Santé

Séduites par un tueur en série : qui sont ces femmes amoureuses de meurtriers ?

Claudine, avait 28 ans quand elle est tombée amoureuse de Ronnie, un Américain de 53 ans. Mais Ronnie n’est pas un homme comme les autres. Il attend dans le couloir de la mort depuis 29 ans pour le meurtre de deux personnes, dans un pénitencier de Floride. Comment cette mère de famille, qui témoignait le 26 février dans « Sept à Huit », a-t-elle pu s’enamourer d’un criminel, au point de quitter son mari et se s’installer Outre-Atlantique pour être plus près de lui ? Dans l’émission d’Harry Roselmack, elle raconte avoir entretenu une correspondance avec cet homme qui l’a touchée en plein cœur et dont elle qualifie les actes passés « d’erreurs ». Quarante ans plus tôt, toujours en Floride, on constatait le même phénomène au procès de Ted Bundy. Certes bel homme, le serial killer avait plus de vingt victimes à son actif, une centaine selon certains auteurs. Parmi ses fans, on trouve Carol Ann Boone. La jeune femme déménage de l’État de Washington pour le rejoindre. Fervente défenseuse de son innocence, elle ira jusqu’à l’épouser pendant l’une des audiences et donnera naissance à une fille, Rose. Mais cette femme cautionne-t-elle les crimes de son mari ? Comment expliquer qu’elle soit prête à le défendre malgré les preuves accablantes à son encontre ?  

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Le syndrome de la sauveuse 

Isabelle Horlans a consacré un livre au sujet. Pendant plusieurs années, la journaliste judiciaire s’est intéressée aux destins de ces femmes fascinées par les criminels, parfois psychopathes. Qui sont-elles ? Selon la spécialiste – la seule ayant écrit sur le sujet en France, on peut regrouper ces femmes en plusieurs catégories. « Il y a d’abord la femme habitée par des valeurs chrétiennes et qui croit en la rédemption, explique l’autrice. Chaque homme a sa chance et mérite le bénéfice du doute. Dans une forme d’empathie profonde, elle estime qu’il est seul et a besoin d’aide pour surmonter cette épreuve. » Si elles ne cautionnent pas ces crimes, sauf dans certains cas extrêmes où elles sont considérées comme complices, elles vivent surtout dans un déni total. « Jamais elles n’excusent ces actes mais elles ont parfois des discours approchants, tels que : “Vous ne vous rendez pas compte de la vie qu’il a eue” », explique Isabelle Horlans, qui s’est entretenue avec des dizaines de femmes ayant tout plaqué pour rejoindre des prisonniers, parfois à l’autre bout du monde. Beaucoup d’entre elles fouillaient le passé de leur amant pour tenter de comprendre leur parcours.  « Il est vrai que certains criminels sont des enfants battus et rejetés. Mais tous les enfants battus ou placés ne deviennent pas des psychopathes. » 

La seconde catégorie comprend plutôt des militantes contre la peine de mort, aux États-Unis par exemple. Dans un mouvement de révolte et de protestation politique désintéressé, une femme se rapproche d’un condamné à mort. C’est le cas de l’ancienne directrice de production Sandrine Ageorges-Skinner. En 1996, la Française débute sa correspondance avec Hank Skinner, un homme accusé du triple meurtre de sa femme et de ses deux filles de 17 et 19 ans. À force de lettres, l’abolitionniste et le prisonnier tombent amoureux et se marient en 2008. Depuis leur rencontre, Sandrine Ageorges-Skinner consacre sa vie à prouver l’innocence de son mari, emprisonné depuis plus de vingt-cinq ans et avide de justice.  

Folles, vraiment ?  

« Il faut être folle pour aimer un criminel ! », penserait-on. Isabelle Horlans précise que ces femmes ne sont pas systématiquement atteintes de troubles psychologiques. Dans son livre, elle s’entretient avec Philip Jaffé, psychologue clinicien ayant travaillé sur l’hybristophilie – le mot scientifique qui désigne l’attirance pour un criminel. Ce dernier insiste sur un point : on ne peut pas se permettre de juger ces femmes. « Lorsque l’on aime, on voit ce que l’on veut voir, rappelle-t-il dans les pages de « L’amour (fou) pour un criminel ». L’amour est un sentiment complexe : en son nom, on tue, on se tue, on sombre dans la folie ou, comme Dante avec Béatrice, dans la vénération toute une vie. » Il arrive que certaines femmes présentent des comportements sociopathes et se rendent complices des agissements de leur époux. « Aux États-Unis, une femme a tenté de tuer une victime avec un mode opératoire similaire à celui de son mari, surnommé le Tueur des collines, pour faire croire qu’il sévissait dans un autre État. En France, on peut aussi citer Monique Olivier », poursuit Isabelle Horlans. En ce qui concerne la femme de Michel Fourniret, les psychiatres sont divisés. La complice de « l’ogre de Ardennes », au comportement mutique, agissait-elle en pleine conscience ou était-elle sous l’emprise de son mari ?  

