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Quand Moulay Abdelhafid signait à Fès le «Traité pour l’organisation du protectorat français»

L’indépendance du Maroc du colonisateur français, célébrée en grande pompe au Maroc a toujours fait les choux gras de la presse marocaine, des médias officiels et même dans les manuels scolaires. Toutefois, on ne parle que rarement des étapes de la colonisation et comment la France est arrivée à étendre son influence sur le royaume chérifien avant de convaincre, le 30 avril 1912, le sultan Moulay Abdelhafid, de renoncer à la souveraineté du Maroc.

C’est au lendemain de deux interventions militaires à Oujda, en 1844 dans le cadre de la bataille d’Isly et en 1859, que la France, déjà présente en Algérie depuis 1830, tente petit à petit de s’immiscer dans les affaires du Maroc. En 1901, les forces coloniales obtiennent un accord avec les autorités marocaines, les autorisant à «aider» l’administration dans les régions encore non contrôlées du Maroc oriental.

Des «Ententes cordiales» avant de contrôler le Maroc

Mais la France n’était pas le seul pays européen lorgnant le Maroc. D’ailleurs, le pays dirigé à l’époque par Émile Loubet s’en rend compte très tôt et signe une série d’accords bilatéraux avec d’abord l’Italie en 1902 sur le Maroc et la Libye. Deux années plus tard, soit en 1904, une autre série d’accords, désignés sous le nom d’«Entente cordiale», sont signés avec le Royaume-Uni. Une entente marquée notamment par l’attitude compréhensive de la Grande Bretagne vis-à-vis de la volonté française d’étendre son influence sur le royaume chérifien. Parallèlement, la France renoncera à toute visée sur l’Égypte. Elle n’avait plus que l’Allemagne à écarter avant de passer à l’action. Une mission qu’elle ne réussira qu’en 1911 puisque 6 ans auparavant, un premier incident diplomatique opposent les deux pays.

Avant cela, en 1906, douze pays européens en plus le représentant du sultan marocain, Mohammed el Mokri et le président américain Theodore Roosevelt étaient réunis à Algésiras en Espagne dès le 16 janvier dans le cadre de la Conférence d’Algésiras sur le Maroc. Organisée jusqu’au 7 avril sous l’égide des États-Unis, la conférence d’Algésiras avait été marquée par la reconnaissance des droits sur les affaires marocaines de trois pays : l’Espagne, l’Allemagne, et la France.

Arrivée du sultan Moulay Abdelhafid à Casablanca en novembre 1911. / Ph.Emsomipy

Deux ans après cette conférence, et au lendemain d’une intervention militaire à Oujda le 29 mars 1907, les autorités françaises renforçaient leur présence dans le royaume. Une présence qui déplait à la population locale. Face à une révolte des Marocains dès cette année, le sultan chérifien Moulay Abdelaziz est contraint d’abdiquer en 1908 au profit de Moulay Abadelhafid. Trois ans plus tard, la France et l’Allemagne parviennent enfin à trouver un compromis, au lendemain d’un autre incident entre les deux puissances coloniales, le 1er juillet 1911 à Agadir.

La nouvelle entente coloniale imposait à la France de céder des terres au Congo et au Cameroun alors que l’Allemagne devait renonçait à ses intérêts au Maroc. Parallèlement, bien que l’allégeance au Sultan Moulay Abdelhafid fût subordonnée à plusieurs conditions dont la suppression de la menace étrangère, la récupération des terres marocaines et l’annulation de l’Accord issu de la Conférence d’Algésiras, le souverain chérifien ne résistera pas longtemps avant de céder à la pression du colonisateur.

«Traité pour l’organisation du protectorat français dans l’empire chérifien»

Quatre ans seulement après son intronisation, Moulay Abdelhafid signera le 30 mars 1912 à Fès le «Traité pour l’organisation du protectorat français dans l’empire chérifien». Un accord qui énonce que «le gouvernement de la République française et le gouvernement de Sa Majesté Chérifienne, soucieux d’établir au Maroc un régime régulier, fondé sur l’ordre intérieur et la sécurité générale, qui permettra l’introduction des réformes et assurera le développement économique du pays, sont convenus» à neuf dispositions. Le texte promet des réformes administratives, judiciaires, scolaires, économiques, financières et militaires.

«SM le sultan admet dès maintenant que le Gouvernement français procède, après avoir prévenu le Maghzen, aux occupations militaires du territoire marocain qu’il jugerait nécessaires au maintien de l’ordre et de la sécurité des transactions commerciales et à ce qu’il exerce toute action de police sur terre et dans les eaux marocaines». Article 2 du Traité de Fès.

Moulay Abdelhafid, le 30 mars à Fès, lors de la signature du traité. / Ph. DRMoulay Abdelhafid, le 30 mars à Fès, lors de la signature du traité. / Ph. DR

Dès la signature, le sultan chérifien ne souhaitait guère la médiatisation de ce traité. Du moins, jusqu’à ce qu’il préparerait le peuple ou qu’il quitterait la ville de Fès. Mais l’information se propage tel un incendie. L’histoire retiendra que les toutes premières voix ayant dénoncé les prémices du Protectorat étaient celles de plusieurs soldats marocains présents à Fès. L’indignation est générale dans la capitale spirituelle du royaume au point que le peuple décide, dès le 17 avril, d’investir les rues pour manifester contre la «cession de Dar El Islam aux chrétiens». Les affrontements sont tellement violents que les Français les avaient intitulés «journées sanglantes de Fès».

Mais le colonisateur parvient à gérer sa toute première crise post-Protectorat grâce aux renforts militaires dépêchés à Fès. Les forces du protectorat déploraient le décès de 63 Français lors de ces événements. Dès août 1912, ils réussiront à pacifier les toutes premières tribus avant de réduire le rôle du sultan chérifien à un simple porte-parole du Protectorat au moment où le général Hubert Lyautey, nommé résident général dès avril régnait en chef suprême de l’Etat. 

Des soldats français au Palais royal de Fès, peu de temps après la conclusion du traité. / Ph. DRDes soldats français au Palais royal de Fès, peu de temps après la conclusion du traité. / Ph. DR

En novembre 1912, la France et l’Espagne parvenaient à un accord commun, suite auquel le Maroc fut divisé en trois grandes parties : une zone au centre, contrôlée par la France, un zone au nord avec le Rif et une zone à l’extrême sud avec Sidi Afni, Tarfaya et le Sahara. Tanger bénéficiait, elle, d’un statut de zone internationale. Les forces coloniales avaient ensuite poursuivi leur opération de pacification et d’occupation, qui s’était étalée sur plusieurs étapes.


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