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L’insoutenable chemin de croix des migrants

« Des conditions jugées difficiles à remplir ; des allers-retours aux commissariats de police ; incompréhension, malentendus et mauvaise communication avec l’administration ; un avenir incertain et une intégration difficile », tel est le quotidien d’un bon nombre de migrants régularisés en 2014 et 2016 qui ne peuvent plus bénéficier d’un renouvellement automatique de leurs cartes de résidence. C’est ce qui ressort d’un séminaire organisé le 28 novembre dernier à Rabat, par APIMA (Association pour la promotion et l’intégration des migrants au Maroc).   

Un durcissement qui a trop duré

Selon les participants à cette conférence organisée sous le thème : «Faciliter les conditions de renouvellement des titres de séjour au profit des personnes migrantes»,  le durcissement des conditions de renouvellement des cartes de résidence dure depuis 2018, particulièrement après la fin du confinement. En effet, à partir de cette période, les autorités ont exigé des migrants désirant renouveler leurs cartes de résidence de présenter obligatoirement un dossier complet constitué d’un contrat de travail, d’un bulletin de paie, d’un contrat de bail, d’un extrait du casier judiciaire, alors qu’auparavant, il suffisait de présenter un passeport en cours de  validité ou une pièce d’identité, une facture d’eau et d’électricité et l’adresse de la résidence de l’intéressé.

D’après plusieurs témoignages de migrants  présents lors dudit séminaire, ce sont les contrats de bail et de travail qui posent problème, puisque plusieurs de ces migrants habitent dans des quartiers populaires où les propriétaires refusent catégoriquement de leur fournir un contrat de bail ou une attestation d’hébergement. D’autant plus que plusieurs d’entre eux travaillent dans le secteur informel et n’ont pas de contrats de travail.

Certains considèrent que le véritable problème réside dans l’interprétation différenciée des pièces justificatives exigées d’une administration à l’autre, tout en mettant en cause l’humeur des fonctionnaires et leur appréciation par rapport aux pièces justificatives à fournir.  Nombreux sont ceux qui estiment que le « bon vouloir » des fonctionnaires est le facteur dominant et non pas les dispositions des textes de loi. 

Des conditions de renouvellement pénalisantes

Mais que dit la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières? En effet, ce texte explique que l’obtention ou le renouvellement  de la carte d’immatriculation ou la carte de résidence pour un étranger exige de  présenter les copies des pages du passeport de l’intéressé qui établissent son identité, le cachet et la date de son entrée au Maroc et le visa qui lui a permis d’entrer sur le territoire national, pour les étrangers soumis à cette procédure.

Ladite loi exige également un imprimé relatif à la demande de la carte d’immatriculation rempli en  deux exemplaires; six photos d’identité;  un contrat de bail, un certificat de propriété ou toute autre pièce justifiant la résidence permanente de l’intéressé au Maroc; un extrait du casier judiciaire; un certificat médical; la preuve des moyens de subsistance et un document justifiant la nature de l’activité exercée le cas échéant.

Appel à la refonte de la loi 02.03 et au renforcement du contrôle judiciaire des décisions administratives

Pour les participants audit séminaire, ces conditions, jugées pénalisantes, ne doivent pas les concerner puisqu’ils se considèrent comme des bénéficiaires des deux opérations exceptionnelles de régularisation des migrants en situation administrative irrégulière. Sans parler de ceux qui ont bénéficié de conditions allégées suite aux instructions Royales et à l’intervention de la Commission nationale de suivi et de recours, prévue par la circulaire conjointe encadrant le déroulement de l’opération exceptionnelle de régularisation.

Refonte de la loi 02.03

A ce propos, les migrants, réunis dans le cadre de ce séminaire, appellent  à une refonte de la loi 02.03 devenue, selon eux, un obstacle devant l’intégration des migrants notamment ceux vulnérables. Ainsi qu’à la simplification de la liste des documents demandés (contrat de  travail, CNSS, bail, facture d’eau ou d’électricité, compte bancaire…).  Une recommandation que partagent d’autres associations œuvrant pour la défense des droits des migrants, à savoir Gadem qui soutient vivement une réforme de la loi n°02-03 comme annoncé dans le cadre de la politique migratoire de 2013, en mettant en avant les points suivants : le renforcement du contrôle judiciaire afin  d’améliorer les décisions administratives en instaurant des voies de recours accessibles et effectives, assorties de délais raisonnables. Ces mécanismes permettraient aux personnes concernées de contester les décisions, tout en garantissant un examen approfondi de la légitimité des décisions sur les plans formel et substantiel.

C’est le cas également de la clarification de la notion de menace à l’ordre public en accordant une attention particulière à sa définition, afin de prévenir les abus de pouvoir et de limiter le recours excessif au pouvoir discrétionnaire de l’administration.

La question de la dépénalisation de l’entrée, du séjour et de l’émigration irrégulière a été aussi posée.  Gadem estime qu’il est impératif de reconnaître que le statut administratif des personnes ne constitue pas un délit et, par conséquent, ne devrait entraîner aucune sanction pénale. Ces infractions administratives devraient être résolues par d’autres moyens et contrôlées par des mécanismes alternatifs, évitant ainsi le recours à des mesures de privation de liberté.

Enfin, Gadem appelle à la simplification de la procédure d’octroi des titres de séjour et la régularisation des migrants en séjour irrégulier, afin de faciliter l’intégration des personnes et de simplifier leur accès aux droits fondamentaux. « Il est recommandé de rendre la procédure d’octroi et de renouvellement des titres de séjour plus accessible et efficace, et de prévoir des dispositions permettant la régularisation du séjour sous certaines conditions, y compris pour les personnes entrées irrégulièrement sur le territoire marocain », souligne un document de ladite association.

De leur côté, les membres de l’APIMA soutiennent, en outre, une implication forte de la part des représentations diplomatiques de leurs pays d’origine. Notamment au niveau de la délivrance des passeports puisque nombreux sont les ressortissants de pays subsahariens qui souffrent de la lenteur des procédures administratives ainsi que de la cherté des frais de renouvellement des passeports.

Ils exigent également l’arrêt de la mesure consistant à sortir du pays pour les personnes disposant de titre de séjour expiré, notamment pour les personnes qui n’ont pas les moyens de rentrer dans leur pays d’origine et de demander  un nouveau visa. A rappeler que plusieurs migrants se trouvent bloqués à cause de cette mesure.

Hasan Bentaleb 

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