Santé

Sonia Fiquet diagnostiquée HPI/TSA à 52 ans : « Le nombre de psychiatres qui sont passés à côté de moi et ne m’ont pas vue »

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Sonia Fiquet, maman de 3 enfants, a découvert subitement et presque par hasard, à l’âge de 52 ans être atteinte d’une double spécificité neurophysiologique : elle est HPI (haut potentiel intellectuel) et TSA (le trouble du spectre de l’autisme). Le diagnostic, d’abord douloureux et difficile à accepter, devient très rapidement sa force. Sa fumeuse expérience lui a donné le courage et le besoin impératif d’informer et d’aider les personnes atteintes des mêmes spécificités qu’elle. Elle s’est d’abord précipitée vers l’écriture. Comme un besoin urgent de laisser une trace à travers les mots. Son histoire a trouvé écho dans « La vie presque ordinaire d’une femme HPI et TSA : ces autistes que personne ne voit ».

Elle a décidé également de créer un programme spécifique pour accompagner et former les personnes présentant des signes du trouble : « HPI, TSA : mode d’emploi ». C’est une formation en communication relationnelle qui permet de mieux comprendre ces deux particularités et d’enseigner un comportement adapté à la vie en société. Mais cette grande intrépide ne compte pas s’arrêter là. Son prochain objectif, des plus ambitieux est de faire reconnaître les vertus de son programme comme thérapie comportementale. Une plus grande visibilité et de meilleurs suivis : voilà ce qu’elle souhaite aux personnes atteintes de ce double diagnostic.

Aujourd’hui Sonia Fiquet nous raconte son expérience et nous aide à en apprendre davantage sur le HPI/ TSA.

Tant que vous ne connaissez pas votre autisme, lorsque vous prenez des portes, vous vous cassez la gueule

ELLE. – Dans votre livre vous dites : « À 52 ans, 11 mois et 22 jours, en ce 4 janvier 2022, je viens d’avoir mon diagnostic officiel : je suis HPI/ TSA. » Une révélation ?

Sonia Fiquet. – Depuis toute petite j’ai toujours senti un décalage dans ma vie. Mais je subissais. C’était comme un grand brouillard. J’ai très rapidement commencé à courir les psychologues. À 30 ans, on a évoqué l’idée que j’étais surdouée. À l’époque, je n’ai pas vu l’importance de me faire diagnostiquer. J’ai continué à avancer, jusqu’à ce que j’explose. En allant à la rencontre de moi-même j’ai découvert que j’étais autiste. D’abord toute seule donc, puis la confirmation est très rapidement tombée.

ELLE. – Qu’est-ce que c’est exactement une personne HPI/ TSA ?

S.F. – Ce sont deux diagnostics complètement distincts et qui ne sont pas forcément liés. Les personnes HPI ont une architecture neuronale plus dense, plus intense, de meilleures connectivités. Cela permet à l’information de passer très rapidement. Le haut potentiel est de l’ordre de l’organique. On ne devient pas HPI, on est HPI. Tout comme l’autisme d’ailleurs, dont nous sommes porteurs dans notre ADN. On considère qu’une personne est haut potentiel lorsqu’elle a plus de 130 de QI. Cela concernerait environ 1 % de la population mondiale. Ce n’est pas une maladie, le HPI sait doser les choses. L’autisme quant à lui impacte la conscience que l’on a de nous-mêmes. Il est entraîné par des mutations génétiques, qui en fonction des régions du cerveau qu’elles touchent, vont développer un autisme plus ou moins impactant. Il y a deux choses qui caractérisent principalement l’autiste : sa difficulté à rentrer en interaction avec les autres, et les intérêts restreints. Pour ma part c’était la lecture, par exemple. Dans le cas où, les deux particularités sont cumulées, le HPI donne la force à la personne de s’adapter et même de se sur-adapter. Mais tant que vous ne connaissez pas votre autisme, lorsque vous prenez des portes, vous vous cassez la gueule.

ELLE. – Quels sont les signaux qui devraient alerter sur l’autisme dès le plus jeune âge ?

S.F. – Dans un tout premier temps, les parents devraient remarquer que l’enfant revient toujours à lui-même. Quelle que soit la conversation, il revient à lui et se sert de sa propre expérience. Puis il y a l’enfant qui se fatigue très vite, qui a besoin de dormir plus que les autres. Parce qu’il est hyperactif et que d’un seul coup il n’a plus d’énergie. Les enfants autistes ont également souvent mal au ventre. Bon nombre d’autistes ont des problèmes gastriques. En réalité, nous pouvons repérer l’autisme dès 18 mois sur un enfant qui n’établit pas de contact visuel, qui ne réagit pas à son prénom, qui parle très tôt mais utilise un langage inapproprié et complexe.

Un autisme mal accompagné, peut amener la personne à devenir bipolaire, paranoïaque ou schizophrène

ELLE. – Ce diagnostic vous a-t-il permis de vivre plus en harmonie avec vous-même ?

