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Triporteurs. Engins de la mort

Faut-il interdire les motos tricycles ? « Oui », c’est ce que laisse entendre une source officielle de l’Agence nationale de la sécurité routière ((NARSA), relayée par le site d’information Hespress. Selon cette source, les fréquents accidents de la circulation et le nombre élevé de morts sont attribués aux utilisateurs de tricycles qui demeurent une catégorie sans protection. En d’autres termes, cette catégorie contribue de manière significative à l’augmentation du nombre d’accidents et de morts, car elle est la plus exposée aux blessures graves par rapport aux utilisateurs de voitures et autres moyens de transport.

Engin à tout faire

Pour les personnes qui ne savent pas ce que c’est qu’un triporteur, également appelé « tricycle à moteur », il s’agit d’un type de véhicule à trois roues combinant les caractéristiques d’une moto et d’une petite voiture. Il est généralement conçu avec une plateforme à l’avant pour le conducteur, un moteur et une transmission similaires à ceux d’une moto, et un compartiment de chargement à l’arrière.

Les triporteurs sont souvent utilisés pour le transport de marchandises dans des zones urbaines densément peuplées, où ils offrent une solution pratique pour la livraison de colis et autres types de cargaisons. En raison de leur conception à trois roues, ils offrent une meilleure stabilité à basse vitesse par rapport aux motos traditionnelles.

Au Maroc, ces engins sont également utilisés comme moyen de transport des personnes. Précisément, comme alternative aux bus ou grands taxis, particulièrement dans les quartiers périphériques des grandes villes qui pâtissent d’un manque important de services publics. Pis, ces engins à trois roues servent parfois comme un moyen de transport scolaire pour les enfants ou les estivants pendant l’été. Sans parler des supporters des clubs de foot lors des matches. Certains chauffards sans scrupules osent même se déplacer entre les villes en risquant leur vie et celle de passagers irresponsables.

Du déjà-vu

Cependant, la sonnette d’alarme tirée par le responsable de ladite agence n’a rien de nouveau. En effet, et depuis leur mise en circulation au niveau national, ces véhicules n’ont cessé de provoquer désordre et anarchie, causant de multiples accidents et encombrements. D’autant que la NARSA est déjà intervenue sur ce sujet sans résultats probants. Une fois, en indiquant « que l’absence du permis de conduire des triporteurs est une infraction passible de sanctions en vertu de la loi 52.05 » et, une autre fois, en réaffirmant que les triporteurs sont destinés exclusivement au transport de marchandises et non pas de personnes.

L’obligation du permis de conduire et de la carte grise n’a pas changé non plus la donne puisque «les opérations de régularisation et d’identification ont échoué suite à la faible adhésion des concernés qui, à chaque fois, ne respectent pas les délais accordés par l’Etat sans parler des fraudes concernant la déclaration des papiers. En effet, il était prévu que leur situation soit en règle dès 2017 sachant que tous les triporteurs ayant une cylindrée supérieure à 50 cm3 doivent, selon la loi, disposer d’une carte grise, comme c’est le cas des voitures et motos. Cependant, l’obstination des propriétaires de ces engins complique les choses. Ils sont nombreux à refuser catégoriquement l’idée de régularisation en prétextant que les coûts du permis et de l’assurance sont onéreux», précise un média national.

Laxisme ou clairvoyance

Un état des lieux amplifié par le manque de volonté de la part des pouvoirs publics. En effet, attentisme et désœuvrement ont été les mots d’ordre. Sans parler de l’improvisation et du manque d’une vision à long terme comme en témoigne l’action de l’ancien secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, chargé du Transport, Najib Boulif, qui avait déclaré en 2017 « qu’aucune prolongation du délai d’immatriculation ne sera accordée après le 31 juillet de la même année », laissant ainsi un nombre important de véhicules tricycles hors la loi. « Une décision qui avait provoqué la colère des propriétaires des tricycles, du fait qu’ils considéraient que l’Exécutif ne se souciait pas de leur situation socioéconomique. Résultat : des milliers de personnes conduisent de tels engins sans permis, dont une grande partie ne respecte pas le Code de la route, causant des accidents graves », a relaté un média de la place.

A souligner aussi, en 2019, la mesure du ministre de l’Equipement et du Transport annonçant l’interdiction du transport des personnes à bord de ces véhicules, tout en menaçant d’infliger de lourdes sanctions aux contrevenants allant jusqu’à retirer leurs permis de conduire, qui est restée lettre morte.

« Il y a un laisser-aller de la part des autorités pour des raisons sociales. En effet, ces véhicules sont souvent la propriété de personnes précaires (jeunes désœuvrés, anciens prisonniers …). Idem pour leur clientèle souvent issue de classes pauvres et vulnérables. L’Etat ferme les yeux car il cherche la paix sociale », nous a expliqué un élu casablancais, en sollicitant l’anonymat. Et d’ajouter : « Pour certains, c’est leur unique moyen de gagner leur pain. Il faut rappeler qu’un bon nombre des utilisateurs de ces engins ont bénéficié de ces véhicules dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) ».

Que faire donc ? « Difficile de trancher vu la sensibilité de ce dossier », nous a répondu l’élu casablancais. « Ces engins jouent un rôle social et économique important notamment dans les zones périphériques des villes. Spécialement au niveau du transport des personnes et des marchandises. Ainsi qu’au niveau de la création d’emplois. Mais d’un autre côté, ils posent des problèmes sérieux concernant la circulation et la sécurité routière ».

Pour cet élu, cette question interpelle les politiques publiques locales, notamment celles en relation avec le transport, l’urbanisme, la lutte contre le chômage et les questions sociales. « Ce dossier n’est pas l’affaire d’une seule autorité, mais plutôt de l’ensemble des acteurs de la ville qui doivent réagir en proposant des alternatives sérieuses en matière de transport et de déplacement, ainsi que de création de postes de travail pour ces catégories vulnérables ».

Encore des blessés et des morts

Et dans l’attente d’une solution répondant à toutes les attentes, la NARSA a indiqué, toujours selon Hespress, que « jusqu’au mois de mai de cette année, 10.525 accidents physiques ont été enregistrés, faisant 297 morts, 734 blessés graves et 14.435 blessés légers ».

D’autre part, 113.625 est le nombre total d’accidents physiques enregistrés à la fin de 2022, des suites desquels 3.499 personnes ont été tuées, 10.929 grièvement blessées et 153.179 légèrement blessées.

A préciser que le nombre de décès d’utilisateurs de vélos motorisés entre 2015 et 2022 a augmenté de 31,14%, tandis qu’il a diminué au cours de la même période parmi les autres catégories d’usagers de la route de 22,47%.

Hassan Bentaleb

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