Pause au travail : bienfaits, fréquence, réglementation

La course sans fin à la productivité et à la performance, la pression hiérarchique et la surcharge de travail poussent de trop nombreuses personnes à s’oublier sur le plan physique et mental : salarié(e)s et auto-entrepreneurs(ses) se forcent parfois à rester derrière leur poste de travail des heures durant, en dépit de leur fatigue, de leur stress, voire de douleurs posturales. Et le télétravail n’arrange rien, étant donné qu’il est souvent synonyme d’hyper-connexion et de brouille entre vie privée et vie professionnelle. La solution pour renouer avec le bien-être et gagner en productivité paraît pourtant simple : prendre régulièrement de courtes pauses. Quelques minutes suffisent en effet à se ressourcer pour gagner en concentration, en motivation et en productivité. Éclairages de Philippe Zawieja, psychosociologue, consultant, auteur et chercheur associé aux Universités de Paris, de Montréal, du Minho et de Florence.

À quoi sert la pause au travail ?

Quels que soient les domaines d’activité et les postes, les pauses au travail ne peuvent être que bénéfiques. Elles permettent notamment de lutter contre le stress, de réduire la fatigue, d’améliorer la productivité, de créer du lien social, mais aussi d’étirer ses muscles, d’oxygéner son cerveau et de favoriser la circulation sanguine, surtout quand on passe la majorité de ses journées assis(e) ou à faire du sur-place.

Relâcher la pression mentale et physique

« Notre cerveau a une capacité de concentration et d’attention limitée dans le temps, rappelle Philippe Zawieja. Faire une pause au travail peut donc être intéressant d’un point de vue cognitif ». Cela permet de favoriser la récupération pour reprendre le travail plus efficacement ensuite et – à long terme – de limiter l’émergence de risques psychosociaux comme le stress et le syndrome d’épuisement professionnel qui peuvent mener à une grande détresse psychologique, voire à un burn-out.

Sur le plan physique, les pauses permettent aussi de soulager les tensions musculaires pour réduire le risque de troubles musculosquelettique (TMS) et d’éviter la surcharge sensorielle liée à un temps d’écran trop important ou à une fatigue auditive. « Historiquement, la pause au travail était uniquement utile d’un point de vue mécanique : elle devait permettre aux corps de retrouver des forces, dans une logique d’optimisation du ‘moteur humain’ », précise le psychosociologue. Aujourd’hui elle permet de se dégourdir les jambes, mais aussi de se vider la tête.

Renforcer le lien social

En entreprise, les pauses sont indispensables pour créer et entretenir le lien social, d’autant plus dans les circonstances actuelles. « Les multiples confinements et la démocratisation du télétravail ont raréfié et dénaturé le lien social, souligne Philippe Zawieja. On a pensé que les pauses virtuelles ou les coups de fil compenseraient les rencontres physiques, mais en réalité les écrans nous privent parfois de spontanéité et de nombreux aspects de la communication non-verbale, comme les odeurs, les bruits et les signes corporels d’acquiescement, d’agacement, etc. Autant d’informations qui nous permettaient d’évaluer l’état de notre relation avec nos collègues. » Les pauses physiques permettent donc d’échanger des mots et des sourires réconfortants.

Favoriser un esprit de corps en entreprise

En entreprises, les pauses permettent également de favoriser l’émergence d’un esprit de corps. « De nombreuses informations informelles – au moins aussi importantes que les informations formelles – circulent pendant les pauses. Elles permettent de faire corps et de ne pas être tributaire d’une communication d’entreprise très formelle et verticale qui ne correspond pas toujours à la réalité du terrain. Pendant les pauses, les salarié(e)s échangent des observations, des ressentis, des analyses, des potins… Qui leur permettent de se sentir soutenus et de se forger leur propre opinion sur une situation », indique l’expert.

Pause café, pause cigarette, micro-sieste… Quand prendre sa pause au travail et que faire ?

« Que vous choisissiez de faire une micro-sieste, de scroller sur votre smartphone, de téléphoner à votre sœur ou de boire un café en observant la vue depuis votre fenêtre, vous permet de marquer un temps d’arrêt et de vous reposer mentalement ou physiquement. À la maison, vous pouvez vaquer à vos activités – en veillant à ne pas vous éparpiller – et en entreprise, vous n’êtes pas plus soumis aux directives de votre employeur. Autrement dit, vous pouvez vaquer à des occupations personnelles, mais vous devez respecter les horaires et les politiques de l’entreprise.

