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Récit d’un calvaire aux coeurs des villages sinistrés

“L’essentiel c’est que vous soyez saints et saufs. La maison, on s’en fiche complètement. Dieu ne vous abandonnera pas”, répond Fatima, les larmes aux yeux, au téléphone à ses proches dont la maison s’est effondrée dans un village près d’Amizmiz. Une zones à proximité de Marrakech qui a été sévèrement impactée par le séisme qui a frappé le Royaume. 

Mère de deux enfants, Fatima, accompagnée de sa fille, a pris le chemin vers la commune d’Ijoukak où habitent ses parents. Le visage hagard qui reflète une vive anxiété, Fatima peine à joindre au téléphone tous ses proches, dont certains ont perdu leur domicile.
 
La crainte redouble lorsque sa cousine ne décroche pas son téléphone. “Mon dieu, épargnez-nous des nouvelles macabres”, a-t-elle lâché dans un gémissement émouvant. 

Partout, en traversant la route qui relie Marrakech à Taroudant, les images se répètent. Des petits  villages, situés dans le haut des montagnes, sont visiblement ébranlés.  Tout au long de ce chemin éprouvant, on aperçoit de petits bourgs éloignés dans un état critique. « Dans certains endroits, on peine à trouver des maisons intactes », nous explique Mohammed, originaire d’un village situé à une vingtaine de kilomètres qui est parvenu à se rendre à Ijoukak pour se procurer des produits alimentaires.  Les familles éparpillées sur la route sont visiblement sous le choc, elles peinent à croire ce qui vient de leur arriver. Les automobilistes qui passent s’arrêtent pour leur donner des vivres. 

Désengorger des routes dégradées 

Depuis le tremblement meurtrier, les opérations de secours se poursuivent. Mais le défi reste de taille, tellement l’accès aux villages est une mission ardue. Le chemin est jonché d’épines, comme c’est le cas de la route régionale qui relie Marrakech au village de Talat N’Yaaqoub, qui s’étend sur une soixantaine de kilomètres. Une route périlleuse par laquelle les équipes de sauvetage et les convois humanitaires peinent à passer rapidement. De Marrakech à ce village sinistré, il faut en moyenne près de cinq heures de trajet en voiture. 

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Pour cause, les multiples embouteillages sont dus aux blocages récurrents. Parfois, la circulation s’arrête pendant plusieurs minutes le temps pour les équipes de travaux publics de débarrasser les pistes  des pierres éparpillées ici et là et rétablir la circulation. Malgré l’ampleur des obstacles, les équipes, munies de bulldozers, parviennent à mener à bien les opérations de terrassement à chaque zone de blocage. 

Dans ces tronçons montagneux, le séisme a provoqué des éboulements de grande envergure à tel point qu’on ne peut parcourir quelques kilomètres sans buter sur les pierres parsemées le long du chemin. Parfois, des chutes de pierres ont lieu au grand malheur de quelques automobilistes malchanceux dont les véhicules ont été percutés.  

En même temps, les encombrements ont été tels que les éléments de la Gendarmerie royale se sont déployés en urgence et en grand nombre pour encadrer et faciliter la circulation. La mission est tellement difficile qu’ils sont secondés par des bénévoles. La priorité est accordée aux ambulances et aux équipes de sauvetage auxquelles tout le monde cède le passage. La file est immense, des automobilistes venus des différents coins du Royaume, pourvus de grandes quantités d’aide alimentaire, s’impatientent d’arriver dans les zones sinistrées. Chacun a sa capacité d’endurance. Alors que certains se contentent de s’arrêter après 30 kilomètres de route, d’autres vont jusqu’au bout de leur trajet, quitte à passer toute la journée à s’arrêter à intervalles réguliers.  