S.F. – Lorsque mon diagnostic est tombé le monde s’est écroulé autour de moi. Je me suis dit que j’étais à côté de la plaque. J’ai eu d’abord une période de régression. Puis une coach m’a encouragé à parler de mon diagnostic pour aider les autres. Elle m’a dit « Ça fait 52 ans que tu vis dans ton corps d’autiste, s’il y en a bien une qui peut parler de ces troubles, c’est toi ». Cette seule phrase m’a rendu d’un seul coup, toute ma légitimité. Le diagnostic m’a finalement ouvert les yeux sur qui j’étais vraiment. Moi qui ai cherché depuis toujours le sens de ma vie, j’ai découvert pourquoi j’étais là. Aujourd’hui je peux aider d’autres personnes, d’autres femmes, d’autres enfants. Ça a été libérateur. Mais je ne vous raconte pas le nombre de psychiatres, qui durant ces 52 ans sont passés à côté de moi et ne m’ont pas vu. Et pourtant tout était là depuis le début.

ELLE. – Quels sont les impacts de ces spécificités sur la vie professionnelle et personnelle d’une personne ?

S.F. – Pour ma part je vivais dans une grande solitude. Je n’avais pas d’amis. J’ai évidemment développé des relations, mais pas de véritables liens d’amitié. Les gens autour de moi voyaient que j’étais différente, mais ils ne me le disaient pas. Ils me prenaient pour une personne arrogante, qui en fait toujours trop. J’avais donc beaucoup de mal avec le travail en équipe par exemple. Lorsqu’une personne autiste ne prend pas conscience de sa particularité, elle peut très rapidement s’enfermer dans ses convictions et devenir méchante. Il a été prouvé qu’un autisme mal accompagné, peut amener la personne à devenir bipolaire, paranoïaque ou schizophrène.

ELLE. – Quel rapport les personnes autistes ont-elles à leur corps ?

S.F. – Elles n’ont pas conscience de leur corps. Moi-même, je n’avais pas de rapport au corps. Je suis passée par beaucoup d’états, je pesais 112 kilos, j’étais alcoolique, ma santé a été dégradée. Je ne parvenais pas à me comprendre. J’ai même frôlé la mort. C’est cela qui m’a réellement fait prendre conscience que j’avais un corps. Aujourd’hui, il est ma priorité. Quand je me lève le matin, la première question que je me pose est : « est-ce je vais bien, est-ce que j’ai mal quelque part ? ».

Je voulais aider les personnes atteintes des mêmes spécificités que moi

ELLE. – Est-ce une des raisons qui vous ont poussé à écrire votre livre « La vie presque ordinaire d’une femme HPI et TSA : ces autistes que personne ne voit » ?

S.F. – J’ai commencé l’écriture de ce livre il y a plus de 20 ans. J’avais alors 35 ans et j’étais encore loin du diagnostic. J’ai continué à l’enrichir au fil des années. Lorsque le constat est enfin tombé, j’ai relu mes écrits avec mon nouveau regard d’autiste. À travers ce livre, je ne souhaitais pas faire du politiquement correct. Mais je voulais être complètement transparente et réaliste. J’ai désiré montrer comment une personne HPI/TSA vivait à l’intérieur d’elle-même. Je voulais apporter mon témoignage sur comment je voyais les choses et comment je les interprétais. Et plus que tout, mon objectif a été que des personnes atteintes des mêmes spécificités que moi se reconnaissent à travers mon histoire. Je voulais les aider.

ELLE. – Pouvez-vous nous parler du programme que vous avez créé pour accompagner les personnes comme vous ? Et quelle méthode appliquez-vous pour aider ces personnes ?

S.F. – « HPI, TSA : mode d’emploi » est une formation en communication relationnelle. Je l’ai pensé afin de mieux connaître et reconnaître ses particularités et comprendre ses ressentis. Je travaille sur un schéma aller-retour, en prouvant à l’autiste que ce qu’il vient de faire à autrui, il n’aimerait pas qu’on lui fasse. La première question à poser est : « est-ce que je respecte l’autre comme j’aimerais qu’il me respecte ? ». Rien que ça permet de prendre de la distance. Il est important de former les autistes, mais aussi les parents et l’entourage.

Selon les derniers chiffres, une personne sur 4 est porteuse d’autisme. C’est de l’ordre de la santé publique. Le monde est en train de devenir autiste. Les chercheurs travaillent malheureusement en priorité sur les autismes les plus défaillants. Parce que les familles sont troublées, et cela est légitime. Mais finalement le HPI/ TSA, on ne le traite pas, ou pas assez. Puisqu’on estime qu’il a des chances de s’en sortir grâce à sa double spécificité. Mais il ne faut pas perdre de vue, que la première cause de mortalité de toutes les personnes atteintes de TSA est le suicide. Le programme vise alors à accompagner les HPI/TSA qui sont écartés des priorités médicales. C’est pour cela que mon prochain objectif serait de faire reconnaître mon programme comme thérapie comportementale.

Le monde est en train de devenir autiste

ELLE. – En attendant, si on veut aller plus loin sur le sujet, qu’elles sont les ressources culturelles à disposition ?

S.F. – En 2003, le chercheur, généticien et biologiste à l’institut Pasteur, Thomas Bourgeron a prouvé pour la première fois en France que l’autisme est un problème d’architecture neuronale. Et non pas un problème d’éducation comme le croyait l’inconscient collectif. Je vous recommande grandement son livre « Des gènes, des synapses et des autismes », qui fait un bilan sur les immenses progrès scientifiques dans la connaissance de l’autisme, de ces dernières décennies.

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