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Comment le phosphate a rapproché Rabat et New Delhi [INTÉGRAL]

 Exit la Chine

 

Pendant longtemps, le pays s’est appuyé sur la Chine et l’Arabie Saoudite pour ses besoins en DAP. Mais à partir de la saison agricole 2019-2020, l’Inde a commencé à se tourner vers les produits marocains. Le DAP marocain a peu à peu remplacé celui en provenance de Chine, en passant de 2,2% du total des importations indiennes de ce produit en 2019-2020 à 26.54% en 2022-2023. Actuellement, l’OCP est le deuxième fournisseur de DAP à l’agriculture indienne, derrière Maaden (Arabie Saoudite).
 
Ce revirement stratégique est motivé par deux considérations. D’abord, par la volonté de New Delhi de varier ses fournisseurs et de s’appuyer sur des partenaires fiables. Ensuite, parce que la Chine impose fréquemment des restrictions sur ses exportations d’engrais, afin de prioriser ses propres besoins. Ces décisions ont entraîné une diminution des exportations chinoises de 7 millions de tonnes entre 2021 et 2022, ce qui équivaut à une baisse de 23% pour l’ensemble des types de fertilisants.
 
Le Maroc fournit également des matières premières telles que la roche phosphatée et l’acide phosphorique à l’Inde pour la fabrication de différents produits fertilisants. En 2020-2021, près de 23% et 40% des importations totales de roche phosphatée et d’acide phosphorique de l’Inde provenaient du Maroc”, nous apprend Ajil Mankunnummal.

 

Joint-ventures

 

En période de grandes perturbations, New Delhi peut compter sur le Royaume pour ses approvisionnements. Le 21 janvier 2023, le groupe OCP et les plus importants producteurs d’engrais des secteurs public et privé indiens ont signé des mémorandums d’entente (MoU’s) garantissant à l’Inde jusqu’à 1,7 million de tonnes métriques (MT) d’engrais phosphatés pour la saison agricole.
 
Le partenariat entre le géant phosphatier marocain et les acteurs indiens ne s’arrête pas là. Depuis 1999, une joint-venture réunit l’OCP et des groupes indiens (CFCL et TCL) dans Indo Maroc Phosphore (IMACID), un complexe industriel installé à Jorf Lasfer, et dédié à la fabrication d’acide phosphorique.
 
Plus récemment, l’entreprise marocaine a annoncé la création d’une joint-venture avec l’entreprise indienne
spécialisée dans la fabrication de fertilisants, Kribhco, dans le but de construire une unité de production d’engrais à Krishnapatnam, un port dans la côte Sud-Est de l’Inde. D’un investissement total de 230 millions de dollars, l’usine fabriquera des engrais composés de NPK (Azote (N), phosphore (P) et potassium (K) avec une capacité de 1,2 million de tonnes par an.

 

Vers l’autosuffisance ?

 

En réalité, ces coentreprises ne représentent qu’une composante d’une stratégie indienne plus globale visant à parvenir à l’autosuffisance.  Pour l’instant, “l’Inde ne peut atteindre l’autosuffisance que dans la production d’urée. Le pays manque des matières premières nécessaires pour fabriquer les autres produits fertilisants”, précise le chercheur spécialisé dans le secteur indien des engrais, Ajil Mankunnummal.
 
Pour y remédier, le gouvernement indien a pris des initiatives visant à explorer des matières premières telles que la roche phosphatée et le potassium. Dans ce sens, il a donné des directives visant à exploiter commercialement les dépôts de phosphorite existants dans différentes parties de l’Inde. Des discussions ont également eu lieu en ce qui concerne l’exploration des ressources potentielles de minerais de potassium.
 
Le gouvernement insiste également sur la nécessité de passer à l’agriculture biologique. Cela peut être observé dans les discours du Premier ministre Narendra Modi le 16 décembre 2021 lors du Conclave national sur l’agriculture naturelle, durant lequel il a appelé à « libérer le sol du pays des engrais chimiques et des pesticides”.
 
Malgré ces mesures, l’Inde continuera de dépendre du phosphate marocain dans les décennies à venir, et cette demande ne fera qu’augmenter. C’est pourquoi il est essentiel que le Maroc saisisse les opportunités que présente le marché indien, en s’engageant dans des projets communs plus ambitieux, notamment dans le secteur des engrais et de l’agriculture en général.
 

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