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Une filière qui a du mal à regermer [INTÉGRAL]

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Haricots secs, fèves, féveroles, petits pois, lentilles, pois chiches… Les légumineuses sont célébrées à travers le monde le 10 février 2024 au vu de leur importance pour l’alimentation humaine, ainsi que pour leurs multiples avantages. Cette date symbolique, désignant la Journée mondiale des légumineuses, coïncide au Maroc avec les fameuses « Liali » (40 nuits les plus froides de l’année), où le bon bol de « Bisara » aux épices et à l’huile d’olive est particulièrement prisé pour se nourrir et se réchauffer. Dans quelques semaines, l’avènement du Ramadan est également synonyme de hausse de consommation de certaines légumineuses, qui ne manqueront pas de se retrouver d’une manière ou d’une autre sur les tables de ftour. Prisées et très consommées dans notre pays, les légumineuses sont pourtant de moins en moins cultivées. « Le Maroc est passé d’exportateur important de légumineuses à importateur net pour ces denrées alimentaires centrales », regrette Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER).
 

Légumineuses et céréales

Pire, la culture des légumineuses est en nette régression au niveau national, en dépit de son importance et son impact positif sur la culture des céréales. « Dans la pratique de la culture céréalière qui se fait dans les règles de l’art, l’agriculteur fait un assolement en alternant une année de production céréalière avec une autre où il cultive des légumineuses ou des oléagineuses. Dans le pire des cas, pour bien gérer la productivité de son sol, l’agriculteur fera une jachère. Avec le recours aux légumineuses, qui enrichissent naturellement le sol en Azote, l’agriculteur est gagnant puisque cela lui permet d’utiliser moins d’intrants azotés pour les céréales durant l’année suivante », explique Rachid Benali, notant que les agriculteurs préfèrent laisser les sols en jachère plutôt que d’opter pour les légumineuses. « Le nombre d’agriculteurs qui continuent à cultiver des légumineuses est actuellement extrêmement bas. Cela s’explique simplement par le fait qu’en optant pour cette culture, ils ne s’en sortent pas ! », s’exclame le président de la COMADER.
 

Main-d’œuvre

Notre interlocuteur énumère plusieurs raisons qui expliquent l’irrémédiable désagrégement de la culture des légumineuses au niveau national. « Les légumineuses ont besoin d’une main-d’œuvre importante. Or, cette main-d’œuvre est devenue rare et très coûteuse. Dans certaines régions, elle n’est même pas disponible. Ajoutez à cela que cette main-d’œuvre a perdu en productivité puisqu’il faut deux ouvriers pour faire le travail qu’un seul ouvrier pouvait assurer dans le passé », explique notre interlocuteur. A cet aspect, s’ajoute une autre problématique qui touche toute la filière agricole nationale, à savoir la rareté de l’eau. « Comme les céréales, les légumineuses ont besoin d’apports en eau. La rareté de cette ressource stratégique, la baisse de sa disponibilité, ainsi que la faible pluviométrie dont souffre notre pays contribuent directement à la problématique des légumineuses. Le peu d’agriculteurs qui continuent à cultiver des légumineuses souffrent en ce moment même de ce déficit en eau », poursuit la même source.
 

Concurrence imbattable

La baisse de production des légumineuses au niveau national s’explique par ailleurs à travers un autre facteur. « Les agriculteurs marocains qui cultivent des légumineuses ne s’en sortent plus tout simplement parce qu’ils doivent faire face à une concurrence impossible à battre. Cette concurrence est due aux accords de libre-échange que le Maroc a établis, surtout celui que nous avons avec l’Egypte. Les légumineuses provenant de ce pays arrivent dans nos marchés à des prix très bas et contre lequel les agriculteurs marocains ne peuvent pas être compétitifs dans l’état actuel des choses », explique M. Benali (voir interview). Une situation inquiétante au vu de la centralité de la filière des légumineuses, autant pour la production céréalière que pour l’alimentation (humaine et animale) et la sécurité alimentaire nationale. Pensez-y lorsque vous dégusterez votre prochain bol de Bisara.

 

 

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