Santé

Maelle Bizet Sablé sur le vaginisme « On peut vivre avec du vaginisme et avoir une vie sexuelle épanouie »

À 21 ans, Maelle Bizet Sablé est une activiste très suivie : sur Tik Tok, elle rassemble une audience de 40 000 jeunes. Son cheval de bataille ? Maelle a découvert à l’adolescence qu’elle avait du vaginisme, c’est-à-dire que ses muscles pelviens se contractaient involontairement, et empêchaient la moindre insertion dans son vagin. À force de recherches, de lectures, de rencontres bienveillantes aussi, Maelle a guéri. Aujourd’hui, sur son blog, « Journal d’une vaginique », elle partage son expérience, ses questionnements, et des ressources en accès libre et gratuit. Dans le sillage, elle a entamé des études de psychologie et de sexologie. Je lui ai proposé de nous raconter comment le vaginisme, après l’avoir contrainte et angoissée, l’a finalement aidée à accéder à une sexualité positive et éclairée.

Même le tampon XXXS ne rentrait pas

« Je me suis rendu compte de mon vaginisme à l’adolescence, alors que j’étais en vacances d’été avec une copine. On voulait aller à la piscine, mais on avait nos règles. Elle a pu mettre un tampon… et moi, non. Même le format XXXS, impossible de l’insérer. Je me suis sentie honteuse de ne pas réussir ce geste simple.

Je suis allée voir sur des forums pour comprendre ce qui m’arrivait. Et forcément, je suis tombée sur les diagnostics les plus graves ! Je me suis dit : mais si ça se trouve, je n’ai pas de vagin, si ça se trouve j’ai un hymen trop épais… À force de faire des recherches, j’ai fini par me dire que le plus probable était que je faisais du vaginisme. »

Consulter : le parcours de la combattante

« Le vaginisme est un trouble psychosomatique qui provoque des contractions involontaires au niveau des muscles du périnée. Ces contractions empêchent partiellement ou complètement la pénétration. Le terme « psychosomatique » signifie que c’est un problème de l’esprit qui se traduit dans le corps, souvent pour le protéger. Le vaginisme peut avoir toujours été là, ou alors il peut survenir après un évènement : un avortement, un accouchement, une agression sexuelle par exemple. Le vaginisme lui-même ne provoque pas de douleur. Mais quand on essaye de passer le blocage, de forcer, ça fait mal.

Si c’était bien du vaginisme, il me fallait consulter. C’était compliqué pour moi, j’étais très gênée. C’est embarrassant d’aller voir ses parents à ce sujet ! Plus tard, étant étudiante, je n’avais pas les moyens de suivre une thérapie avec une psychologue ou une kinésithérapeute. J’ai dû faire mes recherches de mon côté.

Après plusieurs années d’errance, j’ai fini par consulter une gynécologue. Mais la consultation s’est très mal passée : elle a nié mon vaginisme. Son hypothèse était que j’étais juste « trop serrée », ou bien que mon partenaire ne bandait pas assez. Elle m’a donné des conseils pour exciter un homme ! C’était absurde, je n’avais pas de partenaire, juste un souci de tampon qui ne rentrait pas. Et pour le coup, le tampon était bien dur !  »

Mon vaginisme, ce tabou

« Quand j’ai découvert mon vaginisme, j’étais jeune et j’avais surtout envie de rentrer dans la norme. J’avais peur de mon propre corps que je ne contrôlais pas, j’avais honte de mes douleurs et j’angoissais à l’idée d’en parler aux garçons avec qui je flirtais.

Il faut dire que les réactions des hommes peuvent être complètement à côté de la plaque ! Il y a ceux qui érotisent ce trouble, du type : « ça doit être bien de le faire avec toi parce que c’est très serré… donc encore plus de sensations pour moi ». Il y a ceux qui le banalisent : « c’est dans ta tête, il suffit de te forcer un peu, si tu veux vraiment que ça entre, ça entre. » Et puis il y a le syndrome du sauveur : « je vais te soigner ».

Je n’ai pas eu de première fois. Ça a tellement été fait par étapes, qu’il y a eu des milliers de premières fois !

Face à ces réactions, je ne me voyais pas avoir une relation amoureuse ou sexuelle avec quelqu’un. J’ai fini par rencontrer un garçon très attentif, qui s’est intéressé à moi, tout simplement. On en a parlé. Avec lui, mon entrée dans la vie sexuelle s’est faite par paliers : au début on avait des rapports non pénétratifs, puis progressivement on a tenté des pénétrations avec le doigt, et enfin avec un pénis. Ça a été très, très progressif. Contrairement à beaucoup de mes amies, je n’ai pas eu de première fois, qui est généralement résumée à la première pénétration et qui peut être hyperstressante. Moi, ça a tellement été fait par étapes, qu’il y a eu des milliers de premières fois !

