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Voici comment les archéologues veulent la reconstruction de Tinmel et sa mosquée – Aujourd’hui le Maroc

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Comment faut-il reconstruire la mosquée de Tinmel ? Bien que la question soit posée par différents intervenants ainsi qu’un large public, les archéologues, eux, ont tout un autre point de vue. Mieux encore, ils sollicitent d’être consultés. Voici leurs témoignages et surtout leurs recommandations.

Au-delà de tout débat architectural ou topographique autour de la mosquée Tinmel, secouée par le séisme du 8 septembre dernier, les archéologues livrent leurs ressentis quant à la reconstruction de cet édifice. Nous en avons consulté deux chevronnés à cet effet.

Un édifice facile à restaurer !
A commencer par Aboulkacem Chebri, archéologue et président du Conseil international des monuments historiques et sites (Icomos) Maroc qui prend la mosquée de Tinmel pour un site «facile à restaurer!». Un constat susceptible de sembler surprenant. Cependant la démarche est, à son sens, «faisable». «Les gens peuvent croire que la restauration est impossible ou relève du rêve ! C’est plutôt question de temps, de moyens de savoir et de concertation sinon c’est tout à fait récupérable», rassure-t-il sans le moindre souci. Et ce n’est pas tout ! Il se livre aussi à un jeu pour mieux expliquer une réalité. «Après le séisme, on s’est amusé dans les réseaux sociaux et la presse à montrer la mosquée avant et après alors que les photos qui circulent sont celles d’une restauration parce que la mosquée telle qu’elle nous est parvenue était en ruines», différencie-t-il. Dans ce sens, il évoque une première restauration au début des années 90 par le ministère de la culture. C’est ce qui a fait croire que la mosquée était comme ça depuis les Almohades alors qu’elle a été restaurée», poursuit-il en s’exprimant sur une deuxième restauration du ministère des habous qui a récupéré la mosquée intégralement à 90% depuis la moitié des années 90 jusqu’à 2023.

Où en est-on après la tragédie ?
«Après le séisme, certaines étapes sont faites », précise M. Chebri. Entre-temps, il énumère celles-ci. A commencer par une documentation historique et des relevés techniques en mettant l’accent sur le recours à l’archéologie outre l’architecture et la topographie. « Des fouilles ont été faites mais pas élargies exhaustivement sur le terrain de la mosquée et environs. Cela s’impose avant la restauration », estime-t-il. Au niveau de la documentation, il faut, d’après lui, chercher des « photos, plans anciens, gravures, témoignages et étude comparative. On connaît quand même la mosquée et son tracé». «C’est le moment d’élargir les fouilles avec l’archéologie pour comprendre l’histoire de la mosquée», avance-t-il. Quant au dossier technique des fouilles, les résultats sont, d’après lui, un travail d’architecte, d’ingénierie, voire d’archéologie afin de « monter un bon cahier des charges». D’ici là, une entreprise qualifiée en la matière est également à solliciter.

Refaire ou changer?
A elle seule, la mosquée est en «pisé et briques». «Nous avons des restes des Almohades et on va refaire la même chose», tranche-t-il en donnant plus de détails. Pour lui, «on ne peut pas changer les matériaux de construction». «Il faut rester intransigeant», ajoute-t-il clairement dans ce sens. S’agissant des paramètres parasismiques au niveau de la mosquée, c’est, pour lui, «trop tard». Ils sont plutôt valables, «pour les alentours de la mosquée afin de renforcer la petite colline et les fondations». De plus, il remonte aux origines de la composition de l’édifice. «On ne peut pas retrouver un matériau du dixième siècle par exemple mais on peut en chercher un qui serait identique», explique-t-il. D’après lui, Tinmel est une ville almohade construite à travers des matériaux locaux qui sont «encore là». «Il faut rester dans le même style almohade. On va refaire la salle de prière, le Sahn (ndlr : patio) et les piliers comment ils étaient construits selon les sciences de restauration des monuments», répond-il limpidement.

Débat sur la toiture
C’est à ce niveau de la mosquée que la discussion peut porter ? A cet égard, il se veut sincère : «Moi-même, je ne sais pas comment elle était du temps d’Abdelmoumen ou Yaacoub El Mansour !». «Quand on a pas de témoins, on fait des analogies avec la mosquée de Taza où il y a le style almohade aussi», compare-t-il en rappelant la visite d’Icomos Maroc et d’Espagne au site en novembre. Par la même occasion, il livre un autre constat. «Il y a eu un ramassage de briques et d’éléments en mesure d’être réutilisés», estime-t-il. Quant au «mihrab», il est toujours «là et son motif n’a pas été trop affecté». D’ailleurs, il « peut être reproduit». En tout, le «complètement différent» c’est, selon lui, «pas réalisable». «Il faut des nuances entre la reste et l’originel». «Des éléments complétement disparus sont à restituer. A mon avis, si on trouve des structures intéressantes d’avant les Almohades, il faut les laisser. La mosquée on la fait à côté pour la prière», estime-t-il en pensant au minaret qui ne «va pas être facile à restaurer et consolider». Pour l’heure, le bon travail de nettoyage et colmatage est fait par l’entreprise en charge. «Un étaiement est en cours pour maintenir le reste, des murs. Le problème se situera au niveau de la restauration prévue bientôt. Des fissurations graves sont dans le reste notamment le mur externe. Ce n’est pas facile», commente-t-il. C’est pourquoi il recommande la présence sur place d’une équipe d’ingénieurs et d’archéologues. «Parce qu’ils menacent de tomber à tout moment il faut garder les seules parties des Almohades qui restent d’origine avec mihrab, c’est intéressant mais c’est difficile du point de vue équilibre», conclut-il.

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