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L’Education source de tension, les élèves manquent un trimestre

Le secteur éducatif au Maroc souffre, certes, de plusieurs défaillances et a déjà connu des escalades, mais celle-ci est exceptionnelle. Le statut unifié de Benmoussa est « la goutte qui a fait déborder le vase ». Et depuis, le secteur éducatif marocain n’a pas pu recouvrer sa quiétude habituelle.

L’heure du changement a sonné et tout le monde attendait avec espoir une réforme qui va mener à bien l’essor de l’éducation nationale. Jusqu’au moment où tout a été chamboulé et la congestion a connu son paroxysme. En voici les détails.

Un accord a été signé entre le gouvernement et les principaux syndicats de l’enseignement le 14 janvier 2023, définissant un statut unifié pour les fonctionnaires éducatifs dans le cadre d’une réforme scolaire sur cinq ans. Cependant, de nombreux acteurs de l’éducation critiquent cet accord, le jugeant inadéquat face aux défis actuels du secteur.

La rentrée scolaire 2023/24 au Maroc s’est annoncée tendue, avec des revendications non satisfaites conduisant à des mouvements de grève et des manifestations. Cela dit, les différentes coordinations de l’enseignement n’en sont pas restées là, certaines vont jusqu’à accuser les syndicats de « complicité » avec le ministère de tutelle. Elles estiment aussi que les syndicats n’ont pas joué leur rôle comme il se doit, pour pousser le ministère à honorer ses engagements.

En réponse aux tensions, plusieurs réunions se sont tenues avec le Chef de gouvernement, Aziz Akhannouch. Des compromis ont été discutés, notamment la révision du statut et la suspension des retenues salariales pour les grévistes. Un accord a été trouvé pour augmenter les salaires des enseignants de 1.500 dirhams, applicable à partir de janvier 2024.

Les discussions entre le gouvernement et les syndicats se poursuivent, mais certains groupes d’enseignants restent insatisfaits et prévoient de nouvelles actions de protestation. Les coordinations enseignantes critiquent le manque de dialogue inclusif et expriment leur désaccord avec les compromis trouvés.

Une commission ministérielle a décidé d’apporter des modifications au statut des enseignants, tout en promettant de maintenir le dialogue. Des points spécifiques, tels que la désignation des fonctionnaires et les tâches des cadres pédagogiques, ont été clarifiés.

Sur la question, Hespress FR a sollicité Adil Attari, secrétaire régional du syndicat national de l’Enseignement, affilié à la Confédération démocratique du Travail (CDT) qui nous a confirmé que la situation actuelle dans le domaine éducatif est source d’inquiétude.

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« Récemment, nous avons assisté à des perturbations, notamment des grèves, ayant entraîné des manifestations et des mécontentements parmi les élèves et la population en général. Cette agitation trouve son origine dans la gestion du secteur éducatif par le ministère de tutelle », déclare notre interlocuteur.

Il convient de rappeler les négociations « qui ont débuté il y a deux ans entre les syndicats et le ministère compétent », fait-il observer, notant qu’à « l’époque, ces discussions avaient suscité de l’espoir et des attentes, d’autant plus que le dernier système éducatif de base datait de vingt ans». Cependant, déplore notre intervenant, « bien que des syndicats aient formulé des recommandations et que des échanges aient eu lieu, les attentes n’ont pas été satisfaites ».

En faisant un flash-back, notre interlocuteur souligne que « la tension a atteint son paroxysme en janvier, lorsqu’un accord a été proposé concernant certains points spécifiques. Mais des divergences sont apparues : le ministère a prétendu avoir le soutien des syndicats éducatifs, ce qui s’est avéré être une méprise, car la majorité des points n’avaient pas été discutés avec ces derniers. De plus, des informations partielles et biaisées ont été divulguées, créant une méfiance croissante ».

L’annonce de vagues directives, comportant des dispositions imprécises concernant les heures de travail et d’autres aspects, a exacerbé la situation. Cette incertitude s’est accentuée avec l’introduction de mesures punitives inédites. En développant son point de vue à propos de la situation, Adil Attari estime que « face à cette crise, le ministère n’a pas su répondre efficacement. Les syndicats ont choisi de se retirer des discussions avec le ministre, estimant que leurs préoccupations n’étaient pas prises en compte ».

Dans le dessein de calmer la situation, notre interlocuteur précise que « finalement, le gouvernement est intervenu en proposant de nouvelles négociations. Ces discussions, en cours jusqu’en janvier 2024, visent à élaborer un système éducatif plus équilibré et à répondre aux revendications des acteurs de l’éducation, notamment en matière de conditions de travail, de contrats et de rémunérations, particulièrement face à la montée des coûts de la vie ».

De son côté, Ali Fannach, vice-président de la Fédération nationale des associations des parents d’élèves du Maroc (FNAPEM), également joint par Hespress FR, nous rappelle le début de la crise, « l’entame même de cette démarche était erronée, engendrant des problèmes majeurs pour notre système éducatif ».

