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Missions de maintien de la paix de l’ONU : L’heure de la pérestroïka

Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies aident les pays touchés par les conflits à créer les conditions du retour à la paix. Ces opérations intègrent des troupes et la police, venues du monde entier, agissent sur un certain nombre des mandats établis par le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Assemblée générale des Nations Unies.

Etablis dans certains endroits du monde, les missions onusiennes sont souvent confrontées à des réalités politiques sur les théâtres d’opération, notamment l’inadéquation des mandats qui leur sont confiées par le Conseil de sécurité par rapport aux réalités sur le terrain, l’absence de coopérations des Etats hôtes et des acteurs non étatiques, mais surtout la méfiance ou l’hostilité des populations locale à l’endroit des Casques bleus.

L’envoi de missions de maintien de la paix dans les zones de conflit est un instrument clé du maintien de la paix de l’ONU. Les forces de maintien de la paix ont pour mission d’empêcher les conflits de s’aggraver et d’assurer la sécurité de base des personnes et des institutions dans les régions en crise.

Alors que les opérations de maintien de la paix étaient encore un phénomène marginal pendant la guerre froide en raison du blocus au Conseil de sécurité, au cours des 25 dernières années, elles sont devenues un moyen important de maintien de la paix internationale, malgré des errements notés quelques fois au cours des missions où ils font souvent l’objet d’accusation à cause de leur conduite.

C’est pour cette raison que l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a qualifié de « cancer dans notre système » les dysfonctionnements recensés durant les missions de maintien de la paix. Selon un rapport daté de 2016, rien qu’en 2015,  69 membres du personnel de la mission de maintien de la paix de l’ONU ont exploité ou abusé sexuellement des femmes et des enfants. La véritable ampleur de la violence sexuelle des Casques bleus est sans doute bien plus grande, présageant de nouvelles allégations qui étaient régulièrement rendues publiques.

Toutefois, les opérations d’aujourd’hui sont multidimensionnelles et multicouches, elles combinent le maintien de la paix « classique » avec la consolidation de la paix et, en plus d’une composante militaire, incluent des fonctions civiles, avec un éventail de tâches allant du maintien de la sécurité à la prise en charge de tâches gouvernementales. L’ONU coopère de plus en plus avec les organisations régionales et confie la mise en œuvre des opérations de paix à l’OTAN à l’Union européenne et à l’Union africaine, entre autres

Manque de volonté et problèmes juridiques

On souligne souvent que les Casques bleus, dont la plupart sont fournis par les pays en développement, reçoivent une formation insuffisante et manquent de discipline. Par exemple, certaines troupes envoyées par l’Union africaine en République centrafricaine ont reçu des Casques bleus avec peu ou pas de formation supplémentaire. Ce cas n’est pas isolé, vu que cette problématique reste très compliquée pour l’ONU qui veut  que les opérations en Afrique soient gérés en collaboration avec l’Union africaine.

Un problème majeur est également le sentiment d’impunité qui prévaut parmi le personnel des missions de maintien de la paix. Jusqu’à récemment, les responsables des Nations Unies ne faisaient que peu ou pas du tout concernant les soldats de la paix qu’ils mandataient.

Outre le manque de volonté, une politique plus stricte échoue également en raison d’obstacles juridiques. Les Casques bleus jouissent de l’immunité légale dans le pays des opérations. Après la fin du déploiement et le retour dans l’État d’envoi, ils sont soumis à la justice locale. Les pays d’origine sont rarement intéressés par une enquête honnête sur les affaires et la poursuite pénale des accusés. Très peu d’auteurs présumés ont à craindre une affaire judiciaire grave.

Certains responsables de l’ONU ont maintenant signalé leur volonté théorique de supprimer ces obstacles juridiques. Pour corriger cette défaillance, le bureau de l’ONU a promulgué l’idée que les suspects soient jugés par des cours martiales spéciales dans les pays où les crimes ont été commis. Cependant, ces réformes ou des réformes similaires nécessitent l’approbation des pays contributeurs de troupes, qui n’ont traditionnellement aucun intérêt à renoncer à l’autorité sur leurs soldats.

Réformer des missions, la tentative de Koffi Amman

Lakhdar Brahimi, représentant spécial de l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, pour l’Afghanistan, a effectué des missions importantes pour l’organisation mondiale pendant de nombreuses années ; elles avaient souvent un lien direct avec les missions de maintien de la paix de l’ONU.

