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Comment protéger les patients sans lyncher le corps médical ? [INTÉGRAL]

Révélée par nos confrères du Ledesk.ma le 4 octobre 2023, l’affaire concerne 16 patients qui auraient « perdu la vue » suite à une injection à l’œil à l’hôpital 20 Août de Casablanca le 19 septembre 2023. Depuis, le CHU Ibn Rochd de Casablanca a souligné dans un communiqué qu’au lendemain de l’injection en question (Bévacizumab), deux patients se sont plaint de rougeurs et de douleurs à l’œil avec perte de vue. L’hôpital 20 Août a par la suite contacté les 16 patients qui ont ainsi été placés sous surveillance et ont commencé à montrer « des signes cliniques d’amélioration ». « 5 d’entre eux ont donc quitté l’établissement hospitalier et les autres sont toujours sous traitement et sous surveillance», a ajouté la même source. La Société Marocaine d’Ophtalmologie (SMO) a dans un deuxième temps communiqué également afin de préciser que « l’incident grave et regrettable (…) n’est nullement en rapport avec le produit, mais avec une complication infectieuse, l’endophtalmie, qui est une complication très rare (0,02%) et redoutée par les ophtalmologistes du monde entier ».

 

« Sujet complexe »

La SMO ajoute par ailleurs que l’origine de l’incident « reste à déterminer loin des polémiques, des fausses informations et du sensationnalisme ». Une entreprise qui est manifestement en cours puisqu’une enquête judiciaire a été lancée afin de déterminer les circonstances et éventuelles responsabilités du personnel soignant. Une affaire qui remet également à la lumière l’épineux sujet de la défense des droits des patients en cas de fautes médicales. « Il s’agit effectivement d’un sujet complexe puisque la société marocaine est passée en quelques décennies d’un état d’esprit fataliste où le patient accepte, parfois à tort, le résultat d’une erreur ou faute médicale, vers un autre état d’esprit où le patient pointe, parfois abusivement, le médecin-traitant en l’accusant de faute grave », nous confie un chirurgien qui a souhaité garder l’anonymat. « Or, le médecin connaît par défaut le poids de la responsabilité qui lui incombe. Il n’est pas exempté d’erreurs, mais son travail est justement de limiter le risque au maximum », poursuit la même source.
 

Entre faute et aléa
 

« La situation actuelle pèse autant sur les patients que sur les médecins, surtout ceux qui travaillent dans le public. Il existe plusieurs cas où les patients ont considéré que le médecin était responsable de faits sur lesquels il n’avait aucun contrôle, qui sont plutôt de l’ordre de l’aléa thérapeutique, ou liés au manque de moyens et aux conditions déplorables dans lesquelles le médecin est obligé de travailler. Durant ces dernières années, nous observons même une recrudescence de cas où le ministère de la Santé accable un praticien pour une faute dont l’origine est à chercher du côté de la propre responsabilité et prérogatives du ministère », ajoute notre interlocuteur. Pour Dr Leila Ben Sedrine, professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat, « le ministère de la Santé s’intéresse beaucoup moins à la pratique médicale qu’à l’économie de la santé, les infrastructures, l’assurance-maladie, etc. Pourtant, son rôle est le contrôle, l’investigation et l’inspection afin d’assurer les conditions nécessaires à des soins de qualité ».
 

Réglementation et réalité
 

La juriste, qui est par ailleurs pionnière en matière de droit médical marocain, estime cependant que les médecins manquent souvent à leur obligation d’informer les patients sur les enjeux des traitements, mais également sur les risques. « Le patient est le plus souvent confronté à la complexité et à la protection insuffisante du droit de la responsabilité. Il est le maillon faible dans un contexte où subsiste un décalage entre la réalité et la réglementation au niveau de l’application », explique-t-elle, ajoutant que beaucoup reste à faire afin de parvenir à « une harmonisation et un équilibre dans les obligations et les droits des praticiens de la santé et des patients ». Pour la juriste, cet objectif passe obligatoirement par l’amélioration des capacités des juges, des conditions nécessaires au développement de la jurisprudence, et des garanties sur l’impartialité des experts au niveau des tribunaux. « Les médecins privés aussi bien que le ministère de la Santé devraient également contracter des assurances dédiées à couvrir les cas de fautes médicales », conclut Dr Ben Sedrine (voir interview).
 

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