Santé

Thérapie de couple : Malika (48 ans), et Stéphane (51 ans), « Grâce à la thérapie, j’ai commencé à nous voir comme une équipe »

Malika a 48 ans et travaille dans l’éducation nationale. Stéphane a 51 ans et est chef d’entreprise dans la sécurité informatique des entreprises. Ils sont en couple depuis 26 ans et ont ensemble un fils de 22 ans, Nathan. Ils partagent tous les deux la même passion pour la cuisine et se préparent à deux au moins trois fois par semaine de bons petits plats. Depuis toujours, ils passent leurs vacances dans les endroits où sont produits les ingrédients de leurs recettes préférées. Mais il y a 5 ans, Stéphane est tombé gravement malade et le couple a dû se réinventer pour traverser l’épreuve.

« Il préférait me mentir pour ne pas m’inquiéter », Malika

Pour Malika suivre une thérapie de couple à ce moment-là de leur histoire et de leurs vies était une évidence : « Il a été conseillé à Stéphane de suivre une thérapie lui-même. Son cancer était reconnu comme agressif, il y avait une chance qu’il ne survive pas et les médecins préfèrent que les patients aient un bon moral pour supporter les traitements. Stéphane a vu un psy et ça lui a fait du bien mais je sentais que de mon côté et en ce qui concernait notre couple il y avait beaucoup de questions en suspens et des conversations que nous n’arrivions pas à avoir. Stéphane ne voulait pas parler des dispositions qu’il voulait prendre en cas de décès. Je savais qu’il y pensait mais il ne voulait pas en parler avec moi et c’était insupportable. De même pour les symptômes de sa maladie et de ses traitements. Il préférait me mentir pour ne pas m’inquiéter ou même faire semblant que ça allait mieux qu’en réalité. Je sais que certains conjoints se retrouvent pour parler mais je ne voulais pas résoudre moi aussi les trucs de mon côté. Pour moi, c’était une épreuve qu’il fallait traverser comme un bloc. C’est pour ça que j’ai proposé la thérapie de couple. »

« Chaque rendez-vous était un gros morceau », Malika

Elle s’est renseignée auprès de l’hôpital et du médecin qui suivait son mari : « Je ne savais pas vraiment comment chercher et je me suis dit que ce serait bien de voir quelqu’un de spécialisé dans le suivi des maladies lourdes. À l’hôpital, ils ont apprécié mon geste et m’ont conseillé quelqu’un mais en me précisant que la personne ne faisait peut-être plus ou presque pas de thérapie avec des couples. C’était à moi de voir. Quand j’ai appelé le thérapeute, j’ai dû le convaincre de l’intérêt de la démarche pour nous. Je peux comprendre que certaines personnes ne sont pas sérieuses vis-à-vis des rendez-vous ou que le carnet de rendez-vous ne soit pas extensible mais je ne m’attendais pas à ça. J’ai vraiment le sentiment d’avoir dû convaincre mon mari mais aussi le psy que c’était la bonne chose à faire de prendre ce rendez-vous. Le thérapeute a fini par accepter et quand on s’est retrouvé dans son cabinet, c’était une ambiance totalement différente. Le premier rendez-vous a ressemblé à un conseil de guerre, dans le bon sens du terme. Le thérapeute était là pour nous donner des outils et des armes pour mieux supporter la maladie et les angoisses qu’elle générait au quotidien. On n’a pas parlé de deuil tout de suite mais on a quand même abordé beaucoup de choses cette première fois. C’est le sentiment que j’ai gardé tout du long, chaque rendez-vous était un gros morceau. »

« Ça a été du travail d’équipe », Malika

Avec le recul des années, Malika a le sentiment que le thérapeute était un rouage nécessaire dans une mécanique qui leur a permis de faire de la maladie un lointain souvenir : « Ça a été du travail d’équipe. À partir du moment où le cancer a été diagnostiqué, Stéphane n’a jamais été seul. Pas physiquement mais en pensée et en énergie. C’était une équipe entière qui s’est battue contre ce cancer. D’ailleurs quand il est entré en rémission, il a remercié tout le monde. Il a envoyé des chocolats, des fleurs, il a fait le déplacement pour serrer la main de ceux et celles qui ont compté. Des infirmières au médecin en passant par le thérapeute en question et celui qui l’a suivi aussi, de son côté. On a aussi eu des amis qui se sont impliqués avec nous. Certains qui faisaient le taxi quand je ne pouvais pas ou qui nous ont offert des dîners préparés par leurs soins. Je crois aussi que c’est la force du collectif qui a fait la différence. En tout cas, je n’imagine pas celles et ceux qui vivent ça seuls ou presque. Ça doit être tellement dur. Nous, on a eu de la chance. »