La priorité au désenclavement 

Pour les autorités déployées sur place, libérer l’accès aux villages sinistrés est une priorité absolue, nous explique un responsable sur place que nous avons rencontré lors d’un embouteillage, ajoutant que les équipes déployées ont reçu des instructions pour accélérer autant que possible les opérations de débrayage. “Il faut faciliter le passage des convois humanitaires, plus on fait vite, plus cela sera bénéfique aux populations sinistrées”, poursuit le responsable, débordé par les coups de fils. Grâce à l’intervention des hélicoptères, des ponts aériens ont été établis vers des villages isolés. 

Des villages endeuillés, des scènes macabres !

À Talat N’Yaaqoub, la situation est émouvante. Une ambiance endeuillée et morose y règne. La vie semble s’arrêter dans ce village situé entre Marrakech et Taroudant. Les dégâts sont tellement énormes que ce petit village n’est plus reconnaissable à ses habitants, dont plusieurs ont au moins un proche qui a perdu la vie ou qui a encore disparu sous les décombres. 

Pas un coin n’a été épargné. Même la Maison de jeunesse, celle de l’étudiant et  l’Agence d’Al-Barid Bank ressemblent à des bâtiments ciblés par des tirs de missile. Tout au long des rues, on croise des maisons totalement rasées dont il ne subsiste que des décombres. 

De l’autre côté, des foyers ont pu résister au tremblement mais non sans dégâts. Des fissures énormes y sont perceptibles. Leurs propriétaires préfèrent se réfugier à l’extérieur plutôt que de rester dans leurs foyers aux plafondx fissurés, le risque d’effondrement étant toujours probable. “Je suis là depuis deux jours, je dors à l’extérieur”, nous confie Abderrahman, 70 ans, qui avec sa famille ont trouvé refuge dans un jardin à côté de leur maison. Pour leur part, les autorités sur place ont  installé des tentes mises à la disposition des personnes sans abri comme on peut s’en apercevoir dans d’autres villages.  Les autorités, comme les bénévoles, ramènent des couvertures et des vivres soit par voie aérienne, soit par voie terrestre, selon l’emplacement de la zone concernée. 

Au centre du village, dans une vaste étendue, un terrain de football a été transformé en une sorte de quartier général des éléments des Forces Armées Royales  et des équipes de sauvetage. De là, les blessés sont évacués après avoir été tirés des décombres. Les opérations sont, tout de même, difficiles. “C’est une véritable épreuve puisqu’il faut intervertir avec le maximum de précision et de précaution afin de tirer les survivants sans le moindre risque sur leur vie”, confie un militaire sur place. Une scène douloureuse a ému tout le monde lorsqu’on a tiré le cadavre d’une maison écrabouillée. Située sous une pente, la maison s’est transformée en champ de ruines. Pour en sortir les cadavres, l’ambulance a dû traverser un véritable chemin de croix. Il a fallu rassembler la force d’une dizaine de gaillards pour lui permettre de monter la pente.  

Des bénévoles qui s’engagent  à corps perdu 

Au moment où les autorités déployées font la course contre la montre pour trouver des survivants, les civils viennent à leur aide. Ce qui est impressionnant, c’est de voir des démarches individuelles qui reflètent une magnanimité hors pair. Des dizaines de volontaires sont venus des différentes régions du Maroc pour participer aux opérations de sauvetage. Ils sont venus de leur plein gré et de leurs propres moyens sans qu’ils soient membres d’aucune ONG ou association humanitaire. “Je suis venu de Témara pour aider nos frères ici”, confie Souhail, 28 ans, infographiste qui a suspendu son travail pour prendre part à l’effort de sauvetage. « Je sais que mes moyens sont limités, mais je suis sûr que ma présence ici aura une valeur ajoutée », a repris le jeune homme qui est arrivé au village à bord d’une fourgonnette de transport en commun, pourvu de pain et de bouteilles d’eau qu’il distribue aux habitants locaux. Malgré l’ampleur du désastre, les habitants, les autorités ainsi que les bénévoles sont solidaires les uns des autres. Tout le monde se réjouit de cet élan de solidarité. 

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