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La responsabilité politique dans le drame de Demnate

Ahmed El Aked: Le chef du gouvernement a-t-il eu vent de ce drame ? En aura-t-il pris conscience et non seulement connaissance ?

Le gravissime accident routier survenu le dimanche 6 août 2023 sur l’une des routes classées dans les environs de la ville de Demnate à la province d’Azilal, un véhicule de transport mixte surchargé de passagers ayant chuté dans un profond ravin en amorçant l’un des dangereux rivages au niveau du douar d’Akhchane à la commune de Sidi Bouyakhlaf, a coûté la vie à 24 personnes, suscitant un grand émoi de la population de cette région et l’indignation de l’opinion publique nationale.
Ahmed El Aked, membre du Bureau politique de l’Union socialiste des forces populaires, s’interroge à ce propos « si le gouvernement considère que les décès résultant des accidents de la circulation sont une fatalité en face de laquelle l’on ne peut que se résigner et observer le silence … », indiquant que « les innocentes victimes » de cet accident se rendaient au souk hebdomadaire à la recherche de produits de subsistance pour leurs enfants et les leur en empruntant les moyens de transport disponibles sans se soucier de la légalité ou du caractère réglementaire de ces derniers et de la charge autorisée… ». « C’est la quête de subsistance d’un côté alors que de l’autre côté, le gouvernement annone sans grande conviction le slogan de « l’Etat social ».
C’est le rêve qui s’est volatilisé, le voyage sans retour à l’ombre d’une Constitution qui garantit pour l’ensemble des Marocains le droit à la vie en vertu de l’article 20 qui stipule que « le droit à la vie est le droit premier de tout être humain », et que la loi protège ce droit et garantit la sécurité, conformément à l’article 21 selon lequel «tous ont droit à la sécurité de leur personne, de leurs proches et de leurs biens», fustige le responsable ittihadi, en relevant que tous les médias et les réseaux sociaux ont instamment couvert cet événement dramatique. Certains parmi ces derniers, en dépit de cette situation macabre, ont mis en exergue les efforts des autorités locales et l’enquête diligentée par le parquet et menée par les services compétents pour en découvrir les soubassements, de même que se sont multipliées les analyses approximatives mettant en cause les facteurs de la vitesse excessive, la surcharge, l’état mécanique du véhicule, la dangerosité du virage, la vétusté des infrastructures, a observé Ahmed El Aked qui a toutefois souligné que nonobstant toutes ces supputations, « la responsabilité est en fait une responsabilité politique et morale ». « Il s’agit bel et bien de la responsabilité du chef du gouvernement qui est politiquement responsable de la persistance de la précarité de la sécurité routière dans notre pays car le gouvernement, qui en est pratiquement à mimandat, n’a adopté aucune stratégie à même de faire face à cette problématique assassine», a-t-il déploré. Là-dessus, le membre du Bureau politique du parti des forces populaires a noté que certains médias se sont focalisés sur le bilan désastreux de ce drame estimant qu’il fut le plus élevé sur le plan national en semblant oublier le registre des décès occasionnés par les accidents de la circulation dont les bilans n’en étaient pas moins lourds ni moins douloureux dont notamment l’accident survenu en 2009 à Deroua, près de la ville de Berrechid, celui du bus desservant Marrakech et Agadir en 2012 ou celui de la collusion d’un camion poids lourd avec un bus entre Laâyoune et Tan-Tan en 2015 … « A cet effet, le chef du gouvernement est pleinement responsable, non seulement des accidents de la circulation qui occasionnent des dizaines de décès et des centaines de blessés mais aussi de ceux qui n’engendrent ne serait-ce qu’un seul mort, la perte d’un seul citoyen. Le chef du gouvernement est ainsi responsable politiquement aux côtés de tous les membres de son équipe en charge de la problématique de la précarité de la sécurité routière. C’est qu’il est le premier responsable de la coordination de l’action et des interventions de tous les ministres. Par ailleurs, la responsabilité politique ne relève pas seulement