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Ma famille, mes proches et moi : Iris, 32 ans : « Ma mère est jalouse de moi »

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« J’ai mis longtemps avant de me rendre compte que ma mère était jalouse de moi », confie Iris. « Aujourd’hui encore, je suis tellement mal à l’aise avec cette idée que je n’en parle jamais. Difficile de comprendre qu’une maman ne veuille pas le meilleur pour la chair de sa chair. J’aurais trop peur qu’on la prenne pour un monstre ».

Une relation fusionnelle

Lorsqu’elle était petite, cette ingénieur agronome de la région parisienne entretenait un rapport presque fusionnel avec sa mère, qui avait renoncé à sa carrière dans l’édition pour s’occuper de sa fille unique, née après trois inséminations. « Je me souviens très bien que je n’avais d’yeux que pour elle », se souvient la jeune fille. « Ma mère avait une classe folle et paraissait beaucoup plus jeune que celles de mes copines ». Virginie était, elle aussi, en admiration devant sa progéniture. Elle l’affublait de petits surnoms affectueux – « mon trésor », « mon cœur », « ma choupette » … – et lui répétait sans cesse qu’elle était « la plus belle de toutes les petites filles sur terre ».

Je n’avais d’yeux que pour ma mère

« Elle m’habillait en rose bonbon, me mettait des rubans de tulle dans les cheveux, parfois même du vernis sur les ongles et m’emmenait partout, que ce soit chez des amies, ou à des dîners. J’étais sa poupée, son faire-valoir. Rien ne lui faisait plus plaisir que quand quelqu’un lui disait que j’étais « trop chou » et, surtout, que je lui ressemblais. À l’époque, je ne lui faisais pas encore d’ombre. En me complimentant, on la complimentait ».

Les premières rivalités

Avec le recul, la trentenaire se souvient seulement qu’elle avait vu, sans vraiment voir, que sa mère ne supportait pas la complicité qu’elle entretenait avec son père. « Elle s’arrangeait toujours pour le tenir à distance de moi », dit-elle. « Le soir, si l’envie prenait à papa de me lire une histoire dans ma chambre, elle faisait systématiquement irruption et prétextait qu’elle avait besoin de lui pour ci, ou pour ça, afin de l’éloigner de moi ». Mais la rivalité et l’envie s’installent vraiment lorsqu’Iris entre dans la période de l’adolescence. De manière très insidieuse, au début.

« Elle faisait mine de toujours s’inquiéter pour moi, de craindre, par exemple, que je prenne froid si j’étais sapée un peu trop sexy à son goût », glisse-t-elle. « Et elle s’empressait d’aller chercher dans ma penderie l’une de ces fringues immondes – une jupe ou un pantalon large de partout – qu’elle avait l’habitude de m’acheter qui, bien sûr, ne me mettait absolument pas en valeur, mais que je mettais, car je pensais qu’elle faisait ça pour mon bien. Mon père avait beau la supplier gentiment de me « lâcher la grappe », elle ne pouvait pas s’empêcher également de freiner mes sorties et de critiquer mes amis, surtout les garçons, qui commençaient à tournicoter autour de moi. Elle se montrait faussement bienveillante à mon égard et prétextait que « je valais cent fois mieux qu’eux » ».

Un mal-être personnel

Las, plus le temps passe et plus les remarques deviennent acerbes. Virginie voit sa fille devenir une ravissante jeune femme, sur laquelle les hommes se retournent et qui lui vole la vedette (car autrefois c’était bien elle qu’on regardait, non sa fille). Elle prend conscience qu’elle vieillit et que le meilleur est peut-être derrière elle. Cette idée lui est insupportable. D’autant qu’elle n’est pas vraiment heureuse dans sa vie. Directeur des achats dans une grande entreprise de construction, son mari passe la plupart de son temps à l’étranger. Elle se sent seule dans son couple depuis longtemps, et voilà qu’Iris – son bébé – lui échappe, à son tour. Trop, c’est trop.

Des réflexions dévalorisantes

Commence alors un véritable travail de sape. Virginie ne se contente plus de souligner les moindres défauts physiques de sa fille, elle la compare sans cesse à ce qu’elle était jadis : « c’est étrange que tu aies de la cellulite sur les cuisses, je n’en avais pas du tout à ton âge ». Elle la rabaisse aussi à chaque fois qu’elle réussit et ne l’encourage jamais dans ses projets. « Lorsque j’ai décroché mon bac scientifique, avec la mention très bien, je me souviens que la première chose qu’elle m’a dite, au lieu d’être heureuse pour moi et de me féliciter ; c’est que cela prouvait que le niveau à l’école avait sacrément baissé depuis son époque », raconte Iris, encore meurtrie par ces paroles.

Je me souviens que la première chose qu’elle m’a dite quand j’ai eu mon bac; c’est que cela prouvait que le niveau à l’école avait sacrément baissé depuis son époque

Mais lorsqu’Iris est confrontée à des échecs, Virginie la conforte dans le renoncement. « Si tu as raté le concours d’entrée au conservatoire, c’est que tu n’étais probablement pas destinée à devenir une grande pianiste », lui avait-elle fait remarquer, l’année de ses 16 ans.

Le choix de fuir pour mieux se retrouver

Est-ce pour toutes ces raisons qu’Iris choisit de suivre une prépa en province ? La trentenaire en est convaincue. « J’avais inconsciemment besoin de partir pour me retrouver », explique-t-elle. Après ses études et quatre ans de thérapie, qui lui ont permis d’évacuer une partie de ses émotions négatives, la jeune femme est revenue vivre à quelques kilomètres de chez ses parents et est parvenue à réinventer sa relation avec sa mère.

« Je ne veux pas me perdre dans la colère ou dans la haine, car je sais qu’au fond d’elle-même maman m’aime, même si elle m’aime mal », dit-elle. « Alors je prends désormais du recul pour que ses piques – car oui, il y en a encore parfois – ne m’atteignent plus, ou du moins pas autant qu’avant, et, surtout, je pense à moi et j’avance ». Voici trois ans qu’Iris a rencontré celui qui a su lui redonner confiance en l’avenir. Elle espère bien qu’il lui permettra un jour de devenir une vraie maman.

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