Avec le temps, j’ai appris à écouter et à comprendre mon corps. Les effets négatifs du vaginisme ont laissé la place à beaucoup de belles choses. »

Mon vaginisme, cet allié

« Pour soigner mon vaginisme, il a fallu que la pénétration soit systématiquement associée à du plaisir. Car le vaginisme est lié au fait qu’on associe, consciemment ou inconsciemment, la pénétration à de la douleur, à de la peur. C’était important que dans ma vie sexuelle, cela soit inversé, et le plaisir féminin était donc central. Par exemple, mon corps pouvait réagir négativement à un rapport si je n’avais pas d’orgasme. Dans un premier temps, il a été nécessaire de passer par cette étape-là : jouir à chaque rapport sexuel pénétratif, pour que mon corps apprenne à se sentir en confiance. Cette nécessité de jouir a mis le plaisir et l’orgasme féminins au centre de mes relations sexuelles.

Aujourd’hui, je ne souffre plus de mon vaginisme. Ce qu’il en reste, c’est qu’il peut refaire surface si je ne me sens pas à l’aise, si je ne suis pas dans les bonnes conditions… Ces résurgences du vaginisme rendent difficile le fait de faire l’amour n’importe où et n’importe quand — en tout cas quand le rapport est pénétratif. Car le sexe ne se résume pas à la pénétration, et heureusement !

Lorsque j’ai envie de pénétration, il me faut un peu de matériel. J’ai absolument besoin de lubrifiant, pour commencer. Et j’ai besoin qu’il y ait une double stimulation, que le clitoris soit tout le temps stimulé de façon externe pendant les rapports, en même temps que de façon interne par le vagin. Pour la jouissance, c’est bien ! L’utilisation de sextoys m’aide beaucoup. Un partenaire qui voit les sextoys comme des rivaux, c’est incompatible avec le vaginisme.

Avoir du vaginisme, ça rend aussi nécessaire la communication chaque minute du rapport. Le bon côté, c’est que ça dédramatise le sexe : on ne se demande pas ce que l’autre veut, de toute façon, on est obligé d’en parler pour que ça se passe bien ! Pour moi, se demander 45 fois par rapport : « Est-ce que ça va ? Est-ce que ça, c’est OK ? Est-ce que ça fait du bien » est la norme.

Dans mon parcours, je pense que le vaginisme m’a aidée à accéder très jeune à cette notion : mon plaisir est important. Je suis convaincue que ma sexualité ne serait pas aussi satisfaisante aujourd’hui si je n’étais pas passée par l’étape vaginisme. »

Aider les autres femmes

« Mon travail d’activiste a commencé quand je me suis dit : j’ai envie de soigner mon vaginisme. À cette époque, j’ai commencé à écumer Internet pour trouver des solutions. Ce travail me prenait énormément de temps ! Je me suis dit que ce serait tellement bien que pour les autres, ce soit moins chronophage.

À cette époque, je suis aussi tombée sur une annonce qui disait : « Pour 3 000 €, soignez votre vaginisme en trois mois. » C’est un programme qui malheureusement existe encore, et qui joue sur nos insécurités pour nous faire dépenser beaucoup d’argent. J’étais très jeune, et je m’étais dit que j’allais économiser pour me payer ce programme. Quand tu souffres de vaginisme, tu te sens souvent très seule. C’est difficile d’en parler à ses proches parce que beaucoup ne comprennent pas. Il y a un véritable isolement. Heureusement, je n’ai pas acheté ce programme. Quand j’ai lancé mon blog, c’était très important pour moi de pouvoir offrir des informations sur le vaginisme.

Mon objectif était de regrouper un maximum d’informations sur le vaginisme et sa guérison. Au-delà des conseils pratiques sur comment se soigner, je souhaitais parler de mon expérience, qui est finalement assez commune. J’ai rapidement été contactée par des centaines de personnes qui se reconnaissaient dans mon vécu.

Parler de vaginisme, c’est parler plus largement de toutes les fois où la sexualité ne ressemble pas à ce qu’on voit autour de soi. Mon travail sensibilise sur le vaginisme, mais est aussi une façon de déculpabiliser pas mal de gens.

Pour moi, c’est parfois difficile d’entendre tous ces récits intimes ; parce que le vaginisme, ça peut être des douleurs, des traumatismes, des violences, des examens gynécologiques qui se passent mal. Mais à chaque fois, j’éprouve beaucoup de reconnaissance à l’idée de pouvoir offrir un espace de parole à des personnes qui en ont besoin. La première fois que j’ai reçu un message d’une personne qui me remerciait de mes conseils parce qu’elle avait enfin soigné son vaginisme, j’ai décidé que ce travail ne serait pas uniquement une forme d’activisme dans ma vie ; et je me suis réorientée en psycho-sexologie. »

Ne pas en vouloir à son corps

« Si vous souffrez de vaginisme, je voudrais vous conseiller de ne pas en vouloir à votre corps. Le vaginisme est un mécanisme défensif, et même si on peut avoir tendance à en douter, il est là pour notre bien. Donc n’essayez pas de combattre votre vaginisme, mais tentez plutôt d’apprendre à l’écouter. Je dirais à celles qui souhaitent guérir que c’est possible et même si c’est compliqué, il ne faut pas perdre espoir. Je dirais à celles qui ne le souhaitent pas que le vaginisme n’est pas cet enfer qu’on décrit parfois, on peut vivre avec du vaginisme et avoir une vie sexuelle épanouie. Il n’y a pas de contradiction.  »

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