Santé

Ma famille, mes proches et moi : Clémentine, 26 ans : « Le jour où nos parents ne seront plus là, ma sœur et moi couperons les ponts »

« Je crois qu’à la minute où elle m’a vue, à la maternité, ma sœur m’a détestée », lâche d’emblée Clémentine. « Maman m’a raconté que lorsqu’elle est rentrée à la maison avec moi, Juliette s’est réfugiée sous son lit et a piqué une colère telle qu’elle a failli en perdre connaissance. Dans les jours qui ont suivi, elle n’arrêtait pas de passer près de moi pour me bousculer et de demander « quand on allait me ramener à l’hôpital « . Mes parents avaient si peur qu’elle me fasse mal, voire qu’elle m’étouffe pendant la nuit avec un oreiller, qu’ils avaient installé mon berceau près de leur lit, dans leur chambre à coucher ».

Jalousie enfantine

Malheureusement pour Clémentine, la jalousie de Juliette ne s’estompe pas avec les années. Loin de là. L’aînée de la famille est non seulement persuadée que sa cadette lui vole la vedette, mais aussi qu’elle est plus choyée qu’elle. « Dès qu’on m’offrait quelque chose – un vêtement pour Barbie ou une bague de pacotille, c’était le drame à la maison », se souvient cette chargée de clientèle. Pourquoi tant de haine ? Un mystère, à en croire la jeune femme. « Je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir reçu plus qu’elle », soutient-elle. « Mes parents ont toujours veillé à distribuer leur amour de manière équitable ». Il n’empêche : Juliette croit dur comme fer que Clémentine fait l’objet de plus d’attentions – « tu es la chouchoute », lui répète-t-elle en boucle – et campe, durant des années, sur son hostilité.

Zéro moments partagés

Résultat : les deux filles ont beau n’avoir que trois ans et demi de différence, elles ne partagent quasiment rien pendant leur enfance. « À chaque fois que j’essayais de m’approcher d’elle, elle me rejetait », raconte Clémentine. « J’étais toujours trop petite (quand ce n’était pas « trop bête ») pour me mêler de ses affaires. Elle voulait que je sache que, à ses yeux, j’étais une gamine inintéressante ». Clémentine se souvient notamment de ce jour où Juliette avait invité deux camarades de classe à la maison. « Elle devait avoir à peine dix ans, mais elle avait réussi à tirer sa commode devant la porte de sa chambre pour que je ne vienne pas m’immiscer dans leur jeu, alors que je ne demandais que ça », raconte-t-elle. « C’est pathétique, mais je crois que j’ai passé l’après-midi assise par terre dans le couloir à attendre, en vain, un signe de sa part ».

Mauvais caractère ou véritable lutte contre sa sœur ?

Quand Juliette ne peut pas faire autrement que de partager une activité avec Clémentine – c’est-à-dire, quand ses parents l’y obligent – elle fait tout pour la pousser rapidement à bout, en lui démolissant, par exemple, ses constructions de Legos, tant et si bien que la petite fille finit toujours en larmes. « Sa distraction favorite était de me faire pleurer », confirme Clémentine. « Et elle ne reculait devant rien pour arriver à ses fins. Elle m’a même un jour soufflé dans le creux de l’oreille que le Père Noël n’existait pas ». Parce qu’elle est la plus grande, Juliette se fait souvent gronder quand les choses dégénèrent, ce qui, évidemment, ne fait qu’attiser sa rancœur envers sa cadette. « C’est idiot, car nos parents n’accordaient, sûrement à tort d’ailleurs, que peu d’importance à ces « chamailleries de petites filles », comme ils disaient », soutient Clémentine. « Ils les mettaient sur le compte du mauvais caractère de leur aînée et étaient convaincus que cela allait lui passer ».

Une ambiance électrique

Les véritables accrochages entre les deux sœurs commencent à l’adolescence, lorsque Clémentine cherche à se faire une place et n’accepte plus de se faire écraser par son aînée. « À chaque fois qu’elle me lançait une pique – « ta robe ? mouais, je n’aime pas. Je l’ai vue en magasin, mais je me suis dit qu’elle était vraiment trop moche » -, je lui balançais moi aussi du tac au tac une vacherie, du style : « Tant mieux, car je ne suis pas sûre que tu aurais pu y rentrer tes fesses » », raconte-t-elle. « Autant dire que l’ambiance était souvent électrique à la maison. Il nous est même arrivé, lorsque nos parents n’étaient pas là, d’en venir aux mains, comme ce jour où elle s’est payé la tête de Thomas, mon petit ami de l’époque, en le surnommant Poil de Carotte, parce qu’il avait les cheveux roux ».

Maturité et sagesse ?

Clémentine et Juliette n’ont pas encore construit de famille à ce jour, mais elles ont toutes les deux pris leur envol. Les deux sœurs ont très peu de contacts, mais leur désamour perdure et resurgit régulièrement au détour d’une petite phrase assassine de l’une ou de l’autre, quand elles se retrouvent chez leurs parents. La dernière fois, c’était il y a deux mois, et – encore une fois – dans la bouche de Juliette. « Nous étions tous les quatre à table et je venais d’annoncer que j’avais décroché le poste que je convoitais depuis plusieurs mois », se souvient Clémentine. « Ça a été plus fort qu’elle, Juliette n’a pas pu s’empêcher de souligner que j’avais eu de la chance d’être embauchée dans ce groupe qui, d’habitude, ne recrutait que des pointures issues de grandes écoles de commerce (sous-entendu : ce que je n’étais pas). Pour ne pas gâcher le déjeuner d’anniversaire de maman – ou preuve que je commence à mûrir ? – j’ai préféré ne pas relever ».

Faire un jour la paix avec Juliette ? « Sincèrement je n’y crois plus », regrette Clémentine. « J’aurais adoré, qu’elle et moi, nous tissions des liens forts et que nous soyons des sœurs unies et complices, comme on peut en voir dans les films, mais la réalité est que nous n’avons plus grand-chose à nous dire. C’est triste, mais il est probable que le jour où nos parents ne seront plus là pour faire le lien entre nous, nous couperons définitivement les ponts ».

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