Santé

Thérapie de couple : Karen (51 ans) et Rodolphe, (54 ans), « On a perdu le fait de se parler de nous »

Karen et Rodolphe, respectivement 51 et 54 ans, ont fini par suivre une thérapie de couple parce qu’ils avaient arrêté de se parler. Ce couple uni, parents de deux grands enfants, faisait sa vie en parallèle, n’échangeant que quelques mots informatifs quand c’était nécessaire. C’est Karen, le jour où elle a vécu une rupture amicale et a eu besoin d’en parler, qui a réalisé qu’elle ne pouvait pas se confier à son mari. Elle a décidé alors de retourner voir son propre thérapeute, mais aussi de prendre rendez-vous pour eux avec un nouveau thérapeute afin de débloquer ce problème de communication.

Un silence ordinaire

Pour Karen, leur absence de mots a longtemps été la preuve de leur amour : « Vous voyez, quand on dit « c’est formidable, ils finissent les phrases l’un de l’autre » ou alors « ils se comprennent tellement qu’ils n’ont pas besoin de se parler ». Je me disais que c’était comme ça chez nous. On se jetait un regard et ça voulait dire, « je t’aime » et puis avec les années ça voulait aussi dire « sors les poubelles » ou « la télé est trop forte ».

Je pense qu’on a fait des centaines de soirées en silence avec seulement le son de la radio ou de la télévision en fond, depuis que les enfants sont partis. Sur les dizaines d’années où on a été ensemble, on a perdu le fait de se parler de nous. On a longtemps parlé des enfants et de tout ce qui pouvait les concerner. Et après, c’est le son de la télévision qui est venu remplir l’espace.

Sur le coup, on ne s’est rendu compte de rien. Je crois qu’on a profité de ce silence après des années de vie à 100 à l’heure avec les enfants. Et finalement, c’est devenu toxique sans qu’on s’en rende compte ».

Karen a l’habitude de la thérapie : « J’ai déjà été voir quelqu’un au moment où les enfants ont quitté la maison tous les deux et ça m’avait fait du bien. Quand je me suis fâchée avec ma meilleure amie, j’ai eu besoin de revenir voir la même personne. Mais ne pas pouvoir en parler avec mon mari, ça m’a beaucoup blessée aussi. J’avais besoin de parler et j’avais besoin de tendresse supplémentaire et je ne savais pas du tout comment le demander. J’ai demandé à mon propre psychothérapeute de me conseiller quelqu’un ».

Prendre les choses en main

Karen met quelques semaines à convaincre son mari de l’accompagner au rendez-vous : « Rodolphe a une personnalité à ne pas comprendre qu’il y a un problème même si on n’est pas dans le conflit. Pour lui, je faisais un caprice. J’ai mis longtemps à lui faire accepter que pour moi, c’était vital de faire cet effort. Je ne savais pas ce que ça allait donner, mais au moins, je voulais qu’on essaye. J’ai déjà vu des gens qui s’aiment se séparer et je sais que c’est possible. Je ne voulais pas qu’on soit de ceux-là. »

L’avoir vu aussi désespérée m’a fait prendre conscience

Rodolphe a surtout été sensible à la détresse de Karen : « Je l’ai vue se mettre à pleurer alors qu’elle me parlait de ce rendez-vous où je ne voulais pas aller. Ça m’a bouleversé. Je ne l’avais jamais vue se mettre dans des états pareils avant. Pour moi, il n’y avait aucun problème. On ne s’engueulait jamais, on était toujours d’accord sur tout. Mais la voir aussi désespérée, je n’ai pas supporté. C’est le déclencheur de ma prise de conscience. Le rendez-vous avait été pris dans la semaine suivante et c’était une bonne chose. C’est ce moment où elle s’est ouverte à moi qui m’a permis de réaliser qu’il fallait que je me bouge. »

Être prêt à changer ses moeurs 

La thérapie est salutaire pour Rodolphe : « Il n’y a pas qu’à ma femme que je ne parlais pas. Je n’ai jamais été vraiment loquace avec les enfants. Je ne suis pas quelqu’un qui fait des grandes déclarations par exemple. Et au moment de la thérapie, je n’avais dit à aucun de nos enfants que j’étais fier d’eux, alors que c’est le cas. C’est un truc de culture, ça ne se fait juste pas chez moi. Il a fallu que je réapprenne à aimer, que ça ne passe pas juste avec des gestes financiers et des cadeaux. La sécurité matérielle, c’est important, mais ça ne suffit pas. Je n’y avais jamais pensé avant. »

Si la thérapie était à refaire, je le referais plus tôt

La thérapie entamée par Rodolphe et Karen a changé toutes les relations : « Je suis plus heureux avec ma femme et je crois qu’elle est plus heureuse aussi. Avec le manque de dialogue, on était aussi entré dans une sorte d’inertie. On n’organisait rien. Là, on va faire un voyage et je veux que ce soit une habitude qu’on prenne pour chaque année. On a les moyens alors, il n’y a pas de raison d’attendre la retraite. J’ai appris à dire à mes enfants que je les aime. Je l’ai même dit à mes parents, une fois, parce que j’ai la chance d’encore les avoir et que je ne veux pas qu’ils partent sans entendre ça. Je parle plus avec mes amis. 

J’ai eu un déclic et j’en avais besoin. Je ne dis pas que j’étais un sale con, mais j’étais un sacré ours et ça n’est pas juste pour les gens autour de moi. Si c’était à refaire, je le referais plus tôt, au moins 10 ou 15 ans avant. Je m’en veux d’avoir rendu ma femme malheureuse et je la remercie d’avoir eu envie qu’on améliore les choses. Elle aurait tout aussi bien pu me quitter. Pour les prochaines années, je veux qu’elle n’ait que le meilleur de moi parce qu’elle le mérite ».

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