Art & CultureAujourd'hui le Maroc

«Dans mes tiroirs, plusieurs manuscrits sont en attente de publication» – Aujourd’hui le Maroc

Questions à Abdallah Bensmain, auteur marocain

Entretien
L’écrivain, Abdallah Bensmain, vient de publier un livre intitule « L’écriture, la parole suivi de l’interviewer interviewé ». Une publication qui s’arrête, dans son avant-propos, sur certaines coulisses dans les entretiens de presse. L’occasion pour l’auteur, également journaliste et chroniqueur, de publier les interviews qui lui ont été accordées et celles qu’il a données.

ALM : Dans l’avant-propos, vous faites valoir votre position sur la publication d’entretiens avec différentes personnalités. Comment votre démarche peut-elle être prise pour exemple ?
Abdallah Bensmain : Ma démarche n’a rien inventé. Elle s’inscrit dans une longue tradition de l’entretien de presse qui se documente et privilégie l’analyse de la pensée de l’interviewé. C’est une forme d’entretien qui se construit sur le débat contradictoire : le journaliste ne caresse pas dans le sens du poil, il apporte la contradiction. C’est le contraire de l’entretien « people » où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil», une forme d’entretien où tout n’est que flatterie des égos et complaisance pour séduire. Ce type d’entretien qui prospère dans la presse « people » est conçu pour faire aimer et non pour amener à réfléchir.
La grande presse, en général politique et économique, a été contaminée à son tour, car elle permet un droit de regard sur les entretiens réalisés. Ce droit de regard est exercé par les agences de communication, les attachés de presse des hommes politiques et autres personnalités de l’économie qui font semblant d’ignorer que l’information n’est pas la communication.
La meilleure façon d’échapper à la «peoplisation» de l’entretien de presse est de refuser de faire relire par l’interviewé et ses communicants l’entretien réalisé. Un entretien relu et réécrit perd de sa force car, souvent, lissé sans retenue, ce travail de polissage pouvant toucher jusqu’aux questions du journaliste.
Cette pratique bien entendu ne touche pas la radio et la télévision, elle est exclusive à la presse écrite et électronique.
Il y a quelques années le New York Times avait interdit la préalable lecture des entretiens et Le Monde s’était octroyé le droit de ne pas publier les entretiens qu’il avait accepté de faire relire mais qui, réécrits, ne correspondent plus à sa ligne éditoriale et à la rigueur journalistique. D’autres exemples sont rapportés dans « L’écriture, la parole suivi de l’interviewer interviewé».

Vous consacrez une bonne partie de votre œuvre aux interviews avec feu Abdelkebir Khatibi. Pourriez-vous nous révéler les raisons de ce choix ?
Abdelkébir Khatibi est présent avec plusieurs entretiens dans « L’écriture, la parole suivi de l’interviewer interviewé » pour la simple raison que j’ai eu à l’interviewer à plusieurs reprises et sur des problématiques différentes. Sur un autre plan, j’étais dans une sorte de relation de maître à disciple avec Abdelkébir Khatibi en m’inscrivant dans la problématique des champs théoriques qu’il explorait : la sociologie, la psychanalyse et la sémiotique appliquées à la littérature et à des signes de la culture populaire comme le tatouage, par exemple.
Sa réflexion sur l’idéologie et les intellectuels a nourri ma pensée et sans «Le lutteur de classe à la manière taoiste», son recueil de poèmes inspirés du Tao, «Versets pour un voyageur» n’aurait pas vu le jour. C’est un recueil qui en reprend la structure formelle et se nourrit de «La conférence des oiseaux» de Attar et des contes des 1001 nuits, à travers les personnages de Sindbad et de Hassan Al Basri, notamment.
Abdelkébir Khatibi qui a édité « Versets pour un voyageur» à la Smer qu’il dirigeait a, par ailleurs, préfacé «Le retour du Muezzin», une fiction publiée en France.
Cette proximité intellectuelle avec Abdelkébir Khatibi, je ne l’ai développée avec aucun autre penseur ou écrivain sinon dans une moindre mesure avec Rachid Boudjedra à qui j’avais dit, en lui remettant une copie du manuscrit «Le retour du Muezzin» : «Si tu ne retrouves pas L’escargot entêté, c’est que je l’ai mal imité».

Auriez-vous des projets ?
Je vais vous surprendre : je ne travaille pas sur « projet ». Je suis quelqu’un qui a passé sa vie à écrire et qui passe son temps à écrire. Dans mes tiroirs, plusieurs manuscrits sont en attente de publication et, actuellement, je travaille sur la liberté de la presse au sens générique du terme. Il ne s’agit pas d’un travail sur la censure ou la liberté d’expression, mais sur la relation naturelle qui a toujours existé entre le pouvoir, au sens politique d’abord, et la presse qui remonte aux temps des messagers.
L’information au sens strict du terme n’a pas changé de nature, c’est le moyen d’acheminement de celle-ci qui a connu des révolutions avec les mutations technologiques qui ont, leur impact, certes, car, n’est-ce pas que, comme disait Marshall Mac Luhan «Le message c’est le médium».
Le Messager de Marathon, le crâne écrit de l’esclave, le rekkas, le poney express… appartiennent à cette histoire de l’acheminement des messages, comme le papyrus, l’imprimerie Gutenberg, avec ses évolutions, le télégraphe, le digital et internet à celle des révolutions technologiques.

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