ActualiteL'Opinion

Le Maroc tire-t-il profit de ses ALE ? [INTÉGRAL]

 
En 1991, le Maroc, qui cherchait à améliorer son intégration dans l’économie mondiale, négociait son premier accord de libre-échange (ALE) avec le pays de l’Oncle Sam, ouvrant ainsi une nouvelle page dans la politique commerciale du Royaume. Depuis le temps, le pays a enchaîné les accords, qui se comptent aujourd’hui par cinquantaine, générant quelque 400 milliards de dirhams de dividendes pour l’économie nationale. Un chiffre épinglé par moult experts et politiques, qui soulignent que les dispositions desdits accords sont en deçà des attentes, tout en appelant à leur révision. Car oui, l’essentiel des échanges commerciaux du Maroc se fait avec l’Europe et ceux-ci affichent un déficit commercial de 134,9 MMDH en 2022, soit une aggravation de 29,7% par rapport à 2021, selon les derniers chiffres de l’Office des Changes. Même son de cloche du côté des Etats-Unis ou encore des pays d’Asie, avec lesquels le déficit continue de se creuser. La mouture de certains ALE a bel et bien été révisée, à l’instar de celle de l’accord avec Ankara, afin de rééquilibrer ne serait-ce qu’en partie la balance, mais il n’en demeure pas moins que le manque à gagner reste abyssal.
 

Voir les ALE dans leur globalité !

 
Dans sa dernière intervention sur le sujet, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a indiqué qu’il faudrait évaluer ces ALE dans leur intégralité, ainsi que sur leur impact sur les investissements et la création d’emplois, plutôt que de s’en tenir uniquement au déficit de la balance commerciale. 99% des exportations du Royaume sont effectuées dans le cadre des ALE et leur révision «pourrait bien avoir des conséquences désavantageuses sur les 400 milliards de dirhams qu’ils génèrent, ainsi qu’aux 400 milliards de dirhams supplémentaires auxquels nous aspirons grâce à l’augmentation de nos exportations», avait avancé le ministre devant les députés, estimant que si ce marché n’était pas ouvert, le déficit serait encore plus important et la capacité du Maroc à attirer les investisseurs et à créer des emplois serait réduite. Un constat partagé par El Mehdi Ferrouhi, professeur d’économie et de finance à la Faculté d’Economie et de Gestion, Université Ibn Tofail de Kénitra, qui donne l’exemple des investissements directs étrangers (IDE) américains au Maroc, lesquels ont explosé depuis l’entrée en vigueur de l’ALE atteignant 90,77%, 50,57% et 38,89% en 2007, 2009 et 2010 respectivement.
 
 
 
Toutefois, si lors de l’établissement des ALE, le Maroc s’est fixé comme objectif la promotion des exportations et l’amélioration de l’attractivité du pays en matière d’IDE, logiquement, toute évaluation de ces accords doit faire le bilan sur la base de ce cadre référentiel. C’est ainsi que le ministre a défendu les accords tels que celui avec l’Union Européenne, qui donne accès à un marché de 500 millions de consommateurs, permettant au Maroc d’attirer des investisseurs «qui contribuent à la création d’emplois et, parallèlement, à l’augmentation de nos ventes sur ce marché». En témoignent les résultats obtenus dans des secteurs comme l’automobile et l’aéronautique qui se sont développés dans le sillage de l’ALE UE-Maroc et ont créé des dizaines de milliers d’emplois, bien qu’ils aient bénéficié d’un généreux soutien gouvernemental, via les zones franches, les parcs industriels, les exonérations fiscales… et la liste n’est pas exhaustive.
 
El Mehdi Ferrouhi appelle, cependant, à adopter plus de mesures favorisant le renforcement du tissu économique national, de sorte à rendre les sociétés marocaines plus compétitives, à la fois pour préserver leur position au niveau local et faciliter leur sortie à l’international.
 

Accords de nouvelle génération

 
Ceci dit, le Royaume explore l’éventualité de nouveaux accords avec d’autres pays, comme le Royaume Uni, le Brésil ou encore Israël, qui s’inscriraient dans une logique win-win. «Face aux entreprises israéliennes ou britanniques, je ne pense pas que nos entreprises puissent tenir tête dans des secteurs qui nécessitent des technologies de pointe, telles que l’industrie militaire, les fintechs, l’informatique, ainsi que les industries lourdes. D’où la nécessité de développer les secteurs où le Maroc dispose d’un avantage compétitif, tels que l’agriculture, la pêche, le secteur minier, les énergies renouvelables, etc.», souligne notre économiste, notant que les filières comme l’industrie pharmaceutique, l’automobile ou encore l’aéronautique, peuvent également être une source de valeur ajoutée pour le Royaume.
 
Mais pour ce faire, la prochaine mouture des ALE marocains devrait incorporer des dispositions favorisant la fluidité et l’expansion des chaînes de valeur entre les différentes parties, ainsi que leur extension vers des acteurs tiers, notamment en Afrique. Une attention particulière devrait être portée aux règles liées à l’investissement, la fiscalité, le transport, la douane, les normes, afin que le Maroc puisse tirer pleinement profit de ces accords et de leurs retombées en matière d’investissements. «Il faudrait promouvoir les IDE israéliens et britanniques, en veillant au transfert du savoir et de technologie», recommande Ferrouhi, notant que le Maroc dispose d’une forte infrastructure et d’une main d’œuvre qualifiée prisée par les investisseurs étrangers.
 
L’idée est d’avoir des ALE équilibrés et structurés de manière à maximiser les avantages pour les Marocains et ne pas seulement refléter des modèles abstraits, à l’instar de ceux conçus dans les débuts de l’actuelle décennie, au moment où le Maroc était dans une position désavantageuse.
 

Continuer la lecture

close

Recevez toute la presse marocaine.

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités dans votre boîte de réception.

Conformément à la loi 09-08 promulguée par le Dahir 1-09-15 du 18 février 2009 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, et d'opposition des données relatives aux informations vous concernant.

Afficher plus
Bouton retour en haut de la page