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Quand les FAR répondaient à l’«agression algérienne et polisarienne»

Si les autorités marocaines et algériennes préfèrent de nos jours mener des guerres par médias interposés, dans le passé, les coups, les armes et les affrontements étaient bel et bien réels. Après l’interminable guerre des Sables opposant le royaume à son voisin de l’Est en 1963 et juste après la Marche Verte de 1975, un autre affrontement éclair s’étalant du 27 au 29 janvier 1976, a opposé les Forces armées royales (FAR) à un bataillon algérien qui s’était installé à Amgala, à quelques kilomètres seulement de la frontière maroco-mauritanienne. Que s’est-il réellement passé tout au long du mois de janvier de l’année 1976, du moins selon la version marocaine ?

L’Oasis d’Amgala est situé au sud de la ville de Smara, à quelques kilomètres de la frontière maroco-mauritanienne. / Ph. Carte de Google Maps

Les versions divergent quant au déclenchement  de l’affrontement qui connaîtra un deuxième épisode, quelques semaines plus tard. Selon la version officielle, le Maroc menait, depuis la très réussie Marche Verte, plusieurs opérations pour récupérer son Sahara. Ce processus de récupération a d’abord commencé par les centres urbains, à l’instar de Laâyoune et Smara. Une fois ces centres récupérés, les FAR lancent l’opération baptisée «Assainissement» qui vise à progresser vers les zones frontières et chasser les milices du Polisario.

Agression ou simple déplacement pour «fournir de la nourriture aux réfugiés à Amgala» ?

Juste avant la bataille, le Maroc contrôlait la plupart des villes. L’Espagne venait, en novembre 1975, de signer un accord en vertu duquel l’ancien Sahara espagnol est partagé entre le Maroc et la Mauritanie. L’Algérie, qui joue un rôle dans le conflit malgré les démentis de ses dirigeants, est alors irritée. Le voisin du Sud tout comme le royaume sont alors harcelés, notamment par des bataillons algériens qui s’infiltrent au Maroc et au nord de la Mauritanie pour soutenir les séparatistes du Polisario. Des manœuvres qui déplaisent à Rabat.

Pendant déjà plusieurs jours du mois de janvier, un bataillon algérien se trouvait à 260 kilomètres de ses frontières, occupant l’oasis d’Amgala. C’est d’ailleurs à ce niveau que les versions divergent. Pour le voisin de l’Est, les soldats algériens se seraient déplacés pour «fournir de la nourriture et des fournitures médicales aux réfugiés à Amgala». Pour le Maroc, il s’agit d’une agression puisque les Algériens et des éléments du Polisario étaient armés jusqu’aux dents.

«Il (le gouvernement algérien, ndlr) concentra ses troupes à la frontière algéro-marocaine pour maintenir la région sous tension. Enfin, il infiltra son armée au Sahara occidental en vue d’appuyer les éléments du Front Polisario qui perdaient du terrain devant la pacification de tout le territoire par les armées marocaine et mauritanienne», écrivait Abdelkhaleq Berramdane, dans son livre «Le Sahara occidental, enjeu maghrébin» (éditions Karthala, 1992).

Selon lui, par ses opérations militaires limitées, l’objectif des dirigeants algériens était d’une part faire désavouer l’accord de Madrid par la communauté internationale et, d’autre part, amener l’Organisation des Nations unies à «arrêter ce dangereux processus de dégradation… [par] un retour à la légalité internationale». Une phrase que l’Algérie répète encore de nos jours pour évoquer le «droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination».

Des prisonniers algériens capturés dans le cadre de la première bataille d’Amgala. / DR

202 morts et 109 soldats algériens et polisariens capturés

Le soir du 27 janvier 1976, l’armée des FAR reçoit l’ordre d’intervenir. Selon des sources marocaines, ils étaient plusieurs centaines d’Algériens et de miliciens du Polisario impliqués dans la bataille. Après plusieurs longues heures d’affrontements, les ennemis se retirent le 29 janvier. Le Maroc aurait gagné ce premier épisode. «La bataille était assez chaude et on a dû affronter quelques 450 éléments algériens soutenus par d’autres éléments du Polisario. Après la bataille, les Algériens se sont retirés. Mais il y a d’autres points où l’armée algérienne serait installée», racontait le général Ahmed Dlimi, alors colonel des FAR. Quant au bilan, le Maroc évoquait deux des assaillants algériens sont morts et quatorze blessés, tandis que près de 200 autres ont été tués et 109 capturés. Le nombre de morts marocains n’a pas été communiqué officiellement.

La version algérienne avance, de son côté, que les affrontements avaient débuté le 22 janvier, en fin de journée, avec des échanges de tirs entre des militaires Marocains et Algériens. Le 23 janvier, ils sont six bataillons des FAR qui se rendent à Amgala pour l’encercler. Les Marocains, supérieurs en nombre, auraient récupéré l’oasis après cinq jours, soit le 30 janvier, à en croire la version du voisin de l’Est, qui parle de 201 soldats algériens tués et 102 prisonniers.

Le 14 février 1976, soit quelques semaines plus tard, l’Algérie tente de se venger en tendant un piège aux éléments des FAR qui perdent le deuxième épisode de cette guerre. Amgala est alors contrôlé par le Polisario jusqu’en mai 1977, date de sa récupération par l’armée marocaine, explique l’historien géorgien Alexander Mikaberidze («Conflict and Conquest in the Islamic World: A Historical Encyclopedia», éditions Abc-Clio, 2011).

La date marque par la suite le début de toute une série d’affrontement entre le Maroc et le Polisario, à l’instar de la bataille de Bir Anzarane (12 septembre 1979), la bataille de Smara (6 et 7 octobre 1979) et celle d’Ametti (1er mars 1980) avant le cessez-le-feu, signé par le Maroc et le Front Polisario en 1991.


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