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«Créer des champions africains, c’est aussi créer des champions culturels» – Aujourd’hui le Maroc

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Entretien avec Kathia Gretta Iradukunda, entrepreneure sociale burundaise

Rencontrée dans la petite Suisse du Maroc, la fondatrice et directrice de la Hyacinth Art House révèle les particularités de son projet. L’occasion pour cette jeune entrepreneure de 27 ans de se livrer sur sa participation au 7ème Sommet africain du commerce et de l’investissement, appelé également Forum d’Ifrane. Un événement organisé du 6 au 8 décembre dans cette belle ville.

ALM : Vous venez de présenter votre projet au Forum d’Ifrane. Veuillez bien nous en révéler la raison d’être…

Kathia Gretta Iradukunda : Le projet porte également le nom de mon entreprise qui travaille à la fois dans la conservation de l’environnement et l’art, plus spécifiquement dans la transformation des plantes envahissantes appelées jacinthes d’eaux qui sont un peu partout dans les lacs et les rivières en Afrique subsaharienne. Et nous fabriquons des objets d’art d’utilité, de fonctionnalité, de décoration en collaboration avec des coopératives de femmes artisanes un peu plus au Burundi mais pourquoi pas l’étendre aussi au niveau de l’Afrique. Par la même occasion, c’est un grand plaisir d’être au Maroc. C’est ma deuxième fois ici. Dans le Forum d’Ifrane, il est question d’investissement, de commerce et développement du continent et de la création de champions africains. Les prochains étant la jeunesse. Pour moi, cela fait plaisir d’être entrepreneure et jeune qui fait partie de ces grandes discussions sur la Zlecaf, le secteur privé dans lequel je suis un acteur de la diplomatie économique. C’est aussi intéressant pour pouvoir partager cela avec d’autres réseaux de jeunes.

Qu’en est-il de l’impact économique de la Hyacinth Art House dans votre pays d’origine ? Et quelle en serait la valeur financière?

Déjà, l’impact vient avec les femmes artisanes avec lesquelles je collabore. Elles avaient un potentiel mais pas exploité. Donc c’est un impact direct dans la communauté mais aussi cette opportunité que nous commençons à avoir à vendre notre produit à l’extérieur. Cela vaut aussi l’image de notre pays où l’économie n’a pas beaucoup de produits à exporter comme beaucoup de pays subsahariens. Donc une entreprise dans l’art qui permet d’aller au-delà des frontières et de générer des revenus, c’est un pas. Cela permet aussi de donner une image, un espoir à d’autres jeunes. Pour parler de la valeur financière, je tiens à rappeler que j’étais journaliste dans le cadre du programme des enfants journalistes de l’Unicef et quand j’ai terminé mon cursus universitaire en santé publique, les premières opportunités que j’avais c’était dans la presse. Cela m’a permis de financer le prototypage et je me suis tournée vers des compétitions nationales. C’est le cas des Prix Innovation week du Pnud, Boss Lady par Econet. L’année passée j’ai eu le Prix Awa par Enabel qui nous accompagne avec un aspect financier de 50 mille euros. J’ai eu cette récompense dans la catégorie du vote du public.

Et y a-t-il de l’engouement pour votre projet ?

Il y en a. C’est un concept que j’ai commencé il y a deux ans. Les plantes envahissantes dont je parle ont commencé à envahir au Burundi dans le lac Tanganyika plus spécifiquement depuis 1993. Avant deux ans, il n’y avait pas de programme ni public ni privé qui s’occupait de cet aspect de conservation de l’environnement et de la biodiversité aquatique menacée par ces plantes envahissantes appelées jacinthes d’eaux. Donc, c’est un vrai et grand engouement pour le fait que cela vienne mettre en marche des compétences artisanes des femmes de Burundi où, dans le contexte du pays, l’artisanat n’est pas assez valorisé pour leur accès à un emploi, à une visibilité, l’exploitation de ces compétences. Il y a même des sportifs que nous impliquons dans les collectes. Aussi, cet enthousiasme vient du fait que ce n’est pas seulement le Burundi qui est menacé mais plutôt des pays frontaliers comme la RDC qui partage le même lac qui a cette invasion de son côté, le Kenya et l’Ouganda qui ont certaines plantes envahissantes dans le lac Victoria. Donc c’est un projet qui, une fois qu’il est au Burundi, peut être transposé dans d’autres régions où ce besoin se présente.

Alors est-ce que vous travaillez sur le rayonnement de votre projet dans d’autres pays ?

Pour le moment je travaille seulement dans mon pays. Mais ce que j’essaie de faire c’est d’être impliquée dans des réseaux de femmes ou d’entrepreneurs où les discussions autour de l’Afrique se font. C’est le cas de la Mandela Washington Fellowship, du Social inclusive business camp, du programme Women in Africa. Ce que j’essaie de faire dans ces réseaux, c’est d’introduire ces discussions mais aussi pour attirer l’attention et avoir de potentiels personnels au moment où on voudrait aller vers ces régions. Aussi, il y a des discussions avec des ambassades nationales au niveau de la RDC, l’Ouganda pour commencer à faire ce pas, alors pourquoi pas aller vers eux. Il y a aussi les gens qui viennent vers nous comme une organisation de Madagascar qui nous a écrit pour demander des formations sur le même problème.

Et quid du Maroc ?

A vrai dire, je n’ai pas fait d’étude sur le marché du Royaume. Je pense que je me suis plus focalisée sur où j’avais les meilleures informations. Peut-être que c’est une idée !

Le Forum d’Ifrane consacre aussi une séance plénière aux industries culturelles et créatives. Comment votre projet peut-il faire partie de ce concept?

Il est vrai que le domaine où nous sommes déjà fait partie de ces industries, notamment culturelles, dans le sens où les compétences et l’art de la vannerie relèvent du patrimoine africain. Actuellement ce n’est plus le tressage pour les petits outils à la maison que les femmes faisaient pour leur cuisine mais cela va dans la déco, l’utilité comme les poubelles écologiques dans les hôtels, les écoles, etc. Donc cela insiste sur les aspects culturels et créatifs. Pour renforcer ceux-ci, il ne faut pas se borner à l’environnement mais l’innovation, l’opportunité que nous offre Internet. C’est dans ce cadre que notre projet, dont je m’occupe depuis octobre 2022 en full time, s’insère. Il fait de la valorisation de la culture, d’un patrimoine mais aussi instaure la créativité à travers les besoins que nous avons en produits écologiques.

Cet événement aborde de la construction de champions économiques africains. Et comment en avoir en art et culture ?

Je pense que l’art et la culture ne sont pas détachés et épargnés de la création de champions africains. Il y a par exemple les éléments essentiels dans la vie de la personne, la culture vient après s’immiscer. Tant que ces champions africains seront créés, même ceux culturels seront en train de l’être. Aussi le fait de connecter l’Afrique entre elle et à travers le monde, c’est aussi développer les cultures au-delà des frontières. Donc les deux sont étroitement liés. Créer des champions africains c’est aussi créer des champions culturels.

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