Santé

Quand les psys consultent d’autres psys : « Nous sommes des humains comme les autres »

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« Je ne suis pas magicienne, je ne suis pas voyante, je suis juste psy », lance Barbara Vionnet, ravie qu’on lui donne l’opportunité de démystifier sa profession. Son expertise, comme celle des six professionnels rencontrés dans le cadre de cet article, concerne le comportement, les émotions et la santé mentale. Leur routine : évaluer, observer, écouter et conseiller les personnes atteintes de troubles psychiques. Mais eux, qui s’occupe d’eux ? De leurs fragilités, de leurs doutes, de leurs angoisses, de leurs états d’âme ?

L’importance des garde-fous

Des psys. Aussi. Une psychanalyse, qu’ils démarrent en même temps que leur cursus scolaire. Certains parcours l’obligent d’ailleurs. Le topo : s’examiner soi-même avant de soigner les autres. C’est ce premier travail d’introspection qui va leur permettre de repérer les transferts (projection émotionnelle du patient sur son thérapeute) et de prévenir les contre-transferts (projections du thérapeute sur son patient). De prodiguer les bons conseils. « Éviter de répondre à ses patients ce que l’on se dirait finalement pour soi-même », décrit Nathalie Lancelin-Huin, psychologue en périnatalité. Rodrigo Perinetti, psychanalyste, complète : « Ça nous met directement des garde-fous, ça nous permet de prendre conscience de nos limites ». Pour Nayla Chidiac, spécialiste du traumatisme psychique, la limite, ce sont les enfants, par exemple. « Très vite, j’ai senti que j’avais une sensibilité extrême avec les enfants. Résultat : je m’occupe principalement d’adultes ».

Une remise en question perpétuelle

Loin de s’arrêter le jour de leur remise des diplômes, cette psychanalyse se poursuit ensuite pendant « toute leur vie », assure Rodrigo Perinetti, qui consulte toujours deux fois par mois, même après dix ans d’exercice. Il s’en remet à ce qu’on appelle un superviseur, un expert chevronné qui l’aide à prendre de la distance sur son travail et l’interroge aussi sur sa pratique.

« Concrètement, j’arrive en lui présentant une situation et on en discute. Il me permet de croiser les regards, d’avoir une deuxième lecture », indique-t-il. De « décharger » aussi. « Il faut s’imaginer que parfois, on enchaîne 10 heures d’écoute active de personnes dépressives », dépeint le psychanalyste. « Derrière, d’en parler, ça soulage », confesse-t-il. Dernier exemple en date où Rodrigo Perinetti a ressenti le besoin de parler avec son superviseur : lorsque le professionnel a été chargé de l’animation d’un groupe de parole avec cinq enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), âgés de 2 à 10 ans, tous abusés sexuellement.

À côté de leur suivi respectif, tous font également état d’une boîte à outils leur permettant de lâcher prise

Prendre de la hauteur

Un allègement psychique, qui lui permet de se prémunir de ce qu’on appelle la « fatigue de compassion », un phénomène d’épuisement et de stress développé en écho à la souffrance des personnes qu’ils prennent en charge. Selon une récente étude de l’Antioch University of Seattle, les psychologues y seraient particulièrement exposés. « Bien sûr que ça nous arrive d’être touchés par un patient ou de se reconnaître dans un autre », reprend Rodrigo Perinetti. Le tout, c’est « d’être capable de refermer le livre à la fin de la séance », philosophe Barbara. C’est en partie la raison pour laquelle ils consultent. Tous.

Anne-France Huret, psychologue et membre du comité « Psychologue.net », elle, prend rendez-vous avec son psy quand elle sent, à l’issue d’une séance qu’elle est affectée émotionnellement. « C’est une démarche essentielle en tant que psychologue », révèle-t-elle. Pareil du côté de Nathalie Lancelin-Huin : « J’y vais quand je sens que la mort me recouvre par exemple », décrit celle qui travaille régulièrement sur le deuil périnatal. Côté rythme de consultation, pas de calendrier précis, elle opte pour le feeling. « Il y a des périodes où je consulte très fréquemment, d’autres où je ne vois personne pendant plusieurs mois », retrace-t-elle.

La consultation mais pas que…

« Si je sens que je traverse une période complexe, je prends des vacances », s’impose également Noémie Parsis. Anne-France Huret confirme : « S’il le faut, je réajuste mon nombre de consultations ». « Des aménagements essentiels », selon Barbara Vionnet. Et pour cause : « les psys sont des humains comme les autres », rappelle-t-elle. Avec leur lot de casseroles avec lesquelles eux aussi, doivent apprendre à composer. Personne n’est touché par la grâce. « Ça m’est arrivé après une rupture, par exemple », dévoile Anne-France.

À côté de leur suivi respectif, tous font également état d’une boîte à outils leur permettant de lâcher prise. « J’ai plusieurs sas de décompression », affiche Nayla Chidiac qui cite le yoga, l’écriture et la littérature. « Pendant longtemps j’allais au travail à vélo aussi. Ça me permettait de faire le vide après ma journée », livre-t-elle. Pour la psychologue Noémie Parsis, c’est la marche ou la danse. « Entre chaque consultation, je prends systématiquement 10 minutes pour aller marcher ou danser et ainsi faire le vide », confesse-t-elle. La membre du comité « Psychologue.net », vient d’ailleurs de terminer une formation de danse thérapie. Anne-France Huret, elle, mise sur la méditation, sur la zumba. Depuis peu, elle s’essaie également au théâtre. Rodrigo Perinetti, lui, ne jure que par la randonnée, la natation et la lecture. « Tous ces à-côtés, c’est ce qui assure notre équilibre », résume-t-il.

Assez unanimement, les six professionnels sont formels : on ne devient pas psy par hasard. Barbara, qui a toujours voulu faire ce métier, était curieuse de comprendre le psychisme des autres. Pour Nayla, tout est parti d’un enfant avec qui elle avait réussi à créer un lien, quand ses parents n’y arrivaient pas. Pour Anne-France, le déclic s’est fait à la suite du décès de ses parents. « Après avoir fait mon deuil, j’ai eu envie d’aider les personnes en souffrance », confie-t-elle. Ce processus lui a permis, dès lors, de cicatriser ses plaies. Une forme d’autothérapie.

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