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Comment le Maroc s’impose dans la carte mondiale

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L’industrie automobile marocaine se défend bien sur l’échiquier international, mais elle doit travailler, se développer et se transformer pour rester dans les radars. Ceci est d’autant plus important que nous pourrions assister à une vraie révolution technologique et que le coût du travail n’est plus si négligeable, estime Adil Zaidi. Le président de la Fédération marocaine de l’automobile livre également, dans cet entretien, sa vision de la souveraineté industrielle.

Le Matin : Il y a eu la Covid, la rareté des semi-conducteurs, puis aujourd’hui la guerre en Ukraine. Comment l’industrie automobile a-t-elle abordé la relance de l’économie ?
Adil Zaidi
: Au Maroc, nous avons subi très vite les effets de cette reprise. Nous avons connu une hausse importante des prix des matières premières, notamment l’acier (+230%), du prix des véhicules et des composants importés. La perturbation la plus importante est venue de la crise des semi-conducteurs. Ce qui a paralysé la production locale pendant deux mois. Et à cause de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, la vente des véhicules neufs a enregistré une forte baisse ces deux dernières années (-15%).
Cependant, l’industrie automobile a su se ressaisir. Et durant le premier trimestre 2022, les deux constructeurs présents au Maroc ont enregistré une croissance de 12% des volumes, avec une projection en hausse pour le second semestre.
Cela dit, le Maroc est bien positionné et bien outillé pour avoir sa place dans une redistribution générale. Quant aux impacts de la guerre en Ukraine, pour le moment, les produits phares marocains ne sont pas touchés par la crise et la demande suit.

En Europe en 2035, les ventes des voitures à moteur thermique céderont la place à celles des voitures électriques. Est-ce que le Maroc est prêt pour ce changement ?

Le Maroc ne s’est pas encore prononcé sur cette décision, mais il va en subir l’impact. Aujourd’hui, le pays peut être prêt très vite pour répondre à ce défi environnemental et industriel. D’abord, parce que son mix énergétique de plus en plus vert lui permettra de répondre de manière vertueuse au problème global. Ensuite, parce que nous avons déjà un premier modèle électrique conçu et produit au Maroc par la société Stellantis. Un autre modèle de l’autre constructeur Renault Dacia est prévu pour ce troisième trimestre.
À cela s’ajoute le fait que la technologie électrique apparaît plus simple que la thermique et que l’adaptation serait relativement aisée. Enfin, parce que le Maroc est doté aujourd’hui d’une culture industrielle dans l’automobile, ce qui lui permet une rapide réactivité.

Pensez-vous que l’Europe peut se passer complètement des plateformes de production des moteurs thermiques ?

Probablement, l’Europe, qui changera ses outils de production, doit avoir des plateformes de production pour les pays non européens qui continueront dans le moteur thermique. Les bases en place pourront servir de relais pour approvisionner le reste du monde.
En plus, la transition thermique-électrique prendra du temps et nous verrons sûrement un allongement de la vie des moteurs thermiques et donc un marché de l’occasion plus dynamique et un besoin de pièces beaucoup plus élevé. Nous devons voir avec tous les membres de l’écosystème pour la mise en place de l’environnement nécessaire : Bornes de recharge, Batteries, Échanges standards, Réparations-maintenance…

Avec un taux de robotisation de 45%, l’industrie 4.0 est déjà une réalité au Maroc. Quelles sont les ambitions du secteur sur ce volet ?

La plupart des entreprises, installées dans les zones d’accélération, intègrent les préceptes de l’industrie 4.0, et sont parfaitement outillées en machines et en organisation. Mais, ce qui est vrai pour les entreprises alliées aux multinationales l’est moins pour nos PME.
L’industrie marocaine au sein des PME, dans son approche, la taille de ses entreprises et les types d’organisation de production, est très en retard. À l’aune de l’histoire industrielle, certaines structures se situent encore au début du 20e siècle.
Les fonctions indirectes non productives occupent environ 25 à 33% des effectifs. La productivité réelle des travailleurs se situe entre 30 et 40% des temps payés. Le coût des salaires, relativement bas dans notre pays, pousse à une non-rationalisation de ce facteur et donc à un certain gaspillage. Cependant, si on le rapporte à la productivité finale, le coût du travail n’est plus si négligeable. Cette fracture de productivité et de compétitivité sera encore plus importante, pour ne pas dire abyssale, si on n’intègre pas très vite la numérisation de l’entreprise.

