ActualiteL'Opinion

Dur parcours du combattant pour les expatriés installés au Maroc ! [INTÉGRAL]

« Quand la police m’arrête et demande mes origines, je réponds : Marocain de Zagora ! Ça les fait sourire, ils disent que non et je réponds : oui, oui ! En voyant mes papiers, ils rigolent avec moi». 

Ibrahima est Guinéen, il vit au Maroc depuis treize ans et s’est installé avec femme et enfant. Facile avec les langues, il a appris la darija « en se frottant avec les Marocains ». Aujourd’hui, à Laâyoune, il est chez lui, il s’est fait des amis et a créé sa société de consultant en migration. Quand il a l’occasion de s’adresser à d’autres subsahariens, Ibrahima leur martèle que « la langue c’est la porte de l’intégration, il faut aller la chercher ! ».

D’ailleurs, lorsqu’entre 2014 et 2017 plus de 40.000 migrants ont été régularisés, dans le cadre de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA), moult programmes d’intégration avaient vu le jour – tel Taâlem Darija – en tant que vecteurs d’inclusion sociale. Une initiative qui s’étend jusqu’aux établissements pénitenciers. En 2023, une prison à Tanger s’est distinguée en faisant suivre des cours à 70 détenus de 24 nationalités pour « communiquer avec les membres de l’établissement pénitentiaire, mieux s’intégrer à la société marocaine et augmenter leur potentiel de réinsertion».

Ceci dit, les paramètres d’apprentissage de ce dialecte parlé dans presque la totalité du Royaume ou encore la nécessité de l’apprendre, diffèrent selon la nature des migrants. Si les subsahariens et quelques étrangers en provenance des pays d’Asie sont obligés de s’intégrer via la darija, pour les Européens, c’est une simple cerise sur le gâteau.
 

Un parcours semé d’embûches

Articles similaires

« Je n’ai ressenti aucune attente sur l’apprentissage de la langue, peut-être parce que les Marocains sont polyglottes ? ». Jeune bénévole dans une association tangéroise, quand Tristan est arrivé de Marseille, il était résolu à apprendre l’arabe… seulement pourquoi se fatiguer quand on peut vivre et travailler avec la langue apportée dans les bagages ? Pire, dans un contexte déroutant pour les étrangers habitués à des pays monolingues, certains autochtones sèment la confusion : « Des collègues et des voisins m’ont déconseillé d’apprendre la darija, qui semble plutôt mal-aimée».

Si la darija est incontournable, en dehors des régions à majorité amazighophones, rien ou presque n’est fait pour encourager son apprentissage. Sans incitation ni pression particulière, beaucoup jettent l’éponge. Quant à ceux dotés d’une motivation inébranlable, ils se heurtent à un autre obstacle : le flou intrinsèque de la darija ? Non. « Ce n’est pas évident de trouver une bonne pédagogie pour étudier… il y a une phase préalable pendant laquelle il faut vraiment enquêter pour trouver les bons outils», conclue Tristan. La rareté des méthodes bien construites, accessibles et à jour plonge de nombreux apprenants dans un dédale d’outils incomplets ou désuets. Toutefois, l’absence de pédagogie ou de programmes dédiés à la darija relève de l’évidence, du moment qu’elle demeure un dialecte. Sur le plan linguistique, ce dernier puise grandement dans le vocabulaire de l’arabe classique, ce qui pourrait faciliter éventuellement l’établissement d’une grammaire puis une graphie en bonne et due forme, mais pour le moment le lexique, la grammaire, tout comme le vocabulaire du dialectal marocain, diffèrent d’une région à une autre. Pire, d’un ménage à un autre. Mais cela n’empêche pas certains d’« innover » ! 
 

Loin de la langue, loin du cœur ?

« Chaque été, il se sentait exclu par sa propre famille. Il ne comprenait rien, il fallait traduire les blagues et ça cassait l’ambiance. À cause de ça, il a arrêté de venir au Maroc pendant vingt-cinq ans… mais cet été il est de retour pour la première fois ! ». En duo avec son mari, Houda a lancé le site BlaBlaDarija en janvier 2021. Elle gère le volet pédagogique et lui s’occupe des aspects techniques et marketing. C’est un franc succès, les apprenants (la moitié sont des MRE) se comptent par milliers et les témoignages reconnaissants abondent : comme pour cet homme ci-dessus, qui, à l’âge de la retraite, peut enfin se rapprocher des siens. Comme cette médecin qui suit des cours pour mieux comprendre ses patients.

Combien de MRE sont éduqués dans une autre langue que l’arabe marocain ? Nés aux Pays-Bas, en Espagne, au Canada, selon le contexte dans lequel ils ont grandi, ils ne sont pas toujours à l’aise en darija. Moins nombreux mais plus proches, il y a aussi ces Marocains qui ont grandi dans un environnement linguistique francophone, à la maison comme à l’école. « Il y a tellement d’émotions que beaucoup de gens ont des opinions contradictoires », explique Houda, ajoutant qu’« ils ne pardonnent pas à un Marocain de ne pas parler l’arabe local et en même temps ils critiquent toute initiative pour l’enseigner ».

En l’absence de méthode standardisée, sans examen du TOEIC, du DELE ou du DALF (anglais, espagnol, français), les apprenants n’ont d’autre choix que de se tourner vers internet et les réseaux sociaux, où les enseignants autoproclamés sont légion (cf. repère : Le marché de la darija). Marocains non-darijaphones ou étrangers, tous l’ont compris, aucune langue ne développe autant le vivre ensemble que l’arabe marocain. 
 

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page