Santé

Témoignage : « J’ai un micropénis et voilà ce que je veux que vous sachiez »

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Un jour, Nicolas me contacte via Instagram. Il a lu mon article sur les « flops sexuels les plus épiques » des lectrices du ELLE, dans lequel deux femmes racontent leurs aventures avec des hommes ayant un micropénis (moins de sept centimètres en érection). Dans son message, le jeune homme de 29 ans m’explique que « ce type d’article est difficile à supporter car il ajoute à un bruit de fond médiatique et populaire qui associe micropénis à infériorité ». Navrée, je lui réponds tout de même que ce qui a principalement dérangé les femmes ayant témoigné n’était pas tellement la taille du pénis de leur partenaire, mais plutôt leur manque d’égard et leur égoïsme…   

De fil en aiguille, un dialogue s’instaure, et Nicolas me propose de se confier plus longuement dans une interview. Son objectif ? Faire en sorte que ce handicap ne soit plus si tabou, et que la vision de la société évolue enfin.   

ELLE. Comment et quand avez-vous réalisé que vous aviez un micropénis ? 

Nicolas. Assez jeune j’ai compris qu’il y avait un écart avec la norme, avec ce que je pouvais voir par ailleurs. C’est surtout au moment du collège et de l’adolescence que le problème s’est posé avec acuité et que j’ai compris qu’il s’agissait d’un micropénis. Plus tard, je me suis renseigné, mais je n’ai jamais consulté de médecin, puisque de toute façon, il n’y a pas réellement de traitement possible à l’heure actuelle. Je me suis beaucoup renseigné sur la chirurgie pour savoir ce que ça valait. Il s’avère que c’est très traumatisant, cher et pas très efficace. On parle de gagner un ou deux centimètres essentiellement au repos… il ne vaut mieux pas se faire charcuter pour pas grand-chose puisque la méthode n’est pas au point.   

ELLE. Aviez-vous quelqu’un à qui en parler ? 

Nicolas. Non, je n’en parlais à personne, je faisais en sorte que personne ne le sache. Au moment de l’université, non seulement je n’avais personne auprès de qui me confier, mais j’ai en plus fait face à beaucoup de moqueries et d’expériences désagréables.   

ELLE. En société, les blagues sur le sujet vont souvent bon train… Comment gériez-vous ce genre de situations ?   

Nicolas. Quand j’étais sûr que les personnes n’étaient pas au courant, je n’en faisais pas plus, et j’essayais de faire comme si je rigolais, ou comme si ça ne me touchait pas du tout. À partir du moment où ça s’est su à cause du bouche-à-oreille, je me suis renfermé sur moi-même.  

ELLE. Cette particularité physique a-t-elle été un frein dans vos relations ? 

Nicolas. La confiance a beaucoup joué, et joue encore. Moi, ça ne m’a pas particulièrement empêché d’avoir des relations, mais c’était plutôt dans l’autre sens que ça n’était pas accepté. Ça a mis fin à beaucoup de relations.   

ELLE. Certaines femmes ont-elles eu des réactions gênantes ou humiliantes ?   

Nicolas. J’ai vécu tout ce que l’on peut imaginer comme moments désagréables. Certaines personnes avaient le mérite d’être honnêtes, mais me disaient du coup que « ça n’allait pas le faire ». D’autres ne disaient rien, mais se moquaient ou pouffaient de rire ensuite de leur côté. Et d’autres encore mettaient fin à la relation très vite puisqu’il y avait un problème au niveau de nos relations sexuelles. Ça faisait fuir.  

ELLE. Dans les toilettes publiques, ou au vestiaire : le pénis est une partie du corps intime, mais qui se retrouve souvent exposée. Comment vivez-vous cela ?  

Nicolas. J’ai toujours évité les sports collectifs, justement pour ne pas tenter le diable avec les vestiaires. D’autant que dans les quelques clubs que j’ai fréquentés, il y avait toujours des blagues diverses et variées sur le sujet. Pareil pour les urinoirs publics : c’est très compliqué, ça ne met pas du tout à l’aise. On n’a pas envie que ça se voit, ni au lycée, ni à l’université, ni au travail… or ce n’est pas rare qu’il y ait un petit coup d’œil à droite à gauche pour se moquer du voisin, surtout quand on est jeune. Ce n’est pas évident, ça pose vraiment problème, d’autant qu’il vaut mieux le faire assis pour des raisons pratiques.   

ELLE. Quel rapport entretenez-vous avec la pornographie, qui a plutôt tendance à exposer des pénis de (très) grande taille ?   

