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Ostéopathie : arnaque ou pas ? | Santé Magazine

Les Français craquent pour l’ostéopathie : ils sont 48 % à y avoir eu recours au cours des cinq dernières années (source 1). 86 % estiment que cette pratique est bénéfique pour la santé et 82 % pensent même qu’elle devrait être remboursée par la Sécurité sociale (source 2). Pour répondre à cette demande, en France le nombre d’ostéopathes a été multiplié par trois en dix ans. Ils sont aujourd’hui près de 39 000, soit 1 pour 1 748 habitants environ, la plus forte densité des pays européens (source 3).

Mais du côté des médecins, la pratique divise. Alors que certains hôpitaux proposent des consultations d’ostéopathie en rhumatologie, cancérologie ou gestion de la douleur, d’autres soulignent le manque de preuves scientifiques de son efficacité.

L’ostéopathie, une approche globale

L’ostéopathie est une thérapie manuelle qui considère que toutes les parties du corps sont liées entre elles par les tissus, et qu’un blocage au niveau des chevilles ou des genoux peut se répercuter au niveau des cervicales, ou un problème d’estomac avoir une incidence sur le mal de dos. « C’est une approche systémique : on traite souvent l’ensemble du corps même si le patient vient consulter pour une douleur ou symptôme localisé », résume Philippe Sterlingot, président du Syndicat français des ostéopathes.

L’ostéopathe recherche des restrictions de mobilité au niveau des articulations, des muscles ou des viscères, qui peuvent expliquer des douleurs, des problèmes digestifs… Il cherche ensuite à lever ces blocages avec pour but d’apporter un soutien au corps, capable de “s’auto-équilibrer”, voire “s’auto-guérir” à la suite de ces ajustements, notamment en produisant des substances antalgiques ou anti-inflammatoires.

Dr Christian Caldaguès, médecin généraliste ostéopathe : Si les bases physiologiques et biomécaniques de l’ostéopathie ostéoarticulaire sont bien validées, l’ostéopathie crânio-sacrée et viscérale sont plus controversées, car leurs théories ont beaucoup moins de fondements scientifiques.

Statut, formation, pratique… comment l’ostéopathie est-elle réglementée ?

Est-ce que l’ostéopathie est reconnue comme une pratique de médecine ?

À la différence des masseurs-kinésithérapeutes, les ostéopathes n’ont pas le statut de professionnel de santé. La profession est réglementée par un décret de 2007, qui fixe les conditions et le champ d’exercice de l’ostéopathie. Il précise qu’elle peut prévenir et traiter les troubles fonctionnels (troubles musculosquelettiques, digestifs, respiratoires, gynécologiques…), mais pas les maladies organiques, qui nécessitent une intervention d’un professionnel de santé. « Un ostéopathe ne peut pas prétendre soigner un cancer, mais il peut prendre en charge un patient atteint d’un cancer pour l’aider à mieux supporter les effets secondaires des traitements », précise Philippe Sterlingot.

S’il est médecin ou kiné, c’est mieux ? Si la plupart des ostéopathes sont “exclusifs” (ils ne font que ça), 29 % sont aussi kinés, 5 % sont médecins et un petit nombre sont sages-femmes, infirmiers ou podologues. Ils ont reçu une formation à l’ostéopathie de près de 1 000 heures. À la différence d’un ostéopathe, un médecin ostéopathe peut poser un diagnostic et prescrire des médicaments, des examens supplémentaires ou un arrêt de travail si nécessaire. Un kiné-ostéopathe, lui, peut établir une stratégie de rééducation globale, et prescrire des dispositifs médicaux type genouillère.

5 ans d’école d’ostéo pour être diplômé

Depuis 2014, un décret fixe un référentiel commun de formation des ostéopathes, avec 5 ans d’études, soit 5 000 heures de cours, dont 1 300 h d’enseignement pratique et 1 500 h de stages. Pour exercer, un ostéopathe doit obtenir son diplôme dans l’une des écoles agréées par le ministère de la Santé. Pour autant, ce n’est pas un diplôme reconnu par l’État (D.E.) : sur la plaque, l’acronyme D.O. signifie simplement diplômé en ostéopathie. 30 écoles étaient agréées à la rentrée 2022, dont 2 avec un agrément provisoire en attendant la régularisation de certains points. Philippe Sterlingot regrette que « certaines écoles reçoivent l’agrément alors qu’elles ne respectent pas les critères fixés, notamment sur le nombre d’heures de formation pratique des ostéopathes ».

Des gestes réglementés

L’ostéopathe peut effectuer des manipulations “exclusivement manuelles et externes”. « Les actes internes, touchers vaginaux et rectaux ne sont autorisés qu’aux médecins et aux sages-femmes », rappelle Philippe Sterlingot. Un ostéopathe exclusif ne doit jamais vous proposer de passer par la voie rectale pour réaligner le coccyx.

