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Fitch révise à la baisse ses prévisions après le coup de frein de Bank Al-Maghrib

« La pause de BAM est venue contre notre attente d’une hausse de 50 points de base (pb) malgré une inflation élevée. Lors de la conférence de presse de la banque, le gouverneur de la banque centrale Abdellatif Jouahri a cité l’adoption du récent paquet de 10,0 Md MAD par le gouvernement pour lutter contre l’inflation et le paquet d’aide de 10,0 Md MAD au secteur agricole mandaté par le Roi Mohammed VI comme des éléments de nature déflationniste, qui donne une raison suffisante pour que la banque fasse une pause afin d’évaluer les effets décalés du resserrement monétaire », explique l’agence de notation internationale dans un nouveau rapport.

 

La pause intervient dans un contexte de morosité de l’activité économique, précisent les analystes de Fitch Solutions dans le rapport intitulé « Morocco : Hawkish Pause Raises Uncertainty Around Bank Al Maghrib’s Interest Rate Trajectory ».

 

 « Alors que nous nous attendons à ce que de telles mesures atténuent certaines des pressions inflationnistes du Royaume, nous pensons que le resserrement monétaire cumulé de 150 points de base (pb) depuis septembre 2022 sera insuffisant pour ramener l’inflation à son objectif implicite de 2,0 % à moyen terme, incitant BAM à poursuivre son cycle de resserrement », anticipe la même source.

 

Perspectives pour la prochaine réunion

 

Pour la prochaine réunion de son Conseil d’administration, prévue en septembre de l’année en cours, l’agence de notation internationale s’attend à ce que BAM augmentera le taux directeur de 50 points de base à 3,50 %, l’inflation restant élevée. « Bien qu’il ait maintenu son taux d’intérêt à 3,00 % lors de sa dernière réunion, BAM a qualifié cette décision de « pause » dans son cycle de hausse, faisant ainsi allusion à d’autres hausses de taux à venir.

Cela justifie notre point de vue pour une augmentation supplémentaire des taux directeurs, car l’inflation reste élevée et le taux d’intérêt réel reste fermement en territoire négatif. Malgré une décélération de 7,8 % en glissement annuel en avril 2023 à 7,1 % en mai 2023, l’inflation reste nettement supérieure à l’objectif », tient à préciser Fitch Solutions. Alors que l’inflation en mai s’est contractée de 0,4% grâce aux mesures gouvernementales pour limiter la hausse des prix, l’agence pense en effet que cette tendance a peu de chances de se maintenir, en partie à cause de la lenteur de la production agricole, qui maintient l’inflation alimentaire à un niveau élevé. De plus, poursuit la même source, le taux d’intérêt réel s’est établi à -4,1 % en mai 2023, marquant une divergence significative par rapport à la dernière décennie, lorsque le taux d’intérêt réel a rarement plongé en territoire négatif.

 

Trajectoire des taux d’intérêt à long terme

 

De ce fait, Fitch Solutions prévoit un resserrement de la politique monétaire au 4ème trimestre 2023 et au 1er semestre 2024, BAM portant son taux directeur à un taux terminal de 4,50 % d’ici 2024. Cela marque, d’après les analystes de l’agence, une révision à la baisse par rapport à sa précédente prévision d’un taux terminal de 5,00 % en 2024 après la décision de BAM en juin de mettre en pause son cycle d’augmentation de vitesse. Selon ces analystes, une inflation nettement supérieure à l’objectif et des taux d’inflation prévus à la hausse sont deux principaux facteurs qui vont sûrement pousser la banque centrale à poursuivre son resserrement monétaire.
 

Malgré la légère révision à la baisse de ses prévisions d’inflation pour 2023 de 7,8 % à 7,5 % à la suite de l’inflation de mai, des attentes d’inflation élevées, des taux d’intérêt réels négatifs, une croissance atone de la production agricole et une politique budgétaire expansionniste maintiendront l’inflation élevée jusqu’en 2024, envisagent-ils.

« Notre prévision d’un taux d’inflation moyen de 5,4 % en 2024 en raison des mesures gouvernementales visant à éliminer progressivement les subventions sur le gaz et le sucre en 2024 suggère également que les taux d’intérêt réels resteront négatifs jusqu’en septembre 2024, ce qui justifie notre appel à un nouveau resserrement de la politique monétaire », ajoute Fitch Solutions.

 

BAM devrait poursuivre son cycle de resserrement

 

Pourtant, l’agence de notation internationale prévoit des risques à la baisse sur ses prévisions de taux d’intérêt, « car la banque centrale reste relativement prudente dans son cycle de resserrement au milieu des inquiétudes concernant l’activité économique ». 
 

« Bien que ce ne soit pas notre point de vue principal, BAM pourrait tolérer une inflation supérieure à l’objectif plus longtemps que nous ne le prévoyons actuellement afin de soutenir l’activité économique. Cela conduira BAM à relever son taux d’intérêt de manière plus prudente que ce à quoi nous nous attendons actuellement, soit en évitant d’autres hausses de taux, soit en réduisant le rythme du resserrement monétaire. De même, dans le cas où les mesures gouvernementales actuelles entraîneraient une décélération de l’inflation plus forte que prévu, cela inciterait BAM à devenir plus prudente dans ses futures hausses de taux, conduisant à un taux terminal plus bas », pense la même source.

 

Les trois points de vigilance identifiés par AGR

 

Des analystes marocains, faut-il le souligner, s’attendent, eux-aussi, à ce que BAM reprend à son tour son cap restrictif d’ici la fin de l’année 2023 dans le but d’assurer un retour de l’inflation vers son objectif de stabilité des prix à moyen terme.
 

Pour rappel,  le Conseil de BAM a décidé, lors de sa réunion le 20 juin dernier, de maintenir inchangé le taux directeur à 3%. Et ce, après trois hausses successives d’un total de 150 points de base. Pour Attijari Global Research (AGR), cette décision ressort en décalage avec le consensus du marché qui prévoyait un nouveau relèvement d’au moins 25 pb. «Après trois relèvements successifs de 50 points de base depuis septembre 2022, la banque centrale a décidé de maintenir inchangé son principal taux directeur (TD) à 3% en juin 2023, soit à son plus haut depuis 2014», souligne AGR dans son dernier «Research report Fixed income», notant que «cette décision ressort en décalage avec le consensus du marché qui prévoyait un ralentissement du rythme de hausse du TD en juin 2023 à +25 pbs».
 

Néanmoins, ce statu quo «peu attendu» demeure en cohérence avec l’inflexion baissière des prix à la consommation au Maroc, et ce, depuis mars 2023. «Après avoir atteint un pic de près de 30 ans à 10,1% à fin février 2023, l’inflation a ralenti pour le troisième mois d’affilée pour atteindre les 7,1% en mai 2023. Toutefois, l’inflation alimentaire, principale composante du panier du consommateur marocain, demeure élevée à 15,6% en mai 2023 et l’inflation sous-jacente ressort à 6,4% durant la même période», explique AGR.
 

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