Nicolas. Quand on voit à longueur de journée des sexe surdimensionnés et des humiliations des hommes aux sexes plus petits, ce n’est pas évident à gérer. Souvent, ce sont en plus des catégories très racistes, avec des caricatures telles que « les Africains, Antillais et Noirs avec des énormes sexes » et « les vieux blancs chauves avec des micropénis », qui se font humilier et cracher dessus. Ça rajoute au complexe, même si on sait que c’est de la mise en scène et que c’est du fake.   

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ELLE. D’autant que l’on touche là au symbole suprême d’une prétendue masculinité… comment vous vous êtes construit en tant qu’homme avec tout ça ?  

Nicolas. On ne se sent pas complètement un homme… Dès l’adolescence, on voit bien qu’il y a un problème. En plus, j’ai une voix un peu particulière sur laquelle je recevais aussi des moqueries… tout ça fait que je n’avais pas confiance, je n’étais pas à l’aise. Plus tard, avec les femmes, c’est évident que la virilité était une mise en scène. Elle est attendue, il faut bien montrer qu’on est viril, et ce n’est pas toujours évident.   

ELLE. Dans un podcast auquel vous avez participé, vous expliquez que la seule position qui est tenable avec votre partenaire est celle de l’Andromaque. Vous arrivez tous les deux à prendre du plaisir comme ça ?  

Nicolas. C’est difficile, car le moindre va-et-vient fait que la pénétration ne tient pas. Il y a aussi un problème de sensations, qui fait que les érections peuvent être moins fortes que dans d’autres situations. Techniquement c’est le plus faisable, mais ce n’est pas la panacée et c’est quasiment impossible pour moi d’avoir un orgasme comme ça car je n’ai presque aucune sensation.   

ELLE. Quelles sont les situations les plus propices au plaisir pour vous ?  

Nicolas. La masturbation et la fellation, une fois que l’on met de côté le fait qu’avec la langue, on atteint tout le sexe… et donc, c’est un peu chatouilleux. La masturbation reste le plus simple.   

ELLE. Vous avez eu un enfant avec votre partenaire. Cela s’est-il fait naturellement ?   

Nicolas. Très concrètement, mon sexe mesure quatre centimètres en érection, donc ça ne me permet pas de faire beaucoup de choses. Au niveau des fonctions reproductives, tout fonctionne, mais d’un point de vue pratique, tout est compliqué, et en premier lieu la pénétration. Cela s’est donc fait naturellement, mais d’abord en me masturbant, puis avec une pénétration au dernier moment, ma partenaire au-dessus de moi.  

ELLE. Avec votre compagne, avez-vous trouvé des manières de réinventer une sexualité à vous ? À travers des accessoires, ou encore des pratiques différentes ?  

Nicolas. Oui, parce qu’on y a été incités, on n’avait pas trop le choix. Quand c’est aussi compliqué, on essaie d’être imaginatifs. Je pense que les hommes ayant des micropénis sont un peu plus sensibles et moins « bourrins » que la moyenne. Moi je fais plus d’efforts que par le passé, en essayant de compenser autrement puisque je ne peux pas satisfaire ma partenaire à travers la pénétration. On a aussi essayé des objets, des prothèses… avec des fortunes diverses ! On essaie de continuer à explorer, pour pimenter un peu tout ça, en essayant, pour elle, de faire le deuil de ce qu’elle a pu connaître avant. Il y a quand même toujours de la frustration, mais j’essaie de passer outre en me détachant un peu de la norme et de ce que je pense devoir faire. Je ne dirais quand même pas que je suis en paix avec tout ça…   

ELLE. Lors d’une nouvelle rencontre : que conseilleriez-vous aux hommes ayant un micropénis ? D’en parler avant le premier rapport, ou d’attendre d’être dans l’intimité pour que l’autre découvre seul·e cette caractéristique ?    

Nicolas. Pour un coup d’un soir, je pense qu’il faut être honnête et prévenir avant : ça évitera de se faire moquer ou humilier. Mais par définition, il est difficile d’en trouver, car on ne correspond pas aux attentes, même si j’ai déjà entendu des choses comme « J’aimerais bien voir ça par curiosité » ! Pour une relation plus durable, je recommanderais de retarder le plus possible la première relation sexuelle, afin de pouvoir en parler et apprendre à se connaître. À partir du moment où l’on sent qu’il y a une bonne entente : parler de ça et essayer de faire avec. Ce n’est pas un bonus, mais plutôt une mauvaise surprise, donc le fait de l’aborder directement aura plutôt tendance à faire fuir la personne en face. 90%, voire 95% des femmes vont dire « C’est un peu compliqué, tu es bien gentil, mais on va rester amis ».    