du ministre du Transport et de la Logistique… mais c’est celle partagée entre les ministres de l’Equipement, de la Justice, de l’Intérieur, de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Communication, de la Jeunesse… C’est la responsabilité politique de l’ensemble du gouvernement », a développé El Aked. Pour lui, ce drame est d’autant plus douloureux que le mutisme du gouvernement fut retentissant dénotant de sa politique de l’autruche, notamment concernant une région où la situation des habitants témoigne de l’absence patente de toute justice sociale et spatiale qui, plus est, figure parmi les engagements du programme gouvernemental. A cet égard, le responsable usfpéiste rappelle que la première stratégie nationale intégrée de la sécurité routière a été mise en avant par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. En effet, a-t-il mis en exergue, lors d’une réunion tenue au Palais Royal de Casablanca, le 18 février 2005, le Souverain avait appelé à la nécessité d’accorder un intérêt extrême à l’action de faire face au fléau des accidents de la circulation(…).
D’autre part, Ahmed El Aked n’a pas manqué d’évoquer l’engagement politique contenu dans la déclaration politique du gouvernement de l’alternance consensuelle présentée par le défunt Premier ministre Abderrahmane El Youssoufi au Parlement qui avait inclus, pour la première fois d’une manière claire, l’engagement gouvernemental quant à la sécurité routière : « Concernant le transport, la politique du gouvernement vise à améliorer la compétitivité du secteur à travers une libéralisation progressive, l’habilitation des différents intervenants et la contribution active à la promotion d’une politique cohérente dans le domaine de la sécurité des transports ». Ce fut, a-t-il souligné, un engagement politique qui a généré la première stratégie nationale dans le domaine de la sécurité routière, s’appuyant en cela sur les expériences internationales pionnières… Or hélas, regrette le membre du Bureau politique de l’USFP, cette stratégie qui était supposée s’étendre sur une période de dix ans (2003-2013) n’a pas fait l’objet de l’évaluation nécessaire objective et globale car le gouvernement des dix années « de vaches maigres » consécutives de la Constitution de 2011 ne jouissait nullement de la volonté ni des moyens nécessaires pour ce fait (…). De ce fait et en tout état de cause, le chef du gouvernement est appelé, comme l’a mis en avant El Aked, à entreprendre des investigations quant aux nombreux engagements sectoriels et aux budgets alloués qui n’ont pas été exécutés de même qu’aux conventions sectorielles qui n’ont pas vu le jour dont, à titre d’exemple, l’habilitation des urgences, l’éducation routière, la protection sociale des conducteurs professionnels, l’amélioration de la situation des professions ayant trait à la sécurité routière. Il est nécessaire, a-t-il ajouté, d’instituer un cadre législatif rigoureux qui ne soit pas assujetti aux calculs politiciens, de consolider les structures de contrôle routier par les moyens matériels et les équipements technologiques nécessaires et de motiver la recherche scientifique pour la production de concepts clairvoyants en matière de sécurité routière. Et de conclure qu’il est nécessaire d’évoquer « une question technique, à savoir la distinction faite par les experts entre quatre grandes phases de l’évolution de la conception et de la pratique relatives à la sécurité routière. Ce qui nous importe, à ce propos, c’est que la première phase englobe les années 50 et 60 et qui considère que le meilleur moyen d’améliorer la sécurité routière, c’est la révision du comportement des usagers de la route par l’éducation, la sensibilisation et les sanctions sévères… . Alors que la quatrième phase coïncidant avec le début du troisième millénaire, considère que le meilleur moyen consiste en la garantie du droit à la santé via des modes de transport efficients, un réseau routier sécurisé et des véhicules sains… Dans ce sens, le chef du gouvernement peut choisir la phase qu’il estime prometteuse pour notre pays, sachant qu’il ne choisira pas de se jeter dans le giron du passéisme ». (…) 

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