Comment renforcer la compétitivité nationale et maintenir l’attractivité du pays ?

Aujourd’hui, nous avons un outil industriel dont la diversité et l’enchevêtrement national et international sont de plus en plus complexes. Cette complexité multidimensionnelle nous donne une première protection. Nous avons également notre histoire qui nous a dotés d’une culture industrielle automobile et de ressources humaines qualifiées, effleurant de plus en plus l’atavisme.
Cependant, nous devons continuer à travailler, à nous développer et à nous transformer. Ceci est d’autant plus important que nous pourrions assister à une vraie révolution technologique, et les changements radicaux peuvent donner des opportunités à des entrants.
Il vaudrait mieux pour tous les pays en concurrence de chercher à agrandir le marché. Nous devrions avoir une sagesse pour arriver à concrétiser ensemble des projets de développement industriels complémentaires et faire face à un marché de deux milliards de consommateurs. Le Maroc, seul ou n’importe quel autre pays seul, n’y arrivera pas.

À votre avis comment le secteur de l’industrie automobile participe-t-il à la souveraineté industrielle du Maroc ?

On ne peut pas parler de souveraineté totale, car aucun pays développé ne peut se targuer, ou même ambitionner cet objectif. La mondialisation et la globalisation ont engendré une interdépendance entre tous les pays. Il s’agit en fait d’avoir une position équilibrée et sécurisée dans les relations avec les autres. Il s’agit d’être performant, efficace, contributeur, résolvant, donc nécessaire, recherché, participant, utile et, par conséquent, incontournable.
La souveraineté industrielle fait référence à certains niveaux d’indépendance industrielle non linéaires. C’est une combinaison de trois concepts : la souveraineté technologique, la souveraineté digitale et la souveraineté décisionnelle.

La souveraineté technologique fait référence à la capacité d’un pays à maîtriser des technologies nécessaires à la fabrication de biens indispensables au bon fonctionnement du pays et de ses chaînes de production. Elle concerne également la libre disposition des brevets et licences. Elle permet une continuité dans la fabrication et une évolution de la production pour pouvoir toujours créer de nouveaux avantages concurrentiels, ainsi que le lancement de productions connexes ou complémentaires de plus en plus sophistiquées : batteries, intelligence artificielle, Smart Industrie ou industrie 4.0. Cette évolution permet de consolider la plateforme et de la rendre moins vulnérable à une délocalisation ou une rupture d’approvisionnement.
La résilience de la chaîne d’approvisionnement doit être construite sur la base de stratégies alliant l’intégration en profondeur avec des partenariats protégés, des contrats et une politique de stocks de sécurité.
La mise en place d’industries et d’activités annexes, même protégées, peut s’avérer nécessaire pour la souveraineté industrielle : les composants électroniques et les batteries pour le futur.
La souveraineté digitale est liée à la sécurité des données dans les technologies de traitement de la data : canaux de communication, stockage de bases de données, serveurs, vitesse, apprentissage automatique. La formation d’experts dans le domaine et la mise en place de clusters de développement du big data sont un atout pour la maîtrise du système.
La souveraineté décisionnelle est la capacité d’un pays à pouvoir orienter la stratégie, la politique industrielle et la distribution des produits fabriqués localement. Elle est essentielle pour la résilience, le développement et la survie d’un système industriel. Le Maroc, aujourd’hui, est relativement bas dans ce domaine. Il reste toujours éloigné du consommateur final et ne domine pas les circuits de distribution. C’est donc une perte d’opportunités et de gains financiers.

Entretien réalisé par Jalal Baazi
 


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