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Podcast – C’est mon histoire : « Le trouple m’a guérie du couple »

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Tutti Frutti 75 m’avait envoyé un message. J’avais complètement oublié que je m’étais inscrite, six mois plus tôt, sur cette appli libertine. C’était le délire d’un soir pour pimenter une aventure. À cette époque, je les enchaînais et celle-ci était plus rigolote que les autres. Quand mon amant m’avait demandé si j’étais ouverte à l’échangisme, j’avais dit « pourquoi pas » sans vraiment prendre le sujet au sérieux. J’avais soif de nouveautés et m’imaginer dans un plan à la « Eyes Wide Shut » suffisait à m’émoustiller. Bon, nous n’étions pas allés plus loin que de renseigner notre profil. Quatre mois plus tard, je me séparais de mon compagnon, sans regrets, juste heureuse d’avoir « vécu ».

Pendant des années, j’avais essayé de sauver mon couple. Huit ans qu’on était ensemble. La dernière année, nous n’étions plus que des colocs, moi avec la culpabilité d’avoir échoué, lui, la lassitude de n’être jamais celui qu’il faut. Je m’accrochais à mes projections et à mon envie d’être en couple, presque confortable dans ce quotidien de gens qui ne s’aiment plus. On avait même cessé de s’engueuler comme si nous étions tous les deux consentants pour partager cette existence sans désir. Quand j’ai enfin réussi à me sortir de cette histoire, après des mois d’une rupture laborieuse, je me suis dit qu’il fallait réagir. Je n’avais que 34 ans ! Je ne pouvais quand même pas continuer à avoir cette vie d’ascète. Ou alors qu’on m’enterre tout de suite. Je me sentais vieille, moche, sans intérêt. Je devais au plus vite renouer avec mon corps et ma sexualité. C’était vital. Les sites de rencontres se sont révélés parfaits pour me redonner cette dose d’amour-propre dont j’avais besoin. Oui, je plaisais encore et j’en abusais.

Du fantasme…

Mais ce soir-là, lorsque je reçus le message libertin de Tutti Frutti 75, la solitude me pesait. Je rêvais de partager sur la durée… et de matins qui s’étirent. C’est pourtant tout l’inverse que j’initiai en répondant à ce couple coquin, au départ, pour expliquer que « non, nous n’étions plus intéressés pour ‘un plan à quatre hum hum en toute simplicité’ car séparés ». Puis, allez savoir pourquoi, il y a eu un joli répondant, un feeling entre les mots, on a commencé à échanger. Ils étaient les seuls à ne pas poser nus sur leur photo de profil. Ils avaient mis une peinture représentant une scène coquine, ambiance boudoir sexy du XVIIIe siècle. Ça relevait le niveau et me rassurait. Très vite, on est passés sur Messenger. Je ne savais pas qui de lui ou d’elle m’écrivait. Je les imaginais tous les deux derrière leur écran à se souffler les réponses en buvant du bon vin à la lueur d’une bougie. La conversation coulait ; on parlait de tout, cinéma, littérature mais principalement de couple, de monotonie et de liberté. Ils avaient la petite quarantaine et vivaient ensemble depuis quatre ans, chacun séparé avec enfants. Ils aimaient « le plaisir pourvu que ce soit ensemble ». Le ton était charmant et joueur, plein d’humour et d’esprit. Ils me draguaient avec élégance et j’adorais ça.

Lorsqu’ils me proposèrent de poursuivre la conversation, le vendredi soir suivant, autour d’un dîner dans un très bon resto thaï, j’ai foncé. Évidemment, le jour J, je faisais moins la maligne. Et s’ils étaient deux gros ploucs bedonnants habillés de ces tenues sexy cheap qu’on voit dans les vitrines des magasins à Pigalle ? Pire, s’ils étaient fous à lier ? Mon inconscience me faisait frémir en même temps qu’elle m’excitait. Je n’avais jamais rien fait de délirant auparavant. J’avais toujours été tellement sage que je m’ennuyais moi-même. Le couple était déjà à table et me lança un délicieux « bonsoir » avec un sourire plein de sous-entendus. Ils étaient beaux et élégants, un peu bohèmes ; ils me parlaient et me regardaient avec douceur. Je constatai surtout qu’ils tenaient la route. L’un comme l’autre dégageaient une gourmandise de vie communicative et très saine, loin de l’image des pervers qui allaient me saucissonner en mode bondage de l’extrême dans une cave ! La soirée fut très agréable, chacun rentra chez soi avec l’impatience de se revoir.

« Mon inconscience me faisait frémir et m’excitait en même temps. Je n’avais rien fait de délirant auparavant. »

On a créé un groupe WhatsApp et, désormais, c’est avec les deux que je communiquais tous les jours. Je les voyais comme une entité indissociable. Pas un ne me plaisait plus que l’autre. Que ce soit elle ou lui, leurs messages me faisaient le même effet, un pincement d’excitation dans le bas du ventre. Il n’était pas question d’amour mais de plaisir et de jeu. Il y avait aussi une part de défi avec moi-même. On s’est recroisés quelques fois autour d’un apéro ou d’un brunch pour se connaître davantage. À chaque fois, il y avait un peu plus d’échanges tactiles entre nous, d’insinuations précises. Lorsqu’ils m’invitèrent à dîner chez eux, je savais qu’ils voulaient passer aux choses sérieuses. Étais-je prête à vivre mon fantasme ? J’étais curieuse de le savoir.

… À une divine expérience

Après des heures à chercher une tenue – comment s’habille-t-on pour un plan à trois, grande question -, j’avais le coeur qui battait devant leur Digicode. Je portais une petite robe noire (valeur sûre pour plaire autant à elle qu’à lui, m’étais-je dit). Mon appréhension se dissipa une fois dans leur salon. J’y retrouvais la chaleur rassurante de nos rendez-vous. Champagne, musique jazzy, bougies… C’était un peu cliché mais ça fonctionnait pour me détendre. Tout s’est fait naturellement. On s’est d’abord embrassés sur le canapé, puis caressés. Des mains partout me parcouraient. C’était doux et sensuel. Je me surprenais à être parfaitement à l’aise dans ce trio. Ils m’initiaient comme des professeurs attentifs, moi, à l’écoute, je me laissais posséder tel un objet fantastique. Je n’avais pas peur, pas même de m’aventurer entre ses cuisses à elle. C’était divin comme si je rattrapais mes longs mois d’abstinence. Je n’en revenais pas d’avoir été capable d’aller jusque-là. Je suis repartie le lendemain après un petit déjeuner gargantuesque. J’avais dormi dans la chambre d’amis, ce que j’ai trouvé assez intelligent pour leur couple et pour moi aussi. Cela fait six mois que dure notre relation à trois. On ne se doit rien, la relation est légère, eux sont tendres et bienveillants. Au-delà du sexe, j’aime nos échanges, leur authenticité. Étonnamment, cette partition à trois me renforce et m’aide à retrouver confiance en moi. Je sais que ça ne durera pas, surtout si je rencontre quelqu’un. J’aime cet équilibre où je suis au centre d’un couple mais je ne me vois pas en symétrie avec mon propre couple. Personne de mon entourage n’est au courant de ma « tutti frutti trouple therapy ». Et c’est tant mieux ! Il y a des choses que je ne partage pas.

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Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 13 décembre 2019. Abonnez-vous

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