Santé

« Suis-je addict »? Un psy répond aux questions de nos lectrices

« Je passe ma vie sur Insta »

Florence, 37 ans, chargée de com                                                                                        

« Je consacre trois à quatre heures par jours à Instagram. Je ne poste pas mais je scrolle la vie des autres. Je ne peux pas m’en empêcher. Vu que je travaille dans la com, j’y fais un tour dès le matin en me disant que je me tiens au courant des tendances… Ensuite je checke à toutes les pauses de la journée. Et le soir, je me fais bien deux heures avant de me coucher. C’est comme si j’avais droit à mon petit moment à moi, avec des images qui font rêver, même si je sais que c’est fake. »

Le point de vue de Laurent Karila : « Même si vous passez beaucoup de temps à faire quelque chose, ce n’est pas forcément le signe d’une addiction. Si cela vous apaise, pourquoi pas ? Il existe des “stalkers” joyeux. Le problème, c’est quand on devient un “stalker” qui déprime ou qui éprouve de la jalousie. Installer une application qui calcule votre temps d’écran peut vous aider à réguler. »                                          

« Je ne peux pas me passer de sucre  »

Vanessa, 48 ans, journaliste                                                                                       

« Je suis très dépendante au sucre. J’en veux à ma famille. Dans mon enfance, on mangeait tous les jours des gâteaux, des barres chocolatées, etc. Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de bâfrer des sucres industriels dès que j’ai un moment de stress, de fatigue. Je culpabilise. Je sais que c’est mauvais pour moi. Je ne bois pas, je ne vais pas sur les réseaux sociaux, je me dis qu’il faut bien être accro à quelque chose ! »

Le point de vue de Laurent Karila : « Attention, le sucre agit comme l’alcool sur le cerveau et le foie. Ensuite, c’est une question de degré. Pour savoir si on est addict à quelque chose, j’utilise le critère des 5C : 1. Vous avez perdu le contrôle. 2. Vous éprouvez du “craving”, un besoin irrésistible. 3. Vous avez une activité compulsive. 4. Votre usage est continu. 5. Cela a des conséquences négatives sur votre vie. »                                            

« Je suis accro aux séries télé  »

Sabrina, 28 ans, graphiste                                                                                       

« Pendant le confinement, mon copain et moi nous sommes mis à regarder beaucoup de séries. Aujourd’hui, on binge watche le week-end. C’est devenu un rituel. On regarde au moins quatre heures de séries à la suite. Sans compter deux ou trois heures les soirs en semaine. On s’est abonnés à toutes les plateformes. Souvent, je me dis que je perds mon temps, que je ne vois plus mes amis. Mais c’est plus fort que moi, j’y retourne. C’est tellement agréable d’être dans cette bulle… »

Le point de vue de Laurent Karila : « Le binge watching n’est pas réellement une addiction. Mais cela peut avoir des conséquences négatives sur le sommeil, causer un repli sur soi, entraîner une perte d’efficacité au travail, à l’école. Si cela vous pose problème, l’objectif est de se réguler. En s’imposant, par exemple, un planning : pas plus de deux épisodes par jour. »                                            

« Je suis workaholic »

Valentine, 37 ans, architecte             

« Dans mon cabinet d’architecte, on répond à des appels d’offres, avec des deadlines très courtes. Monter des projets hyper vite, ça me motive. Je me prends au jeu, je bosse comme une folle. J’adore cette intensité, que je n’ai pas dans la vie ordinaire. C’est enivrant. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, je me sens complètement exsangue sans pouvoir sortir de ce mode de fonctionnement. Je me dis que la vie est ailleurs. Mais je ne sais faire que ça. »

Le point de vue de Laurent Karila : « Le travail peut clairement devenir une addiction. Au début, on prend beaucoup de plaisir, on trouve son travail passionnant. Puis on bascule dans l’hyper-travail. Enfin, c’est le stade de l’ergomanie, du workaholisme.  On n’a plus de plaisir, on n’est plus performant, mais on a besoin de ça pour contenir l’angoisse. On repère souvent ce genre d’attitude seulement quand les gens ont fait un burn-out. »                                          

« J’ai une obsession alimentaire étrange »

Marie, 42 ans, comptable                                                                                       

« J’ai un peu honte de parler de cette addiction car ça ne fait pas très sérieux, mais je suis accro à l’Arôme Saveur Maggi ! Depuis douze ans, j’en mets sur tous les plats, tout le temps. Le matin sur des tartines de pain. J’ai une bouteille dans un tiroir au bureau pour en assaisonner les plats le midi. Et le soir je ne cuisine pas sans. Quand je suis stressée, il m’arrive même de me faire un shot à la bouteille. Je sais que c’est mauvais, plein de sel et de glutamate, mais à chaque fois que j’ai essayé d’arrêter, j’ai craqué… »

Le point de vue de Laurent Karila : « On n’est pas dans l’addiction ici, plutôt dans un comportement obsessionnel. Notre cerveau s’habitue à des goûts précis et ne peut plus s’en passer. On le voit avec le café ou le Tabasco. Il faut s’interroger : pourquoi en prendre ? Qu’est-ce que cela vous fait ? La stratégie consiste à réduire les portions, puis à le substituer par autre chose. »

« Jamais sans mon yoga! »

Carole, 42 ans, cadre dans l’industrie pharmaceutique

« Je me suis mise au yoga il y a six ans. Ce qui n’était qu’une activité agréable est devenu une passion un peu obsessionnelle. Je deviendrais dingue si je devais arrêter. Je prends trois ou quatre cours par semaine, ce qui représente six heures, sans compter les week-ends. Quand je diminue ma pratique, je me sens angoissée, stressée, en mauvaise santé. »

Le point de vue de Laurent Karila : « C’est plutôt ce que j’appellerais une “addiction positive”. C’est-à-dire l’équivalent d’une passion, qui vous nourrit, vous apporte du plaisir et devient indispensable à votre équilibre. Dirait-on que Picasso était addict à la peinture ? En revanche, il y a vraiment des addicts au sport. Ils sont atteints de “bigorexie”, une attention démesurée à son poids, son physique, ses performances. On retrouve surtout cela avec le fitness ou le culturisme. C’est lié à la production d’endorphines, l’hormone du bien-être. »

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