Dr Caldaguès : En théorie, un ostéopathe non-médecin doit demander un certificat médical d’absence de contre-indication avant de manipuler les vertèbres cervicales. Dans les faits, c’est rare, et nous nous battons pour que cette règle soit mieux respectée.

Il peut toucher les cervicales, masser ou bouger doucement le cou, mais méfiance s’il les fait “craquer” sans avis médical.

Est-ce que l’ostéopathie marche vraiment ? quelles sont les preuves scientifiques de son efficacité ?

Contre le mal de dos

Le mal de dos est le motif de consultation numéro un. Une revue publiée en 2022 dans le British Medical Journal conclut à une “possible” efficacité de l’ostéopathie pour les troubles musculo-articulaires (source 4). « Des études ont montré une efficacité sur la douleur et le gain de mobilité, avec 3 à 4 séances de 45 minutes espacées d’une à deux semaines. Mais ces résultats ne sont pas extrapolables à tous les protocoles ostéopathiques », précise le Pr Grégory Ninot, qui évalue les interventions non médicamenteuses.

Une étude menée en 2021 à l’hôpital Cochin sur 400 lombalgiques (6 séances espacées de 2 semaines) s’est avérée plus décevante. « Nous avons comparé les manipulations ostéopathiques à des manipulations factices », explique la Pr de médecine physique et de réadaptation à l’hôpital Cochin Christelle Nguyen. Bilan : l’ostéopathie ne fait pas mieux que le placebo. La douleur a diminué en moyenne de 7 à 8 points sur une échelle de 1 à 100 dans les deux groupes et l’ostéopathie n’a pas permis de diminuer les médicaments.

Pour les troubles digestifs

Plusieurs petites études publiées dans des revues scientifiques montrent une diminution significative des troubles du transit et/ou des douleurs abdominales par rapport à un placebo (ostéopathie fictive) chez des personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable. Mais le plus souvent, le bénéfice ne se maintient pas au-delà de 3 semaines.

Face à l’endométriose

Selon la Haute autorité de santé, l’ostéopathie fait partie des prises en charge non médicamenteuses qui ont montré une amélioration de la qualité de vie dans l’endométriose et elle peut être proposée. S’il n’y a aucune étude contre placebo à l’heure actuelle, des études observationnelles notent que les patientes ressentent une amélioration de leurs douleurs après une séance de 45 minutes. Les manipulations pourraient aider à réduire les tensions autour des zones de fibrose et d’adhérence des tissus.

En cas de migraines

L’efficacité pour les maux de tête est incertaine, en raison du manque de qualité des études. « Chez les patients qui consultent un ostéopathe, certains notent une amélioration, mais généralement pas sur le long terme : ils vont aller mieux pendant 2 à 3 semaines, puis les crises reviennent », observe le Dr Michel Dib, neurologue. Le médecin regrette une pratique très hétérogène, sans protocoles précis. Il ne recommande pas l’ostéopathie à ses patients parce que le résultat n’est pas sûr (une aggravation est possible aussi), et qu’elle est selon lui sans doute plus indiquée pour les céphalées de tension (liées à des contractures musculaires autour du crâne) que pour les migraines, d’origine neurologique.

Quelle efficacité chez le bébé ?

Si les os du crâne ont été déformés lors de l’accouchement, en cas de “tête plate”, de régurgitations, coliques ou pleurs fréquents, il est parfois proposé aux jeunes parents d’amener leur nourrisson chez un ostéopathe. Si une étude de 2020 montre une nette amélioration en 3 séances sur le syndrome de la “tête plate”, elle n’a pas comparé l’ostéopathie à l’évolution en absence d’intervention. Idem pour le reflux. Toute manipulation avant l’âge de 6 mois nécessite, selon la loi, un certificat médical “d’absence de contre-indication à l’ostéopathie”.

Quels sont les risques ?

Il y a des contre-indications à l’ostéopathie : phlébite, problèmes de coagulation, hernie discale avec signes neurologiques, antécédent d’AVC… Le risque d’accident est faible mais il existe. Des cas de fractures, de hernie discale ou d’AVC ont été décrits. « Et comme il ne s’agit pas d’une profession de santé inscrite dans le Code de la santé publique, il n’y a pas de déclaration obligatoire d’accidents », souligne le Pr Ninot. « Le risque, c’est aussi que les patients consultent leur ostéopathe avant d’aller chez le médecin et prennent du retard dans la prise en charge », regrette la Pr Nguyen.

Verdict : on manque d’études de qualité pour affirmer son efficacité, au-delà d’un possible effet placebo. Mais on peut essayer, en complément d’une consultation médicale.

À lire : 100 médecines douces validées par la science, Pr Grégory Ninot et Brice Perrier, éd. Belin, 21,90 €.

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