Santé

Ma famille, mes proches et moi : Alexandrine, 29 ans : « À 12 ans, je rappelais à ma mère de payer ses factures »

« Lorsque je suis née, ma mère avait 17 ans », raconte Alexandrine. « Elle m’a élevée seule, m’a nourrie, lavée, soignée et amenée à l’école. Du moins, jusqu’à ce que je sois capable de faire tout cela seule. Pour le reste, je me suis toujours débrouillée, du mieux que j’ai pu, par moi-même ». Depuis qu’elle est adolescente, voire avant, cette infirmière libérale du Pays basque a aussi l’habitude de prendre en charge sa mère. Non pas que celle-ci soit souffrante, ou intellectuellement déficiente, mais parce que, à 46 ans, Myriam, se conduit encore comme une gamine de 16 ans.

« Maman a beau avoir toujours travaillé – c’est même une esthéticienne appliquée et appréciée de la clientèle -, elle n’a pas du tout la tête sur les épaules, soupire la vingtenaire. D’aussi loin que je me souvienne, elle s’est toujours conduite de manière irresponsable dans la vie de tous les jours ». Le principal problème de Myriam ? La gestion de son budget. « C’est un vrai panier percé, confirme sa fille. Elle achète tout et n’importe quoi, notamment des fringues – son dressing ressemble à une caverne d’Ali Baba ! – et, qui plus est, elle sort énormément, que ce soit au cinéma ou au restaurant. Tant et si bien que, le 15 du mois, elle est systématiquement dans le rouge. Tant pis, me dit-elle, si elle doit manger des pâtes jusqu’à sa prochaine paie. Elle veut profiter de la vie ».

Une santé négligée

Paradoxe de la situation : l’immaturité de Myriam a rendu Alexandrine très tôt hyper-mature. « À 12 ans, je lui rappelais déjà qu’elle devait payer ses factures, avant de s’acheter une énième paire de chaussures, dit-elle. J’avais remarqué qu’elle n’ouvrait jamais son courrier et je vivais la peur au ventre qu’on nous coupe l’eau et l’électricité, voire qu’on ait un jour des ennuis avec la justice ». Alexandrine ne vit plus avec sa mère depuis belle lurette, mais elle continue à s’assurer que celle-ci est en règle avec l’administration. Il n’y a hélas pas qu’avec la paperasserie que Myriam est fâchée.

« Elle m’a récemment avoué, au détour d’une conversation, qu’elle n’avait pas consulté de gynécologue depuis bientôt dix ans », lâche la jeune femme. « Je dois dire que, ce jour-là, les bras m’en sont tombés. Ce n’est franchement pas possible d’être aussi négligente en matière de santé, surtout quand on est, comme elle, en période de pré-ménopause. Je lui ai passé un joli savon, mais en lui prenant son rendez-vous sur Doctolib, je me suis quand même dit que c’était le monde à l’envers. Autour de moi, ce sont les mères qui prennent soin de la santé de leurs filles, pas le contraire ».

Alexandrine se souvient aussi de ce jour où Myriam s’est ouvert le pouce en ouvrant une boîte de conserve. « J’étais partie passer le week-end chez des amis à Paris », raconte-t-elle. « Elle me disait au téléphone, presque en rigolant, que son doigt « pissait le sang », mais elle refusait de se rendre aux urgences. J’étais tellement stressée que j’ai fini par demander à l’une de mes collègues de bien vouloir passer chez elle, afin d’évaluer la gravité de la situation. Finalement, ce n’était pas grand-chose, mais cette histoire a amplement suffi à gâcher mon séjour ».

« Elle me dit que je serai plus tranquille le jour où elle ne sera plus là »

Que dit la principale intéressée de tout ça ? Pas grand-chose, à vrai dire. « J’ai essayé maintes et maintes fois de lui faire comprendre que je n’en pouvais plus d’être toujours derrière elle, que ça me bouffait toute mon énergie de régler ses problèmes », glisse Alexandrine. « Elle botte presque systématiquement en touche en me disant que je dramatise tout et qu’elle se débrouille parfaitement sans moi ». La phrase favorite de Myriam quand elle subit les critiques de sa fille ? « Je me demande vraiment comment je faisais avant ta naissance ! », ceci déclaré, bien entendu, sur un ton ironique. Et bien justement, Alexandrine, se demande parfois comment sa mère se débrouillait sans elle.

J’ai essayé maintes et maintes fois de lui faire comprendre que je n’en pouvais plus d’être toujours derrière elle

À d’autres moments, Myriam essaie au contraire de culpabiliser sa progéniture. « Elle me fait alors tout un cinéma, geint qu’elle est un fardeau pour moi et que je serai plus tranquille le jour où elle ne sera plus là, poursuit la jeune femme. Elle me supplie alors de ne plus venir la voir, de l’abandonner. » Quand elle pense à sa mère, Alexandrine balance entre colère, tristesse et déception. « J’ai parfois envie de partir loin et de la laisser gérer sa vie comment elle l’entend », lâche-t-elle. « Mais c’est plus fort que moi, j’en suis incapable, car malgré tous les tracas qu’elle m’occasionne, je l’aime. Elle aussi m’aime, d’ailleurs, j’en suis sûre. Mais c’est une éternelle adolescente qui a l’impression que tout le monde doit lui quelque chose. À commencer par moi. »

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