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Des organisations secrètes à l’engagement militaire

Au milieu du conflit avec la France coloniale, certains membres de la résistance nationale à Casablanca étaient convaincus que l’approche politique étroite et pacifique contre l’oppression coloniale était inutile. C’est ainsi que depuis 1949, Abdellah Sanhaji et certains de ses camarades avaient réussi à former une organisation secrète baptisée «l’Union du Sud» (Ittihad Al Janoub). Une organisation qui était le véritable représentant des cellules secrètes de la résistance et qui avait été formée à l’insu du parti Istiqlal.

Mais avant que l’information parvienne à cette formation politique, le parti ordonne à Bennacer Harakat et Ben Moussa Najjar de prendre contact avec Hamido Ben Fares El Messfioui. Les deux membres de l’Istiqlal devaient aussi se réunir avec le conseil de «l’Union du Sud» et de l’informer de la décision du Parti de l’Istiqlal de dissoudre cette organisation, rapporte Abderrahmane Abbdellah Sanhaji dans «Mémoires sur l’histoire du mouvement de résistance et de l’Armée de libération, 1947-1956).

Les cellules secrètes maintenues au grand dam de l’Istiqlal

Abdullah Sanhaji acceptera de dissoudre l’organisation et de verser tout son argent au Parti de l’Istiqlal. Cela était justifié par la nécessité de maintenir les cellules secrètes vivantes et éloignées des organisations partisanes. L’autre raison était la volonté d’éloigner tout soupçon sur la personne de Hamido Ben Fares El Messfioui, l’un des dirigeants de «l’Union du Sud» et qui était connu du colonisateur. Il était même arrêté à chaque fois qu’un incident se produisait à Casablanca.

Mohammed Ben Ali Zarktouni figurait parmi les dirigeants à qui on avait confié les ordres partisans de dissoudre cette organisation, fondée afin de lutter contre la colonisation française et espagnole et leurs relais, et à leur tête Thami Glaoui. Cependant, la rencontre entre Sanhaji et Zarktouni aura des résultats contraires aux directives du Parti Istiqlal. Il a été même convenu de la nécessité de mettre en place des organisations clandestines secrètes pour les cellules de résistance armée, particulièrement à Casablanca et généralement au Maroc et ce, sans compter sur les membres des organisations partisanes qui pensaient que le dialogue était le seul moyen de discuter avec le colonisateur, poursuit Abdallah Sanhaji.

La lutte armée commencera alors avec trois pistolets : un revolver appartenant à Zerktouni et deux pistolets achetés par Sanhaji à un juif marocain en 1947. Un centre secret pour l’organisation avait alors été créé avant de procéder à la formation des résistants à l’utilisation des armes à Derb Qriâa, au sein de la maison de Hajj Omar El Baamrani. La résistance armée apprendra aussi à fabriquer des bombes artisanales.

S’en suit l’apparition d’autres groupes clandestins prêts à prendre les armes. Le premier groupe sera dirigé par Mohamed Ben El Haj Mansour El Hrizi et Ajar Mohamed El Manouzi Soussi alias «Said Bounailate». Le deuxième, à Derb El Kabir, sera dirigé par Maghfour Rahal et Adnan El Houcine alors que le troisième groupe sera dirigé par Lahcen Salhi et Mohamed Ben El Houcine Soussi et le quatrième par Hassan Ben Abdellah Ech-Chatmi. Ces groupes fusionneront par la suite pour former «Le centre secret à l’Hermitage».

La naissance de la quatrième direction de la résistance

Le 1er janvier 1954, le colonisateur découvre le centre de résistance situé dans la vallée d’Ikem, dans la banlieue de Rabat, ce qui entraîna l’arrestation de nombreux combattants de la résistance, dont des fondateurs de cellules armées à Casablanca. D’autres, actifs à Rabat, seront aussi interpelés. Le 18 juin 1954, le martyre Mohamed Zerktouni, démasqué et sur le point d’être arrêté, choisira de se suicider en avalant du poison au lieu de révéler les secrets de la résistance. Un grand nombre de combattants rejoindront le nord, après y avoir été exposés.

