Santé

Vaginisme, performance… Une sexologue répond aux questions les plus courantes en consultation

Lorraine Monié est sexologue à Paris et contrairement aux idées reçues, elle ne reçoit pas que des questions liées au plaisir, à l’orgasme ou à la taille du pénis. La grande majorité de ses patientes ont une vie sexuelle compliquée. Si elle a bien sûr déjà abordé les questions de baisse de libido en thérapie de couple, ses séances de sexologie sont généralement axées sur des souffrances sexuelles et psychologiques. « Mes patientes partent de tellement loin, sont tellement prises dans leur souffrance, que l’on ne peut commencer à parler de plaisir qu’à partir du moment où la sensation de mal-être interne s’efface », explique-t-elle. « Les questions sur la routine et la libido relèvent plutôt de la thérapie de couple. Peut-être que chez les patientes plus jeunes, ces questions ne sont plus d’actualité et que la difficulté sexuelle triomphe tellement que cela devient anecdotique. » 

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Se réapproprier sa sexualité 

Aujourd’hui, la pratique de la sexologie est plus répandue et la parole se libère. Mais il est arrivé que Lorraine Monié reçoive des femmes qui ont souffert en silence pendant des années. « Elles venaient après sept ans de brûlures et de rapports douloureux. Il est rare que des patientes viennent parce que tout va bien mais qu’elles veulent une éducation à la sexualité. »   

Sa patientèle, plutôt jeune, montre donc en consultation une préoccupation particulière pour la pénétration et les douleurs lors des rapports. Un problème que ces jeunes femmes souhaitent régler pour vivre au mieux leur sexualité. « Beaucoup sont des jeunes patientes qui ont déjà été très mal orientées, c’est à dire qu’elles ont vu des gynécologues qui n’étaient pas très bienveillants et qui leur ont tout de suite dit qu’elles souffraient d’un vaginisme alors ce n’était pas le cas. Il y avait une telle appréhension vis-à-vis de la douleur qu’il fallait faire un travail psychologique à côté », explique la sexologue. Elle répond pour nous aux questions les plus souvent abordées dans son cabinet.  

Les questions les plus entendues par Lorraine Monié 

Le vaginisme : « Vais-je réussir à être pénétrée ? » 

« Le plus souvent mes patientes sont des femmes qui souffrent d’un vaginisme, quand les muscles du vagin sont contractés. Leurs questions sont très centrées sur la pénétration, plutôt que sur le plaisir ou le désir. “« Est-ce que vais y arriver ? Est-ce que je vais réussir un jour à être pénétrée ?” ». Je leur conseille une thérapie assez longue et les oriente généralement vers une kinésithérapeute spécialisée. Ceci peut les apaiser corporellement, pour vérifier qu’il n’y a pas de difficulté musculaire.   

C’est un travail d’investigation, de déconstruction et beaucoup d’éducation à la sexualité. Quand le vaginisme est-il apparu ? Est-ce un vaginisme primaire, qui a toujours été présent, ou un vaginisme secondaire, qui est apparu alors qu’il y avait une sexualité disons « “classique” » avant ? Je travaille d’abord sur la représentation que ces femmes ont de la sexualité. Quelle a été l’éducation à la sexualité ? Leur a-t-on appris que c’était sale, y a-t-il quelque chose de religieux derrière, un traumatisme, conscient ou non ? Il faut voir comment la sexualité a été un investie, parlée, dans le système familial. Souvent, le vaginisme est un réflexe de protection du corps. Peut-être qu’il faut explorer d’autres moyens de se protéger. » 

La performance sexuelle : « Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à avoir d’orgasme ? » 

« Les jeunes femmes viennent d’abord vis-à-vis d’une pression sociétale. De plus en plus de comptes Instagram vulgarisent le plaisir et la sexualité épanouie, ce qui est super, mais cela peut aussi instaurer des injonctions. ”J’ai toutes les clés pour jouir mais je n’y arrive pas.” L’accessibilité des informations sur l’orgasme peut rendre certaines adolescentes ou jeunes femmes complexées parce qu’elles n’y arrivent pas. Elles ont envie d’avoir une sexualité épanouissante, alors dès que quelque chose ne va pas, elles vont rapidement consulter. D’autres patientes plus âgées, et plus installées et chez qui les problèmes de sexualité sont plus ancrés, ne vont pas forcément consulter. “C’est comme ça et tant pis.”Chez les plus jeunes, on a démocratisé le plaisir, le clitoris et son fonctionnement et la possibilité d’atteindre l’orgasme.  

