Le président de Dar Si Hmad, Dr. Aissa Derhem, vivant à l’époque au Canada, a appris l’existence de cette technologie lorsque l’ONG Fog Quest venait de publier en 1989 les résultats de son premier projet construit au désert d’Atacama (au Chili). L’idée lui a semblé apporter une forte possibilité pour sa région natale, et étant donné qu’il avait passé toute son enfance dans les montagnes de l’Anti-Atlas, il connaissait bien la présence du brouillard. Dr. Derhem connaissait aussi toutes les souffrances causées par le manque d’eau, et la manière dont ce manque a freiné le développement de la région.
Juste après son retour au Maroc en 2000, et avec le conseil de Fog Quest et le soutien financier et technique du Dr Vicky Marzol, Université de la Laguna, Dr Derhem a installé la première unité de collecte de brouillard expérimental sur Boutmezguida.
Le moissonnage du brouillard est le nom donné à cette technique qui utilise un filet spécialement tendu entre deux pôles et qui attrape les gouttelettes d’eau présentes dans le brouillard. Grâce au vent qui le pousse, le brouillard traverse le filet, se condense, et tombe dans un contenant placé en dessous de l’unité. Goutte après goutte, la quantité d’eau devient conséquente. Cette technique peut être exploitée dans des régions où il y a peu, ou pas de moyens pour avoir accès à l’eau obtenue par les moyens conventionnels.
– Quelles sont les conditions requises pour monter un projet de ce genre, quitte à pouvoir l’étendre à toutes les régions du Royaume ? Et quels sites se prêtent le mieux à une telle implantation ?
Le brouillard est composé de gouttelettes d’eau (qui mesurent entre 1 μm à 40 μm) et ressemble aux nuages, sauf que sa base tend vers la terre. Il est donc plus présent dans les régions avec des climats tropicaux, tempérés et arides. Il y a, cependant, des types différents de brouillard ; le brouillard des vallées ou des régions costales est moins productif que celui trouvé dans les montagnes.
Après la fin de la partie pilote du projet qui avait établi la connexion à 5 villages, tous situés dans la commune rurale de Tnine Amellou, Kiadat de Tnin Amellou Tangurfa, province de Sidi Ifni, aujourd’hui, nous sommes à 16 villages, 2 écoles rurales, 5 mosquées et une école traditionnelle et nous continuons à grandir et servir plus de villages avec l’eau de brouillard.
Pour ce projet en particulier, il y a de la recherche en cours pour améliorer le rendement des filets en travaillant sur le matériau dont ils sont faits. Il y a aussi le projet de R&D sur l’exploitation du brouillard côtier. Nous faisons une veille technologique pour suivre les progrès des recherches sur la récolte d’eau de brouillard et l’humidité en général.
Nous continuons à faire du monitoring et des enquêtes sociologiques afin de faire le suivi et d’évaluer comment la « livraison » de l’eau change la vie de ces communautés de l’Anti-Atlas.
– Quelle est la moyenne de consommation d’eau de la communauté et combien d’eau sera fournie à partir du système de collecte de brouillard ?
En se basant sur les conclusions d’études qui évaluent l’impact de la livraison de l’eau dans les ménages, les femmes se sentent plus soulagées, il y a moins de dégradation naturelle, et moins de maladies transmissibles par l’eau.
– Combien de personnes de la communauté sont impliquées dans le projet de collecte de brouillard ?
Mais, surtout, nous avons travaillé avec les femmes afin qu’elles gardent leurs rôles ancestraux de gardiennes de l’eau et nous continuons nos projets éducatifs au profit des enfants, à travers l’école de l’Oasis et aujourd’hui la Ferme Brahim Agdal Id-Aachour.
– Que suggère cette solution en comparaison avec les autres dispositifs conventionnels ?
Grâce à notre programme WASH (eau et hygiène), ateliers d’éducation-mobile, atelier de plomberie, et notre proximité constante avec la population, nous avons offert des formations en gestion et sauvegarde des ressources. Les communautés utilisent donc cette source avec la conscience que cette eau a une valeur ajoutée : elle provient d’une source singulière qui est le brouillard.
Dar Si Hmad a construit toute l’infrastructure, les canalisations et le raccordement de tous les douars pilotes. Le projet a aussi permis la mise en place de maints ouvrages et équipements hydrauliques, comme l’aménagement de trois pompes immergées et trois locaux techniques de pompage dotés d’équipements, cinq réservoirs et quatre stations de reprises (maçonnerie, enduit étanche, vidange, conduite gravitaire avec compteur, manomètre, Ballon hydrophore), trois forages de profondeur, chacun de 120 m, 200 m et 236 m, six citernes de stockage d’une capacité totale de 1017 m3, des conduites de refoulement de diamètre 63 mm et 50 mm, des conduites de distribution de diamètres 75, 50, 40 et 32, des regards équipés de vannes de sectionnement, ventouses et réducteurs de pression et 134 compteurs individuels (prépayés).
– Est-ce que Dar Si Hmad a des ambitions pour étendre ce projet et quelles sont les aspirations actuelles de l’association et ses perspectives d’action ?
Nous espérons agrandir notre projet en ajoutant de nouveaux villages, et donc plus de filets, et nous espérons aussi que les pouvoirs dans l’ensemble des pays puissent prendre cette ressource au sérieux car elle permet une autonomie locale.
Nous souhaitons agrandir et servir toute la circonférence de la montagne et offrir notre savoir-faire et expertise là où elle serait demandée. Nous venons de recevoir un financement important pour étendre le projet et inclure 8 nouveaux villages de la part de Dubaï 2020. Et nous avons aussi effectué des transferts de connaissances avec des associations d’autres régions qui, comme les Ait Baâmrane, souffrent de manque d’eau.