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Comment Séoul veut devenir un partenaire de premier plan de Rabat

Située à l’autre bout de la planète, la République de Corée est l’un des dragons asiatiques les plus prospères de l’Asie de l’Est. Réputé pacifique et hyper-avancé sur le plan technologique, ce pays a des ambitions économiques sur le plan international pour se positionner sur la chaîne de valeur mondiale. En Afrique, le Maroc est perçu, dans l’esprit des dirigeants coréens, comme une porte d’entrée et un partenaire naturel vu les convergences de vues sur plusieurs questions internationales. Les deux pays, rappelons-le, sont tous les deux des alliés des Etats-Unis dans leurs régions respectives et tous deux ont fait le choix de l’économie de marché après leur indépendance. D’où la volonté de Séoul d’établir sa première ambassade en Afrique à Rabat. 
 

Quand l’économie peine à suivre l’amitié politique

 
Malgré la longue distance qui les sépare, Rabat et Séoul entretiennent de bonnes relations sur le plan politique. Leur amitié s’est manifestée à nouveau lors de l’épisode du séisme où Séoul a proposé son aide tout en envisageant une aide financière. “Nous exprimons une solidarité inébranlable avec le peuple marocain et sommes prêts à apporter notre aide par tous les moyens possibles”, nous explique Keeyong Chung, ambassadeur de la République de Corée à Rabat, qui a reçu l’équipe de “L’Opinion” dans son bureau pour un entretien exhaustif. L’air grave et impassible, le diplomate, un passionné du golf, insiste sur le fait que les relations entre Rabat et Séoul sont plus profondes que l’on puisse penser, et ce, pour deux raisons. D’abord, assure notre interlocuteur, le Maroc a participé aux côtés de son pays lors de la Guerre civile avec des soldats qui y ont combattu. Un geste que les Coréens n’oublient jamais, sachant qu’ils ont montré leur gratitude envers le Maroc en participant à leur tour aux côtés du Royaume à la Marche Verte en 1975.
 

Il est temps de passer à la vitesse supérieure

 
Bien que les relations politiques soient bonnes, Séoul voit d’un œil insatisfait l’état actuel de la coopération économique. Ceci se voit clairement dans le commerce qui demeure faible. Le volume des échanges s’élève à 620 millions de dollars. La Corée exporte 360 millions de dollars de marchandises du Maroc tandis qu’elle en importe pour 260 millions, selon les chiffres de l’ambassade. Généralement, le Maroc exporte des produits chimiques et des phosphates alors la Corée est l’un des fournisseurs importants de voitures, qui constituent une partie importante du total des exportations coréennes vers le Maroc, nous explique Minho Lee, Directeur de Kotra Casa (Korea trade investment promotion agency), qui nous a rejoint durant la conversation. “Je pense que nous n’avons pas encore tiré le maximum possible du potentiel qui existe entre les deux pays”, confie l’ambassadeur, pour qui cela est dû plus à une méconnaissance des marchés de l’un et de l’autre qu’à un manque d’intérêt.
 

Qu’en est-il de l’accord de libre-échange ?

 
Pour passer à la vitesse supérieure, Séoul songerait sérieusement à un accord de libre-échange, comme l’avait annoncé, le 25 août 2023, une dépêche de l’Agence de presse locale, Yonhap, qui avait cité le Royaume parmi les pays avec lesquels la Corée veut ouvrir les vannes du commerce. Mais ce qui compte, c’est de savoir si ce souhait sera suivi d’effets. Interrogé sur cela, l’ambassadeur se montre assez réaliste en évoquant plutôt un accord de partenariat économique. Le Maroc est parmi six pays choisis pour signer cet accord qui permet de faciliter le commerce par la baisse des tarifs douaniers. Là, il n’est pas question de casser totalement les tarifs. Ce qui veut dire que la libéralisation des échanges n’est pas à l’ordre du jour. Aussi, poursuit le diplomate, ce genre d’accords permet de donner plus d’assurances aux entreprises qui veulent investir avec le minimum de risques.
 

Des investissements coréens dans l’automobile ?

 
Admettons qu’un accord de libre-échange soit inenvisageable actuellement si tant est que les deux en aient la volonté, il n’en demeure pas moins qu’il existe un vaste potentiel pour les investissements. A Séoul, on perçoit plusieurs secteurs prometteurs tels que celui de l’automobile. Tout le monde sait à quel point les marques coréennes, telles que Hyundai, Kia et d’autres, ont conquis le marché mondial. Du coup, comme le Maroc est connu pour être une plateforme d’exportation vers l’Afrique et l’Europe, peut-on s’attendre à des investissements et des usines coréennes au Royaume ? A cette question, l’ambassadeur fait preuve de réalisme en soulignant la nécessité d’un cadre juridique relatif aux investissements.  “Nous savons bien que le Maroc s’est lancé avec succès dans le secteur automobile en devenant un acteur majeur dans la région. Il y a de fortes chances du point de vue coréen de développer une coopération fructueuse dans ce domaine”, précise pour sa part Minho Lee, qui parie lui aussi sur les vertus de l’accord de partenariat économique pour faciliter les IDE coréens au Maroc, notamment dans le secteur automobile.
 

LGV Marrakech-Agadir : les ambitions de Séoul

 
Par ailleurs, s’il y a un secteur au Maroc qui intéresse beaucoup les entreprises coréennes, c’est bien celui des chemins de fer, pour la simple raison que le Royaume constitue un marché prometteur vu la pleine expansion du réseau ferroviaire avec le projet de la ligne à grande vitesse Marrakech-Agadir. La Corée est parmi les pays qui auraient des chances considérables d’obtenir ce marché, sachant que deux de ses entreprises participent d’ores et déjà à la conception de la ligne ferroviaire à grande vitesse. Il s’agit de Korea National Railway (KNR) et Dohwa Engineering. Le contrat, estimé à 32 millions de dollars, prévoit la conception d’une ligne qui s’étend sur 230 kilomètres. En ce qui concerne le contrat du TGV, selon les confidences de l’ambassade, Hyundai Rotem, l’une des principales entreprises de fabrication des TGV, a l’intention de participer à l’appel d’offres de l’ONCF concernant le matériel roulant.
 
Il va sans dire qu’investir dans le ferroviaire c’est mettre le paquet sur la mobilité verte. Dans ce sens, la coopération climatique constitue une priorité pour la Corée qui aspire à conclure un accord de nature à promouvoir les investissements dans l’économie décarbonée. L’Ambassade de Corée a proposé une convention aux autorités marocaines qui seraient ouvertes à cette idée. “Nous sommes maintenant dans la phase finale des discussions”, confie M. Chung, ajoutant qu’en cas de signature d’une telle convention, les entreprises coréennes intéressées seront incitées à regarder plus vers le Royaume.

 

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