Les connaisseurs de ce dossier savent que les premières évocations d’apparitions de lions dans la nature ne datent pas d’hier. Le documentaire Amouddou a été le premier à réaliser une émission à ce sujet durant sa 14ème saison, diffusée fin 2022. « Nous étions en train de chercher des traces de la panthère, lorsqu’un de nos informateurs nous a contacté pour signaler qu’un homme avait observé un lion quelques mois auparavant. Nous avons naturellement fait le déplacement et c’est toute l’histoire de notre rencontre avec ce monsieur que nous avons relatée dans notre dernier épisode », explique Lahoucine Faouzi. En laissant aux lecteurs le loisir de retrouver l’épisode en question pour se faire leur propre avis, le producteur nous révèle en exclusivité que plusieurs autres cas de signalement de lion se sont ensuite succédés. « Quelque temps après, durant la préparation de la saison 15, nous avons rencontré une femme dans la région d’Anfgou qui a finalement accepté de nous confier qu’elle avait également vu un lion. Elle a même essayé d’imiter le rugissement qu’elle a entendu tout en décrivant les attributs de l’animal », poursuit notre interlocuteur.
La rédaction de « L’Opinion » a pu visionner ce témoignage en avant-première. Durant son échange avec l’équipe d’Amouddou, la septuagénaire écarte catégoriquement les espèces de prédateurs dont on lui montre les photos, pour désigner catégoriquement la photo d’un lion de l’Atlas. « Une autre observation nous a été directement contée par un couple qui vit dans la région d’Azilal. En sortant de sa maison à l’aube, l’épouse s’est retrouvée nez à nez avec un lion qui passait devant chez elle. Elle a perdu connaissance et son mari, qui est venu à sa rescousse, a également aperçu l’animal avant de verrouiller la porte et de tenter de réanimer sa femme», explique Lahoucine Faouzi. Il y a ensuite une autre observation faite par un jeune homme dans la région de Zaouiet Cheikh qui a été vérifiée sur le terrain par l’équipe d’Amouddou. « A chaque rencontre, nous vérifions systématiquement les témoignages, mais également la crédibilité des interlocuteurs. Ceux que nous avons rapportés proviennent tous de personnes honnêtes et respectées dans leurs communautés qui n’ont d’ailleurs rien à gagner de crier au lion », précise le producteur.
Onde de choc
« Deuxièmement, les animaux aussi imposants et charismatiques que le lion ne peuvent généralement pas passer totalement inaperçus pendant une si longue période. Si des lions sont restés dans la région, leurs peaux, leurs crânes ou leurs os auraient probablement été retrouvés dans les villages locaux ou sur les marchés. Enfin, dans le cas où un lion serait effectivement retrouvé dans la région, il est beaucoup plus probable qu’il s’agisse d’un individu qui a été relâché (ou échappé de captivité) par des particuliers (riches et influents), plutôt qu’un individu issu d’une population sauvage de lions de l’Atlas », poursuit la même source. Pour Lahoucine Faouzi, « si la piste du lion se confirme, il n’est bien évidemment pas exclu qu’il s’agisse d’un animal échappé de captivité. Cela dit, notre conviction est que la possibilité de survie d’une population relictuelle au Maroc est réelle. Notre travail de terrain nous a permis d’identifier plusieurs témoignages qui rapportent des observations de lions après la période que les scientifiques ont fixée comme délai maximal à l’extinction de l’espèce, c’est-à-dire 1960 », répond Lahoucine Faouzi.
Le producteur donne l’exemple de la récupération par les forestiers d’un lionceau à l’état sauvage dans la région d’Ain Leuh en 1970. L’animal a été remis au jardin zoologique de Témara et a fini sa vie sous le petit nom d’«Ito». De même, notre interlocuteur nous livre un témoignage qu’il a recueilli au hasard de pérégrinations pour le tournage d’un épisode sur la vie des populations dans les zones d’altitude, du côté du Haut Atlas Oriental. « Un octogénaire respectable nous avait raconté spontanément qu’il avait observé un grand lion mâle durant la période 1987-1988.
L’homme explique qu’il avait eu la frayeur de sa vie alors qu’il surplombait le grand félin qui s’éloignait en aval près d’un Oued», poursuit la même source qui insiste sur le fait que les populations ont souvent tendance à ne pas donner trop d’importance au partage de ces observations avec les scientifiques. Nous avons donc ces observations qu’on peut également ajouter au fait que notre pays continue d’héberger des zones assez larges, d’habitats sauvages très difficiles d’accès, où perdurent des proies qui suffiraient au maintien d’une population de très grands prédateurs», estime Lahoucine Faouzi.
L’ANEF rassure
Le communiqué de l’ANEF, diffusé mardi après-midi et repris par plusieurs médias électroniques, précise que «les empreintes découvertes dans les espaces naturels limitrophes ont été identifiées comme appartenant à des spécimens de la famille de canidés, probablement un chien ou un loup doré d’Afrique du Nord. Par ailleurs, l’autopsie effectuée sur une agnelle à Oulmès, présumée avoir été attaquée par le lion selon les témoignages locaux, a révélé que les traces de morsures ne correspondaient pas à celles d’un lion. Elles sont relativement petites, écartant ainsi toute implication de la part d’un félin de grande taille et correspondant plutôt à un canidé». Nos sources dans la région nous confirment que les activités de ratissage de terrain se poursuivent encore au moment de l’écriture de ces lignes. L’ANEF semble écarter la piste du lion dans son communiqué, mais confirme cependant que ses équipes «continuent leurs prospections sur le terrain et restent attentives à tout témoignage ou observation d’animaux sauvages en vue de vérifier leur véracité et agir en conséquence». Que faut-il conclure de tout cela ? Pour paraphraser un célèbre dicton, nous préférons donner notre langue au Lion et laisser le soin des conclusions aux suites de l’enquête. Affaire à suivre.