Quelques exemples d’activités à pratiquer pendant sa pause :

  • boire un café ou un thé ;
  • manger une collation ;
  • discuter avec ses collègues ;
  • faire une micro sieste (10-20 minutes maximum) ;
  • se balader et marcher quelques minutes ;
  • écouter de la musique pour se détendre ;
  • méditer pour améliorer sa concentration et réduire son stress ;
  • surfer sur internet ou sur les réseaux sociaux ;
  • lire quelques pages du dernier livre de son auteur préféré ;
  • faire un baby-foot ou des mots-fléchés avec ses collègues ;
  • aller fumer une cigarette en extérieur (en veillant à respecter la politique d’entreprise) ;
  • etc.

Se libérer de l’anxiété de performance et de la culpabilité !

Vous sortez vous dégourdir les jambes une dizaine de minutes, mais vos collègues restent figés à leur poste de travail ? Ne culpabilisez surtout pas ! La pause au travail est un droit essentiel des salarié(e)s encadré par le Code du travail. Vous êtes donc tout à fait en droit de vous éloigner de votre poste de travail pour souffler quelques instants, même si votre supérieur hiérarchique ne cesse de vous relancer sur un dossier en cours. Quelques mails ou appels manqués ne sont que peu de chose par rapport à votre bien-être !

Existe-t-il un temps de pause minimum ou maximum idéal ?

Il n’existe pas de temps de pause « idéal » pour reprendre du poil de la bête. « Cela dépend des personnalités, de l’état physique et psychique de chacun, de la nature et de l’agrément que nous procurent nos missions », répond Philippe Zawieja. Par ailleurs, d’un point de vue légal, le temps de pause est bel et bien encadré… Une tolérance existe généralement dès lors que le / la salarié(e) prend des temps de pause de manière raisonnable. Mais il faut s’adapter à l’entreprise. 

En entreprise, quel est temps de pause légal ? Combien d’heures peut-on travailler sans pause ?

Comme indiqué ci-dessus, le temps obligatoire de pause en entreprise est défini par l’article L 3121-33 du Code du travail. Ainsi, dès lors que le temps de travail effectif atteint six heures, l’employeur est obligé d’accorder au moins 20 minutes de pause à son / sa salarié(e). Et dans le cas des mineurs, la loi prévoit un temps de pause minimum de 30 minutes, dès lors que leur temps de travail quotidien est supérieur à quatre heures et demie.

Cette pause peut être fractionnée, par exemple quatre pauses de 5 minutes ou deux pauses de 10 minutes réparties dans la journée. Elle peut aussi être accordée d’un coup, après les six heures de travail ou avant que les six heures ne soient complétées. Mais en réalité, il est rare qu’une entreprise n’autorise qu’une pause de 20 minutes toutes les six heures.

À noter : une convention collective peut prévoir des temps de pause plus longs, notamment au moment du déjeuner.

Quid de la pause déjeuner : est-elle obligatoire selon la loi ?

Le Code du travail ne prévoit aucune obligation spécifique concernant la pause méridienne. En théorie, l’employeur doit laisser un temps nécessaire qui varie entre 30 minutes et deux heures selon l’organisation de l’entreprise et les dispositions prises par la convention collective. Quoi qu’il en soit, la pause méridienne n’est pas rémunérée et les salarié(e)s sont autorisé(e)s à sortir de l’entreprise si aucune structure de restauration collective n’est prévue en interne.

À quelle fréquence peut-on prendre des pauses dans sa journée de travail ?

Pour préserver sa productivité et sa santé, mieux vaut prendre de petites pauses régulières tout au long de la journée : idéalement cinq à dix minutes toutes les deux heures, en complément de la pause déjeuner. Objectif ? Se mettre en mouvement et se déconnecter mentalement du travail. Mais en réalité, la fréquence des pauses dépend souvent des horaires et des politiques de l’entreprise. Sans compter le niveau de stress personnel et la charge de travail qui font parfois renoncer aux pauses salutaires.

Quelles conséquences en cas d’abus ?

Attention à ne pas prendre des pauses de façon excessive – même en télétravail, depuis votre appartement. Si votre employeur estime que vous prenez des pauses trop souvent ou que celles-ci durent souvent trop longtemps -, il peut actionner des sanctions allant du simple blâme à la mise à pied disciplinaire, voire au licenciement pour faute.

Et inversement, si vous estimez que votre employeur ne respecte pas les temps de pause, vous pouvez alerter l’inspection du travail ou saisir le conseil de prud’hommes (CPH).

En vidéo : « Comment être heureux (se) au travail ? »

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