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Il y a 71 ans, des soulèvements dans les carrières centrales agitaient Casablanca

Bien que d’aucuns s’accordent à les appeler « les soulèvements de décembre 1952 », les émeutes incendiaires et sanglantes qui ont secoué Casablanca, en cette année, furent le paroxysme d’une suite tragique de révoltes qui n’avaient que trop duré au Maroc et au Maghreb.
 
De prime abord, et pour comprendre les conséquences de ces événements, un zoom-arrière sur leur cause principale s’impose : en Tunisie, Farhat Hached, héros syndical et nationaliste tunisien, est assassiné le 5 décembre 1952 près de Radès. Selon moult historiens tunisiens et maghrébins, ce leader indépendantiste a été assassiné par la Main rouge, une organisation armée défendant la présence française dans ce pays.
 
Dès l’annonce de sa mort par les médias, une marée humaine a noirci toute la Tunisie, et tout le Maghreb. Le lendemain, l’Union générale des syndicats marocains, en accord avec le parti de l’Istiqlal, a revendiqué une grève générale pour protester contre cet acte odieux pour ne pas dire ignoble. Aussitôt dit, aussitôt fait : les 7 et 8 décembre Casablanca était à deux doigts de l’apocalypse.
 

Une ville aux relents apocalyptiques

 
Au regard de la France, l’image des vives réactions, qui se sont propagées dans ses pays protégés aux deux autres, était trop caricaturale pour être ignorée. Mais à peine a-t-elle eu le temps de faire une réflexion pareille que des manifestations pacifiques ont dès le 7 décembre rempli Casablanca, Rabat, Fès, Marrakech, Agadir et pas seulement.
 
Mais c’est à la Cité blanche du Royaume que les émeutes ont pris de grande ampleur débordant la Légion étrangère et l’armée. Lesquelles ont eu le piètre réflexe de tirer à bout portant sur les manifestants, causant de cent à trois cent morts, selon les historiens. Le résident général au Maroc dissout l’Istiqlal et en arrête les leaders. De nouvelles échauffourées ont émaillé l’été 1955 dans cette même ville et se sont multipliées dans tout le Maroc, puis elles ont été reprises de plus belle en 1965, ainsi qu’à Casablanca en juin 1981.
 

Les coulisses des événements de Fès

 
Jusqu’en 1947, la ville de Fès avait été le théâtre essentiel de l’agitation sociale dans le Protectorat marocain, mais Casablanca était alors la ville où la périodicité et la sévérité des incidents étaient les plus importantes.
Elles interviennent dans un climat de transition sociale qui voit le relais des revendications de réformes politiques à la violence du mouvement nationaliste contre l’ordre colonial.
 
En octobre 1951, des représentations arabes à l’ONU reprochent à la France de contrevenir aux principes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration des Droits de l’Homme au Maroc, mais leur démarche est écartée par 28 voix contre 23, les États-Unis s’y étant opposés. La démarche est mal accueillie par le ministre Robert Schuman, qui s’en indigne et estime qu’il fallait trouver, vaille que vaille, une issue de secours à ce qu’endurent les Marocains.
 
La demande des Etats arabes à l’ONU est néanmoins réitérée en 1952, tant pour le Maroc que pour la Tunisie, et cette fois les Américains consentent à la soutenir, en contrepartie de quoi les résolutions sont formulées sur un ton ferme mais modéré, invitant à des pourparlers « en vue de l’accession des Tunisiens à la capacité de s’administrer eux-mêmes » et « en vue de développer les institutions politiques libres du peuple marocain ».
 
Ces interventions à l’ONU ont, selon les responsables français, conforté « les fauteurs de troubles à Tunis » comme à Casablanca, alors que les syndicats et partis marocains ont mis l’accent sur l’impact maghrébin de l’assassinat du leader tunisien Ferhat Hached à la veille du premier jour d’agitation.
 
Le 26 mars 1952 aux aurores, sans recevoir le moindre signe de Paris, le Résident de Hauteclocque fait déporter Chénik et trois autres ministres du gouvernement tunisien pour les faire remplacer par le pro-français Baccouche, dans une politique que les historiens ont qualifiée de « coup de force et de fait accompli » et qui a aggravé le climat social non seulement en Tunisie, mais aussi au Maroc.
 
Le 30 mars 1952, quatrième jour du quarantième anniversaire du protectorat marocain, des manifestations avec drapeaux se multiplient dans toute la ville, causant bris de glaces, blessures et tirs de mitrailleuses. Comme une bouteille jetée à la mer, ces cris de détresse et appels au secours ont été relayés partout au Maghreb.
 
Dans le Protectorat tunisien, le plan proposé par le Premier ministre français Antoine Pinay est écarté par les Tunisiens et, à la mi-novembre 1952, les questions marocaine et tunisienne sont soumises à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations Unies.
 
 

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