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Podcast – C’est mon histoire : « J’ai fait le tour du monde pour revoir ma famille »

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Quand j’ai embarqué pour Melbourne, je n’ai pas réalisé que j’aurais pu faire un détour par le Vietnam… Et, pourtant, un an plus tard, après des milliers de kilomètres en avion, en bateau, en train, en stop, en voiture, en autocar et à moto, mes pas allaient me ramener à Dong Hung, le village où je suis née.

Deux pays, deux familles

Mon compagnon, Simon, et moi avions envie de découvrir le monde plutôt que de nous lancer à 21 ans dans une carrière professionnelle en France. Aussi avons-nous été fous de joie lorsque nous avons obtenu le fameux visa pour l’Australie. C’est un dispositif qui permet aux jeunes du monde entier de passer un an là-bas en travaillant. Il faudrait un livre entier pour raconter tout ce que nous avons fait, tout ce que nous avons découvert ! Nous avons voyagé sur toute la côte est du pays, et même en Tasmanie. Nous avons vu des animaux incroyables et rencontré des centaines de gens. J’ai travaillé dans les vignes, désherbé des champs, récolté des patates douces, cueilli des fruits…

Au bout d’un an, Simon m’a proposé, plutôt que de rentrer directement en France, que nous visitions l’Asie. J’ai alors pensé à mes « vrais parents ». Je les appelle comme ça parce que, du plus loin de mes souvenirs, j’ai toujours su qu’ils existaient, mais j’étais trop petite pour utiliser l’expression de « parents biologiques ». Un jour, ma mère m’avait demandé : « Et puisque ce sont tes ‘vrais parents’, alors, nous, qui sommes-nous pour toi ? » J’avais rigolé : « Ben, vous êtes mes parents, quoi ! » Ceux qui m’ont aimée et élevée toutes ces années, je sais très bien qui ils sont ! D’ailleurs, tout au long de ce voyage, j’ai parlé avec eux au moins une fois par semaine. Et c’est encore le cas aujourd’hui.

J’ai été adoptée au Vietnam quand j’avais environ 2 ans. Il s’est trouvé que ma mère, Catherine, a rencontré mes parents vietnamiens, qui s’étaient résolus, à cause de leurs problèmes d’argent, à me laisser partir avec une famille française pour m’offrir un meilleur avenir. De leur propre initiative, Catherine et Christophe ont maintenu le lien, en leur envoyant chaque année une lettre traduite en vietnamien par un interprète, ainsi que des photos. En retour, nous recevions des nouvelles et des photos de mon grand frère Hoa, de mes soeurs Ahn, Huong et Thuy, ainsi que de mon petit frère Muoi, né quatre ans après moi, qui a profité de l’amélioration des finances de la famille pour y être maintenu. Toutes ces photos étaient exposées sur le mur de ma chambre de petite fille, dans le sud-ouest de la France. J’avais deux familles, une avec laquelle je vivais et une autre au Vietnam. Ça me paraissait tout à fait normal.

Pour mes 18 ans, nous sommes allés, mes parents français et moi, accompagnés par ma tante Hélène et mon cousin Georges, dans ce village, à l’est de Hanoï, où j’ai vécu jusqu’à mes 2 ans. C’était très émouvant, très déstabilisant aussi pour tout le monde. On n’est pas restés longtemps. Revoir mes « vrais parents », ça avait été important, indispensable, j’étais reconnaissante à Catherine et Christophe d’avoir organisé ces retrouvailles. Mais, maintenant, quatre ans plus tard, j’avais envie d’y retourner par mes propres moyens et de prendre les choses en main.

Par exemple, je voulais, cette fois-ci, parler avec eux, échanger des idées. Simon et moi avons appris cinq cents mots de vietnamien grâce à une appli. De l’Australie, nous sommes passés par l’Indonésie, car le billet d’avion, de Brisbane à Bali, n’était pas cher. Puis, après avoir visité les îles de Bali, de Java et de Lombok, nous avons pris l’avion pour Hô Chi Minh-Ville. Ça a été un choc… positif ! Je n’y étais jamais allée, mais j’ai tout de suite adoré l’ambiance de ce lieu si animé, si jeune, avec ces gens qui foncent à toute allure à scooter dans les rues… J’ai aimé aussi bien les bonnes odeurs de nourriture que les moins bonnes, car elles me semblaient familières. J’étais sous le charme. Nous sommes restés là quelques jours avant de reprendre la route. Il y a deux mille kilomètres entre Hô Chi Minh-Ville et la frontière chinoise au nord, nous avons acheté une moto pour les parcourir. Et ça nous a pris plusieurs mois ! D’abord, parce qu’il y avait tellement de paysages, de lieux et de gens à découvrir. Et puis nous sommes passés par de petites routes. Quelques jours avant d’arriver, nous avons prévenu la famille. Catherine avait envoyé, depuis la France, une lettre par la poste, et ma famille vietnamienne avait répondu par courrier express…

« Comme lors de ma première visite, ma mère était très émue de me revoir, et moi aussi. Elle me tenait la main, me touchait les épaules. »

Ils nous attendaient avec impatience. Mon père, ma mère, mes soeurs, les tantes, les oncles… dans leur petite ferme, à 30 kilomètres de Hanoï, prêts à nous accueillir avec le fameux gâteau au porc traditionnel, des viandes variées, de bons légumes verts dont je ne connais pas le nom en français… Comme lors de ma première visite, ma mère était émue de me revoir, et moi aussi. Elle me tenait la main, me touchait les épaules. Cette fois, je connaissais les bases de la culture vietnamienne. J’avais apporté des offrandes pour le culte des ancêtres, et, avec notre vocabulaire tout neuf, Simon et moi pouvions échanger avec la famille et les gens du village, qui passaient nous dire bonjour. Ils ne comprenaient pas bien pourquoi nous étions allés en Australie, ni le fait que nous voyagions pour le plaisir et pas seule-ment pour le travail… Et, surtout, tout le monde a demandé quand Simon et moi allions nous marier ! Je leur ai expliqué qu’on peut être amoureux et vivre ensemble sans passer par le mariage. Car, pour moi, c’était important de faire un pas vers la culture vietnamienne, mais je tenais à ce que mes parents comprennent que je suis une femme indépendante, que je veux avoir autant de droits que les hommes, et que je ne veux pas uniquement faire la cuisine et le ménage pour un mari. Ils l’ont accepté, et cela m’a fait plaisir. Ils auraient aimé qu’on reste davantage, mais c’était suffisamment d’émotions. Nous avons dit que nous ne pouvions pas changer la date de notre billet pour la France.

Retour vers un futur

Depuis ce voyage, il paraît que cela ne se voit pas, mais, moi, je sais que j’ai changé. Avec tout ce travail agricole en Australie, je suis devenue plus forte, plus résistante. Et puis, le fait que j’ai revu seule et en vraie adulte ma famille a fait beaucoup pour ma propre compréhension de moi-même. Je sais de mieux en mieux qui je suis, et cela me fait du bien. Est-ce que je retournerai au Vietnam ? Oui, bien sûr ! Et en Australie aussi. La date n’est pas encore fixée, mais une partie de mon histoire est de l’autre côté du monde.

Vous avez envie de raconter votre histoire ? Nos journalistes peuvent recueillir votre témoignage. Écrivez-nous à cmh@cmimedia.fr

Retrouvez « C’est mon histoire » en podcast sur la chaîne Itunes de « ELLE ».

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 8 novembre 2019. Abonnez-vous

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