Détresse, abus et manipulation 

Comme beaucoup d’autres, Monique Olivier a épousé le tueur en série après une longue correspondance. Depuis sa cellule, il lui donne de doux surnoms et lui fait oublier les abus de son ex-mari. Elle se sent enfin aimée par cet homme qu’elle sait pourtant condamné pour diverses agressions sexuelles. « De nombreuses femmes ont eu de très mauvaises expériences du mariage. J’ai longuement échangé avec une professeure agrégée, une femme battue qui tombait en dépression, ajoute l’écrivaine et journaliste. Il y a aussi un aspect sécurisant : quand le mari est dans le couloir de la mort, il ne risque pas de blesser sa femme. Et puis, une sexologue me disait que beaucoup recherchent une relation presque chevaleresque. Elles sont en demande de romantisme dans une société qui n’y fait plus la part belle. » Et le niveau d’éducation n’apparaît pas forcément dans l’équation. « Je n’ai pas trouvé une seule femme qui ne soit pas éduquée. Durant nos entretiens, je voulais connaitre leur milieu socio-professionnel. La plupart sont instruites, voire très instruites, issues d’un milieu plutôt favorisé. Une avocate à Miami a tout quitté, un mari reconnu dans la profession et leurs quatre filles, pour un tueur en série condamné à mort. » Et s’il s’agissait d’un amour sincère ? 

D’après ses entretiens avec des psychologues, Isabelle Horlans précise qu’ « il s’agit dans 80% des cas de manipulation de la part du prisonnier », qui tire des bénéfices d’une relation amoureuse extérieure, souvent médiatisée. « Si un homme entretient une relation avec une surveillante, il peut faire rentrer une carte Sim ou du cannabis dans la prison. S’il se marie, il s’assure un gite à sa sortie, explique-t-elle. Béatrice Leprince est tombée follement amoureuse de Dany Leprince, soupçonné d’avoir assassiné sa famille à la feuille de boucher dans les années 90. Elle l’épouse, lui garantit une maison, un travail, un soutien. Au bout de 20 ans de prison, il obtient une libération conditionnelle et mois plus tard, il la quitte pour une autre relation épistolaire. » Les 20% restants sont des gens qui tombent vraiment amoureux de leur interlocutrice. « Susan Atkins, la condamnée qui a poignardé Sharon Tate est réellement tombée amoureuse d’un jeune étudiant devenu avocat pour l’aider à sortir de prison. Il l’a accompagnée jusqu’à son dernier souffle. »  

Charmées par le crime 

Parfois, la manipulation change de camp. Isabelle Horlans note qu’il existe une troisième catégorie de femmes, « celles qui recherchent une publicité par ricochet ». Elle cite Star, une jeune Américaine soi-disant tombée raide dingue de Charles Manson à 16 ans. Après avoir lu ses écrits sur l’environnement, Afton Burton de son vrai prénom, fait tout pour rencontrer le chef de « La Famille » de 53 ans son aîné. En 2014, on annonce leurs fiançailles. Mais plus tard, le criminel lancera à un journaliste de « Rolling Stones qu’il ne s’agissait que de « conneries » pour « attirer l’attention ». D’après le journaliste Daniel Simone, auteur d’un livre sur Charles Manson, la fiancée était avare : elle voulait récupérer les restes de son futur mari après sa mort et les exposer comme attraction touristique.  

Le business aurait été fructueux. Les serial killers et autres tueurs de masse fascinent. Sur TikTok, Instagram et Twitter, les 15-18 ans s’occupent en réalisant des montages romantiques en hommage à leur serial killer préféré. Richard Ramirez entouré de petit cœurs roses sur une chanson d’Olivia Rodrigo, ça existe bel et bien. Dans les commentaires, elles s’extasient. « Il est trop beau », « Marche moi dessus », « Il est innocent ». Quand elle rédige son livre en 2015, Isabelle Horlans constate le phénomène sur Tumblr, où des pages entières sont dédiées à des meurtriers. « Ces jeunes filles sont souvent en révolte dans le domicile familial et sont fascinées par le pouvoir de ces individus, symboles d’une défiance de l’autorité. Elles nourrissent une fascination pour ces hommes puissants, sortes d’incarnations de Dieu”, explique-t-elle.  

Au-delà des notions d’interdit et de défiance, très puissantes, ces jeunes femmes succombent aussi aux charmes de ces criminels. L’androgyne Luka Rocco Magnotta, Anders Breivik, le tueur d’Oslo ou encore Richard Ramirez et son physique « à la Mike Brant », comme le souligne Isabelle Horlans, sont très adulés. « Elles forment une communauté, parfois compétitive, avec en tête un objectif : rencontrer leur idole. Souvent elles entretiennent des relations épistolaires. Aux États-Unis, on peut choisir de communiquer avec un prisonnier sur le site “Prison Pen Pal” pour cinq dollars. Avec un peu de chance, vous pourrez même le rencontrer. Surtout si vous habitez aux USA, où les permis de visite sont accordés plus facilement qu’en Europe. » Aujourd’hui, la première étape de cette fascination se joue sur Internet. Après avoir été des groupies, certaines parviennent à leur passer la bague au doigt, comme Carol Ann Boone. 

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