« Je n’aurais jamais pensé me retrouver devant un psy avec ma femme », Stéphane

Stéphane pense également que la thérapie de couple a été une bonne idée : « Quand on traverse ce genre d’épreuve, on essaye un peu tout et rien. J’ai eu ma phase méditation même si ça a vite été trop difficile, la phase tisanes, la phase livres de développement personnel sur la maladie. Je ne dis pas que je considère que la thérapie de couple a été de ce goût-là mais je pense que c’est un moment particulier où on est prêt à envisager n’importe quoi. En temps normal, je n’aurais jamais pensé me retrouver devant un psy avec ma femme. Je l’ai fait à ce moment-là parce que j’étais déjà suivi de mon côté et parce que je pensais que c’était important de le faire pour elle. Je sais que c’est dur pour les conjoints. On a vu des couples exploser autour de nous. Mais on ne va pas se mentir, quand c’est l’homme qui est malade, la femme reste presque tout le temps. Le contraire est moins vrai, malheureusement. Donc je me suis dit que ma femme ne partirait pas, et je savais qu’elle m’aimait, mais je ne voulais pas qu’elle souffre outre mesure. C’est pour ça que j’ai accepté, sans y croire vraiment. Finalement ça nous a fait avancer tous les deux sur des sujets vraiment importants. On n’avait jamais parlé de mort avant, de ce que celui ou celle qui reste devrait faire, de ce qu’il fallait faire ou dire à notre fils. C’était une sorte de non-dit, comme si personne ne voulait y penser ou ne pas se donner la poisse. C’est une connerie. On a besoin de parler des choses. En parler nous a fait du bien. »

« S’il fallait le refaire, je le referai de la même manière », Stéphane

Stéphane considère que la thérapie lui a donné le courage de supporter des traitements parfois lourds : « Ce qu’on ne dit pas toujours sur le cancer c’est que les traitements font souffrir et abîment le corps et l’esprit. C’est une épreuve en soi de survivre et de guérir. Et pour ça, il ne faut pas lâcher. Je n’ai pas lâché parce que j’avais ma famille avec moi. Mais j’avais aussi des amis proches, et puis l’équipe médicale et les psys. La voisine qui prenait des nouvelles et a géré des trucs pour nous une poignée de fois. Il y a eu des moments où je tenais le coup pour tous ces gens plus que pour moi. Mais c’est toujours tenir. Et toujours jusqu’à une fois où je le faisais pour moi. S’il fallait le refaire, et j’espère que nous n’aurons jamais à revivre ça même si j’y suis préparé, je le referai de la même manière. Toutes les étapes et toutes les rencontres ont été importantes. »

« J’avais des idées un peu réactionnaires de mec qui veut protéger sa compagne », Stéphane

Il pense être devenu une meilleure personne grâce à la thérapie de couple en particulier : « J’ai grandi avec l’épreuve. J’ai grandi avec la thérapie que j’ai faite de mon côté et que j’ai continuée pendant 3 ans. Mais celle que j’ai faite avec Malika a tout changé pour moi. J’ai commencé à nous voir comme une équipe plutôt que la voir elle comme une personne que je devais à tout prix protéger. On avait partagé des tonnes de trucs avant ça mais je ne sais pas pourquoi je ne la voyais pas totalement comme mon égale. Finalement, la thérapie a permis de mettre ça en avant. J’avais des idées un peu réactionnaires de mec qui veut protéger sa compagne sans estimer au fond qu’elle est capable de gérer et d’encaisser les choses. Ça nous éloignait cette mentalité alors que c’est le contraire de ce que je voulais. J’en ai appris sur moi mais aussi sur moi en tant que conjoint et père. C’est important de se poser des questions là-dessus et d’évoluer si c’est nécessaire. Il n’y a pas d’évidence. On a de la chance d’avoir maintenant des outils pour faire ça alors que les générations précédentes n’en avaient pas vraiment les moyens, il faut utiliser ces outils pour évoluer au mieux. Entre Malika et moi, il y a eu un avant et un après. Je peux dire sans rougir que l’après est mieux. »

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