ELLE. Pouvez-vous comprendre ce genre de réactions, qui tient peut-être aussi à de la méconnaissance, ou de la peur de mal faire ?  

Nicolas. Ça tient principalement de la moquerie et du manque de considération. Je pense que c’est un problème tellement marginal, et que les hommes ont tellement honte d’en parler, que l’on accepte de se faire déglinguer sans trop d’amour propre. J’ai encaissé beaucoup de réactions moqueuses et pas du tout respectueuses. Certaines personnes sont peut-être plus sensibles face à cette difficulté, et ne se sentent effectivement pas le courage de supporter ça, mais il ne faut pas désespérer ! Le fait de se trouver d’autres qualités par ailleurs permet de surmonter tout ça. Mais ça serait utopiste et naïf de dire que l’on peut faire avec, en parler librement, et rigoler un bon coup, car il y a peu de femmes capables d’accepter ça.   

ELLE. Aujourd’hui, parvenez-vous à en parler à votre entourage ? 

Nicolas. Ça me soulage un peu d’en parler, ça me défoule. Je n’ai pas encore franchi le pas d’en parler sans anonymat, car je n’ai pas envie que ça se sache dans mon milieu professionnel ou familial. Beaucoup de gens l’ont su sans mon consentement par le passé, notamment quand j’étais étudiant. Certaines relations d’un soir en étaient presque à faire des photos pour montrer à leurs copines… J’ai accepté une fois, et je l’ai beaucoup regretté.  

ELLE. Diriez-vous que vous êtes épanoui sexuellement ?  

Nicolas. Oui, mais on pourrait faire mieux que ce que l’on fait. Au niveau libido, c’est clair que je n’ai pas un besoin vital d’avoir une relation sexuelle tous les deux jours. Je peux passer un mois sans avoir de relation sexuelle. Mais ce n’est pas tellement lié à mon micropénis. Un peu, car techniquement il faut soit avoir des objets, soit c’est un peu plus compliqué que la normale. Mais c’est plutôt le quotidien, le travail, la fatigue qui fait que c’est complexe. La difficulté tient surtout au fait qu’au repos, il n’y a rien qui dépasse… donc il faut lancer la machine ! C’est plutôt ma compagne qui initie les choses en général, parce que je n’ose pas encore trop m’affirmer là-dessus. J’aime bien me sentir rassuré.   

ELLE. Il y a deux ans, vous avez débuté une thérapie avec une sexologue. Pourquoi ?  

Nicolas. J’y pensais tout le temps, j’étais très complexé. J’aurais été incapable de faire ce que je fais aujourd’hui, je me serais caché sous la table ! J’avais aussi essayé moins de choses avec ma compagne, et je craignais que ça pose problème. Psychologiquement, c’était très dur à vivre… ça l’est toujours un peu, mais le fait d’en parler me permet de sortir la tête du guidon et de ne plus être réduit qu’à ça.   

L’avis de la thérapeute 

Depuis deux ans environs, Nicolas consulte Louise Tocqueville, sexothérapeute et créatrice du podcast « La Minute Sexe », afin qu’elle l’aide à accepter sa différence. Nous lui avons demandé ce qu’elle pensait de la situation, et si la thérapie pouvait aider à avancer. 

« Ça serait vous mentir que de vous dire qu’en tant que sexothérapeute, je vois passer beaucoup d’hommes ayant un micropénis. Nicolas est mon seul patient dans ce cas. On peut voir que ça touche directement à l’estime de soi. »   

En parler pour être plus armé  

« Cela aide à accepter le fait qu’il s’agit d’une caractéristique qui fait partie intégrante de la personne. En parler, c’est vivre avec ça, accepter que son corps est comme ça, et accepter d’avoir une sexualité différente. Des sexualités, il y en a mille ! C’est tout à fait possible de vivre hors normes, avec un langage positif. C’est un travail d’estime, de confiance et de réécriture. »  

Un travail de longue haleine

« La thérapie est quelque chose de très complexe, qui prend du temps. Il faut déconstruire un inconscient collectif très puissant, car tout un monde a été créé autour du phallus et de la virilité. C’est un travail de toute une vie, de toute une société. On parle là d’un handicap, d’un sujet tabou avec beaucoup d’ignorance autour, qu’elle soit médicale ou au sein même de la société. Ça évolue de plus en plus, mais il existe encore ce côté moqueur, alors que derrière tout ça, se cache une immense souffrance. Les hommes doivent faire tout un travail pour se remettre en accord avec leurs émotions. La thérapie est un travail à deux, et elle est essentielle, mais uniquement si le patient est prêt car c’est un travail engageant qui demande beaucoup de remises en question. »    

*Le prénom a été modifié. 

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