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Le pourquoi du «NON» catégorique des futurs médecins [INTÉGRAL]

La colère domine encore les esprits au sein des Facultés de médecine où les étudiants continuent de boycotter les examens en signe de mécontentement et de protestation contre l’accumulation de désagréments qui, jugent-ils, portent atteinte à leur parcours de formation. Depuis le 15 décembre, date de la première mise en garde actée dans un communiqué aux allures d’avertissement, les étudiants multiplient les sit-in au sein de leurs Facultés. En parallèle, nombreux sont les étudiants qui continuent de boycotter les stages dans les établissements hospitaliers en réponse à l’appel de la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et en pharmacie (CNEMEP).  Cet appel est jugé efficace puisque la quasi-totalité des étudiants (97%) y ont répondu favorablement. 

Bien que les deux ministères de tutelle (Enseignement supérieur et Santé) aient rassuré les étudiants en se disant ouverts au dialogue, les étudiants sont allés jusqu’au Parlement pour manifester publiquement. Ils rejettent en bloc la réforme du système de formation médicale que le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation prépare actuellement dans la discrétion. C’était une occasion de dérouler leur cahier de revendications qui dépasse la réforme. 
 

De nombreux griefs

Contactés par nos soins, plusieurs étudiants se plaignent de la “dégradation” de la qualité de la formation à cause de l’accumulation des difficultés. Ils redoutent l’encombrement de plus en plus visible dans les Facultés dont ils attribuent la cause à la hausse du nombre des étudiants admis en première année. Une hausse assumée par le ministère de tutelle qui veut augmenter le nombre de médecins formés chaque année pour pallier au déficit de ressources humaines, sachant que le Maroc manque actuellement de près de 32.000 médecins. Quand on leur allègue cet argument, les étudiants exigent que la hausse des effectifs soit accompagnée par un investissement plus conséquent dans les équipements et les infrastructures pédagogiques. En plus, ils critiquent sévèrement le manque d’encadrement et le déroulement des stages qui, selon eux, sont devenus lacunaires. 
 

Durée d’études : Le passage à six ans refait débat 

Le plus important pour les étudiants est que le ministère de tutelle revienne sur la réduction de la durée d’études à six ans, laquelle a plongé, surtout les étudiants du troisième cycle, dans l’incertitude. Une décision annoncée dès 2021 et actée dans un arrêté ministériel publié, le 13 mars 2023, dans le Bulletin Officiel. En vigueur dès l’année universitaire 2022-2023, cette mesure n’a pas été appliquée simultanément aux étudiants des 5ème et 6ème années. Ces derniers ont fini leurs études sous le régime de sept ans. Le problème s’est posé pour les promotions suivantes. 

Bien qu’accueillie favorablement par la majeure partie des doyens et des étudiants, cette réduction a fini par devenir suspecte aux yeux des étudiants qui n’ont pas encore une visibilité claire sur leur parcours en ce qui concerne les stages, et leur sort après la fin des études de médecine générale. Pour leur part, le ministère de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur estiment avoir répondu favorablement à la majorité des revendications des étudiants lors du cycle de réunions qui a eu lieu du 5 au 20 décembre avec les représentants des étudiants. Dans un communiqué conjoint publié le 18 décembre, les deux départements ministériels ont assuré que la réduction de la durée de formation d’un an ne portera nullement atteinte à la valeur et au prestige du diplôme. 
 

Communication défaillante ! 

La colère des étudiants est légitime, juge Allal Amraoui, député du Parti de l’Istiqlal, qui déplore que la réforme, si large soit-elle, soit réduite à la simple question de la durée d’études. Le député estime que cette mesure doit être expliquée et accompagnée d’une vision globale sur la refonte du système de formation. M. Amraoui reproche au ministère de tutelle l’absence de communication qui a fini par soulever des doutes chez les étudiants.

“Personnellement, je comprends cette colère qui s’exprime actuellement parce que les étudiants ont besoin d’avoir une idée assez claire sur l’architecture des nouveaux cursus, la composition des semestres, les nouveaux modules, et l’organisation des stages et de l’encadrement”, explique le député istiqlalien, précisant que “les étudiants ont besoin d’avoir une vision claire sur l’équivalence des diplômes issus de la nouvelle réforme”. Autant d’aspects, selon lui, qu’il faut expliquer avec une pédagogie irréprochable. “Il en va de l’avenir de la réforme qu’il ne faut absolument pas rater tant elle est vitale”, insiste-t-il. 
 

Formation : Nécessité d’une nouvelle gouvernance 

Le député estime que la confusion actuelle est révélatrice d’un problème de gouvernance de la formation dans l’ensemble des disciplines de la Santé. “Les dysfonctionnements ne datent pas d’aujourd’hui”, explique notre interlocuteur qui pense qu’il est temps de mettre fin à la bipolarité entre les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé dans la gestion de la formation médicale.  “Il est de l’intérêt de tous que la formation des médecins, comme l’enseignement de toutes les sciences de Santé, soit du ressort exclusif du ministère de la Santé en tant que département de tutelle”, exige le député qui plaide pour regrouper l’ensemble que le ministère de la Santé chapeaute la formation dans l’ensemble des sciences de la Santé (voir trois questions). 

 

Ce que l’on sait du nouveau système de formation 

Jusqu’à présent, les contours du nouveau système de formation ne sont pas tout à fait clairs. Les deux départements ministériels continuent d’y mettre leurs dernières touches, à en croire le communiqué du 18 janvier. On en connaît quelques nouveaux détails tels que l’introduction de nouvelles disciplines, dont la télémédecine et la simulation dans les techniques d’apprentissage. A cela s’ajoute une numérisation renforcée des contenus académiques. La tutelle promet d’améliorer l’équipement des Facultés de médecine et de pharmacie à travers le Royaume de l’ensemble des outils didactiques nécessaires. Une enveloppe de 1,7 milliard de dirhams est allouée à cet effet pour subvenir aux besoins durant la période 2022 -2026. Concernant l’encadrement, dont les étudiants sont insatisfaits, les deux départements ministériels concernés disent vouloir améliorer l’encadrement pédagogique en prévoyant d’agrandir davantage le corps professoral avec la création de 1900 postes budgétaires pendant la période susmentionnée. Concernant les stages, une commission hospitalo-universitaire sera créée. Il lui incombera d’accompagner les étudiants aussi bien dans l’encadrement pédagogique que durant les stages pratiques. 

 

 

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