© Mounir Mehimdate

« Les discussions n’ont pas inclus tous les syndicats. Bien que les réunions aient duré un an, elles auraient dû se conclure avant la rentrée pour permettre des amendements et une approbation parlementaire. Cette phase n’a pas instauré une base politique claire et nous a poussés à tenir le ministère de l’Éducation pour responsable », fait-il remarquer.

A l’origine, « il n’y avait pas de contentieux majeur, mais la durée prolongée des discussions a été perçue comme un arrêt. Les failles de la plateforme rendaient le système vulnérable à des interventions extérieures. Il est pertinent de se demander pourquoi le gouvernement n’a pas répondu pendant cette année », relève-t-il.

En poussant plus loin son développement, Ali Fannach précise que « le gouvernement valorise l’éducation, comme le reflète son programme. Toutefois, la réforme proposée par les syndicats semble diverger avec les attentes de certaines parties. Les compensations salariales annoncées ont été inégalement perçues, créant des tensions entre différentes catégories professionnelles ».

« Les conditions économiques, couplées à des attentes non satisfaites, ont alimenté le mécontentement. Il y avait aussi un décalage entre les syndicats et les acteurs éducatifs. Certains syndicats, moins influents, étaient perçus comme éloignés des préoccupations réelles du terrain », poursuit-il.

© Mounir Mehimdate

Et d’ajouter que « la coordination entre les différentes parties prenantes faisait défaut Certains ont critiqué les mécanismes de dialogue existants, arguant qu’ils ont exacerbé les tensions. Il était crucial de s’assurer que tous les acteurs pertinents étaient engagés de manière significative».

Ce problème actuel nous met face à des défis accrus. Il est devenu particulièrement ardu, complexe et exigeant. « Il est essentiel de reconnaître que nous sommes actuellement confrontés à cette situation délicate. Il est crucial de souligner la nécessité d’un service adéquat, surtout lorsque la majorité des enseignants ont cessé leurs cours en raison de grèves, affectant ainsi le rythme académique», déplore notre intervenant.

La FNAPEM s’intéresse surtout à l’avenir des élèves qui sont les seules victimes de ce conflit: « Il est important de comprendre que chaque famille a ses propres défis. Chaque parent veut le meilleur pour son enfant, et les institutions doivent être flexibles et compréhensives ».

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A l’approche de la fin du premier semestre, le spectre d’une année blanche se fait de plus en plus ressentir. En tant que parent et membre de la FNAPEM, Ali Fannach exhorte les responsables à mener un dialogue ouvert et transparent, « Il est primordial de mettre en avant l’importance de la communication pour éviter les malentendus. Le retour à la normale est essentiel, et il est temps de réévaluer notre calendrier scolaire. Il est impératif d’optimiser les ressources pour renforcer l’enseignement des matières fondamentales, tout en éliminant les matières moins essentielles ».

En s’étalant encore plus sur les propositions, notre interlocuteur ajoute qu’en ce qui concerne la méthodologie et les évaluations, « nous devons adopter une approche plus structurée ». « Les syndicats jouent un rôle crucial dans le système éducatif. Ils doivent être renforcés et soutenus pour garantir une éducation de qualité. Les droits des enfants et des élèves doivent être protégés, et les enseignants doivent être bien formés et soutenus », dit-il.

Cela dit, note Fanach, « malgré les réformes, notre système éducatif doit encore s’améliorer. Nous devons nous demander pourquoi nous ne sommes pas mieux classés dans les études internationales. Il est temps d’agir et de faire les changements nécessaires pour assurer un avenir éducatif prometteur pour tous ».

© Mounir Mehimdate

En adoptant une vision optimiste, Fanach juge que « bien que certains aient considéré cela comme un faux départ, il a néanmoins marqué une certaine unité ». Le principal problème est que ces lacunes ont été exploitées par d’autres parties et certains ministres étaient également impliqués. Cette situation a affecté la confiance envers les syndicats.

« Pourquoi n’avons-nous pas saisi l’opportunité lorsqu’elle s’est présentée ? La situation aurait pu être gérée différemment. Cette période de confusion a été exploitée par certains pour avancer leurs propres agendas », interroge notre intervenant. Un autre point majeur concerne les salaires et les indemnisations. « Aujourd’hui, c’est un sujet brûlant, surtout avec l’inflation qui balaye le pouvoir d’achat du citoyen », soutient-il.

Par ailleurs, et en vue de « sauver » l’année académique avant qu’il ne soit trop tard, Ali Fanach avance quelques réflexions: «Nous examinons actuellement comment améliorer le travail syndical au Maroc et unifier les efforts syndicaux. Nous envisageons également de revoir le programme d’études secondaires pour l’année académique. L’égalité des chances entre le secteur public et privé est essentielle. Chaque enfant marocain mérite une éducation de qualité, que ce soit dans un établissement privé ou public ».

« Si nous donnons aux étudiants les ressources nécessaires et que les évaluations sont justes, ils réussiront. Nous devons nous assurer que chaque élève ait la même opportunité de réussir« , conclut-il.

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