J’essaie de donner à mes patientes une autre vision de la sexualité. Elle peut être beaucoup moins subie et technique, c’est-à-dire moins dans la performance. Ce n’est pas une question de comment je vais être pénétrée, mais plutôt comment j’ai envie de faire l’amour, d’être touchée, comment j’ai envie que le rapport se passe ? »   

La fréquence des rapports : « Je n’ai pas envie de faire l’amour, est-ce normal ? » 

« “Est-il normal que je n’ai pas envie de faire l’amour tout le temps ou au contraire, que j’en ai tout le temps envie ?” Ce sont des injonctions dont il est très difficile de se détacher. Le fait que les femmes ont pu avoir accès à la pilule est super, mais les a aussi assignées à un rôle. Elles doivent être constamment disponibles pour les hommes. La question de la normalité revient aussi souvent : on considère que si une femme ne fait pas l’amour, c’est qu’elle a un problème, quand son vagin n’est pas lubrifié naturellement, c’est qu’elle a un problème.  

C’est facile à dire mais compliqué à intégrer, la chose la plus importante n’est pas la fréquence mais le temps que l’on prend pour faire l’amour, le plaisir qu’elles vont avoir et développer. Est-ce qu’il ne vaut mieux pas le faire moins souvent et que ce soit agréable, que l’on puisse se recentrer et être bien avec son partenaire plutôt que trop faire l’amour et que l’on n’y prenne aucun plaisir ? » 

Culpabilité : « Est-ce que je donne les mauvais signaux ? » 

« La chose la plus importante, c’est de comprendre, que ce soit un homme ou une femme, que la sexualité se fait à deux. La femme, porte cette charge mentale de culpabilité de devoir faire fonctionner son couple. Derrière tout cela, persiste l’idée très misogyne que si une femme ne fait plus l’amour, son mari va la tromper.  

Même si les femmes que je reçois et qui ont la trentaine ont accès à d’autres sources d’information sur la sexualité, certaines idées sont quand même profondément implantées. C’est comme s’il y avait une sorte de réciprocité : la femme s’occupe des enfants et fait l’amour. J’ai notamment deux patientes qui ressentent beaucoup de culpabilité car elles craignent de donner les mauvais signaux à leurs conjoints. Elles ont toutes les deux des difficultés de pénétration. Même si elles sont soutenues par leur conjoint, elles craignent de leur demander un câlin parce que ce dernier va vouloir un rapport sexuel. Elles n’osent plus demander cette affection, parce que leur langage passe par l’affect alors que celui de leur conjoint passe par la sexualité. “On va se rapprocher, mes seins vont toucher son corps, il va avoir une érection et va vouloir faire l’amour”, me disent-elles. Elles pensent qu’elles sont à l’origine d’une frustration alors que c’est aussi à l’homme de se restreindre et d’accepter que l’on peut faire un câlin en ayant la poitrine de sa copine sur soi et avoir une érection, sans forcément avoir envie de faire l’amour. Il faut que ce soit symétrique et qu’elles ne soient pas seules à porter cette culpabilité. »   

L’orgasme : pourquoi je n’arrive pas à le reconnaître ?  

« Il faut donner aux femmes les clés pour qu’elles comprennent comment fonctionne leur corps, les rassurer sur le fait qu’il est normal de ne pas avoir d’orgasme, parce que cela n’est pas facile. Souvent, elles ne savent pas bien ce qu’est un orgasme et vont penser qu’elles le vivent alors que ce n’en est pas un. Mon travail est de les aider à ressentir l’orgasme interne ou externe en lien avec le clitoris, observer quand il y a un orgasme lorsque le périnée est contracté. L’objectif est d’être vigilantes sur ce que l’on ressent et de se débarrasser de toutes les pollutions qu’il y a avant, pendant et après l’acte sexuel. 

Les femmes, comme les hommes, appréhendent tellement la sexualité qu’ils ne sont plus dans la recherche de ce qu’ils ressentent. “Est-ce que je vais avoir un orgasme ? Est-ce que je vais bien faire ?” Ils ne sont plus du tout à l’écoute de leur corps. C’est un travail très long pour rassurer et expliquer que chaque femme est différente. »  

La communication : « Il ne veut pas communiquer, pourquoi ? » 

« J’ai un couple de patients dont le conjoint refuse de dire ce qu’il veut pendant l’amour. Selon lui, si l’on verbalise tout ce que l’on aime ou non, il n’y a plus aucune spontanéité dans l’acte sexuel. Cette appréhension est fréquente, venant des hommes notamment. Comme si la sexualité était innée chez eux : “Je sais faire l’amour, je n’ai pas besoin qu’on me dise ce que je dois faire.”    

Ce n’est pas juste “faire l’amour”, c’est faire l’amour avec quelqu’un. C’est très différent. S’il y a une chose à retenir, c’est que la sexualité n’est pas innée, c’est un apprentissage. L’intégrer permet de relativiser. “En fait, le souci n’est pas je ne sois pas nul ou que je ne sache pas la faire jouir, je n’ai simplement pas les clés.” La communication est essentielle. Elle peut se faire en amont ou après, on n’est pas obligé·es de parler pendant l’acte. Ça peut être avec les mains, guider les gestes. Si on ne communique jamais, on va toujours faire la même chose de manière un peu instinctive, en ayant l’impression que ça plait à l’autre. C’est un engrenage. »  

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