclure que, pour jouir la nuit, il est préférable de percevoir la chambre, ou le lit, comme un terrain d’extase ? La représentation que l’on a de l’objet, du support ou de l’environnement compte, mais « la nouveauté fait aussi partie des critères de l’orgasme, selon Freud », déroule la sexologue. Alors qui sait si ce vieux canapé-lit, finalement, n’est pas capable de nous balader ?

Avec ou sans rêve érotique ?

Parmi les prédispositions de l’orgasme nocturne, le rêve érotique ne figure pas, pour la simple et bonne raison qu’il n’est pas une prédisposition : il appartient à l’orgasme. « C’est généralement le rêve qui induit l’orgasme », affirme la sexologue. Ensuite, le contexte, le drap ou notre position seront des ingrédients susceptibles de solder le rêve en orgasme.

Toutefois, il arrive que l’on jouisse sans avoir rêvé. N’oublions pas que… les rêves s’oublient. Et il est des rêves, aussi, qui ne racontent rien de cochon. Pas besoin d’un scénario coquin bien ficelé pour invoquer l’orgasme. Parfois, nous rêvons de tout et de rien, du moins en apparence, car en réalité, le contenu de notre songe peut être synonyme de plaisir, de désir, d’élan de vie, et prendre une forme tout à fait étrange, éloignée des codes de la sexualité. Aussi, une question se pose : et si, dans certains cas, un contact agréable (oreiller, plaid…) nous menait à l’orgasme et encourageait notre cerveau à tisser le script qui va avec ? Et si le rêve, finalement, était parfois un leurre, un revêtement, un moyen de créer de la logique ?

Bien vivre ses orgasmes nocturnes

« Si certaines personnes sont satisfaites d’avoir été satisfaites en jouissant dans leur sommeil, d’autres le vivent mal, jusqu’à culpabiliser », observe la sexologue Magali Croset-Calisto. Cette culpabilité naît du fait de ressentir du plaisir dans un contexte qui n’était pas propice (à nos yeux), ou de comprendre que l’on a lâché prise, perdu le contrôle. Le contenu du rêve associé peut jouer les détracteurs également, notamment si la scène de sexe invite une personne autre que le partenaire. Pour rassurer tout un chacun, la sexologue rappelle que « les orgasmes nocturnes sont le signe d’un bon fonctionnement psychique et corporel ».

Et si on décidait alors de recevoir ces orgasmes comme de jolis cadeaux ? Un cadeau que l’on pourrait même convoquer, si le cœur nous en dit, notamment en se « prédisposant » et en identifiant le fameux produit érotisé. D’ailleurs, plus on vivra d’orgasmes érotiques, plus on sera apte à en découvrir la recette, notre recette. Pour développer cette idée, Magali Croset-Calisto s’appuie sur la notion de « hasard objectif », telle qu’établie par l’écrivain André Breton, théoricien du surréalisme : « Un hasard, quand on l’analyse après-coup, nous laisse parfois entendre qu’il était prévisible. Et si un hasard, finalement, pouvait être attendu ? », questionne la psy. À méditer : une fois l’orgasme nocturne survenu, avons-nous de quoi identifier ce qui l’a provoqué ? Là, on percera le mystère de l’orgasme nocturne, et ce sera toujours ça de pris dans un monde qui tâtonne encore sur le sujet.

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