C’est ainsi que sera formée la quatrième direction de la résistance par Bouchaib Doukkali, Said El Manouzi Soussi, El Madani El Moghrani El Ouarzazi et Mohamed El Bachir El Figuigui et qui seront rejoints par Mohamed Ben Abdellah alias Abbas El Messaâdi suite à sa sortie de prison, poursuit Abdellah Sanhaji dans ses mémoires.

Mais l’émigration des résistants vers le nord du pays se poursuivra. A la recherche d’une solution aux souffrances causées par l’intensification de l’oppression et du siège imposé par les forces coloniales, ils seront convaincus de la nécessité de transférer le travail à la campagne et dans les montagnes.

De son côté, Abbas El Messaâdi s’engagera, en 1949, dans les rangs du Parti de l’Istiqlal à l’âge de 30 ans avant de devenir, en 1952, l’un des membres actifs de cette formation politique. Mais il sera arrêté en 1953, accusé d’hostilité à l’égard du régime colonial et soumis à torture brutale pendant plus de 22 jours. Le colonisateur ne parviendra toutefois pas à décrocher une confession ou de déclarations pour piéger ses camarades. Cette ténacité a suscité l’admiration parmi les résistants et chez les martyrs Mohamed Zerktouni et Ibrahim Roudani.  

Abbas El Messaâdi, cerveau et coordinateur de l’ALM au nord du Maroc

Après sa libération à l’été 1954, El Messaâdi prend le commandement de «L’organisation secrète» et opérera sous le nom de «Yamni» après le suicide de Zerktouni et les arrestations répétées dans les rangs de la résistance.

El Messaâdi se réfugie ensuite à Tétouan en 1955, aux côtés des autres figures de la résistance puis à Nador le 23 juillet 1955, à la demande du groupe de Tétouan et celle d’Abdellah Sanhaji. Ce dernier, arrivé à Nador le 7 juin 1955, le choisira pour se charger de la direction de la résistance, comme le rapporte Mohamed Khouja dans «Abbas El Messaâdi, l’arbre qui cache la forêt de l’Armée de libération» (Edition Abou Rakrak pour l’impression et l’édition, 2011).

Le résistant tente par la suite de prendre contact avec les nationalistes du sud et de l’ouest du moyen-Atlas et notamment un officier au nom d’Omar El Meknouni alias Boyfaden, originaire de Khenifra ainsi que Khella Oualaid, habitué à voyager entre Casablanca, Takfelt, Ifni et Béni Mellai. C’est d’ailleurs ce dernier qui aura le mérite de mettre en contact El Massaâdi et les deux autres résistants, Dkhissi et Mimoun Aâkka Liyass et qui étaient sur le point d’organiser les cellules armées au nord-ouest du moyen-Atlas. El Massaâdi parviendra ensuite à rencontrer Aâkka Liyass dans la région de Lalla Chafya, près de Moulay Yaacoub, selon les mémoires du Mimoun Aâkka.

El Messaâdi entrera aussi en contact avec des cellules à Gueznaia et Imouzar Mermoucha, formée depuis 1951 et comprendra que leurs résistants cherchaient des armes. Un vide qu’il ne manquera pas de combler, démontrant ainsi la volonté absolue d’entamer la phase de résistance armée. Le résistant accélérera aussi la mise en place de nouvelles cellules, comme le rapporte Mohamed Khouja. Il ouvrira aussi une école pour former les membres de l’armée de libération marocaine aux guerres d’embuscades et sera épaulé par El Arbi Ben El Mehdi, Rahmani Mimoun et El Yeznassi, selon les mémoires de Sanhaji.

Aux côtés d’Abdellah Sanhaji et d’autres, El Messaâdi dirigera le quartier général de l’armée de libération marocaine à Nador jusqu’à sa démission, quelques jours avant son assassinat. Mais il avait réussi à tisser de nombreux liens avec plusieurs régions du Maroc et à l’étranger en dépit de ses différends et conflits avec plusieurs parties, dont le groupe Tétouan.


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