 En mars 2000, l’ancien secrétaire général, Kofi Annan a convoqué un groupe d’experts présidé par son ancien Représentant spécial, Lakhdar Brahimi. La tâche de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères était de procéder à un examen complet des activités de l’ONU dans le domaine de la paix  et de la sécurité et, sur cette base, de soumettre des propositions pour un développement futur des opérations de maintien de la paix. En août de la même année, le Secrétaire général a présenté le rapport de ce Groupe d’experts sur les opérations de maintien de la paix des Nations Unies à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité. Le document, qui compte plus de 70 pages, a été expressément salué par le Conseil de sécurité, réuni au niveau des chefs d’État et de gouvernement dans le cadre du Sommet du millénaire, et par l’Assemblée générale en septembre 2000; le Conseil et l’Assemblée générale laissaient également entrevoir la perspective d’un examen rapide des 57 recommandations soumises.

Le Rapport Brahimi a eu une influence décisive sur le débat sur le développement conceptuel ultérieur des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, les questions de paix mondiale et de sécurité internationale ont pris une nouvelle dimension. Les concepts et stratégies conventionnels ont été mis en perspective et superposés – politiquement, planification et opérationnellement – ​​par des mesures contre le terrorisme international. Néanmoins, l’ONU continue d’être impliquée dans des missions de maintien de la paix dans les régions en crise, et les mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies sont susceptibles de se poursuivre à l’avenir. À cet égard, un examen attentif de la mise en œuvre des propositions de réforme associées au nom de Brahimi est approprié.

Mohammed Loulichki : « les mandats des missions sont en inadéquation aux réalités du terrain »

Mohammed Loulichki, Senior Fellow au Policy Center for the New South et vice-président du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité se penche, dans cet entretien,  sur le rôle de l’Organisation des Nations-Unies dans le maintien de la paix en Afrique.

Doté d’une expérience étendue de 40 ans dans la diplomatie et les affaires juridiques, M. Loulichki dresse une analyse des missions onusiennes, tout en portant un regard critique sur les mécanismes mis en place dans le cadre des opérations de maintien de paix et de la sécurité internationale, mais surtout « l’inadéquation des mandats qui leur sont confiées par le Conseil de sécurité par rapport aux réalités sur le terrain ».

l Quelle analyse faites-vous sur les missions onusiennes en Afrique ?

Mohamed Loulichki :  On ne peut pas prononcer un jugement ou faire une évaluation des performances des OMP (Opération de maintien de paix, ndlr) -qu’elles soient africaines, onusiennes ou hybrides- sans tenir compte de la nature des conflits que ces opérations sont chargées de gérer, des dimensions de leur  mandat et des moyens dont ils disposent et surtout l’attitude des Etats hôtes et des populations civiles à leur égard. D’une manière générale depuis leur création en 1948, ces opérations ont démontré par leur nombre l’ampleur des activités qu’elles remplissent. Il s’agit de tâches de plus en plus difficiles et de plus en plus complexes couvrant les trois étapes d’un conflit : de l’établissement, au maintien, à la consolidation de la paix à travers notamment l’accompagnement des processus politiques de règlement du conflit ou du différend .Dans ce contexte on peut soutenir que ces opérations demeurent utiles comme instrument de gestion des conflits et qu’il importe de les préserver et de les améliorer.

l Quelles sont principalement les difficultés rencontrées par les missions onusiennes sur les théâtres d’opérations ?

Les difficultés ont trait essentiellement à

  • l’inadéquation des mandats qui leur sont confiées par le Conseil de sécurité par rapport aux réalités sur le terrain,
  • Le manque de moyens humains (troupes mis à la disposition par les États à la disposition de l’Union africaine ou aux nations Unies), financiers (financement du budget sur plusieurs années) et logistiques (manque de transporteurs de troupes ou d’Hélicoptères pour répondre aux situations de crise et d’urgence),
  • les absences de coopérations des Etats hôtes et des acteurs non étatiques,
  • la méfiance ou hostilité des populations locale

l Y a-t-il besoin de refonder les mécanismes onusiens dans le cadre des opérations de maintien de paix ?

 -Les Pays fournisseurs de troupes à l’ONU, dont le Maroc est un des pionniers, devraient être associés par le Conseil de sécurité et par le Département de maintien de la paix, a toutes les étapes du processus allant de la confection du mandat à sa mise en œuvre jusqu’à l’accomplissement de l’objectif pour lequel la Mission a été créée.

 – Le Conseil et l’ONU en général devraient placer la solution politique au cœur du mandat de l’opération de paix,

  – Développer les moyens pouvant assurer une meilleure protection des Casques bleus pour leur réunir les conditions propices pour accomplir leur mission et éviter les pertes humaines qui se sont multipliées récemment

– Développer la coopération entre les opérations déployées dans les pays voisins pour rationaliser l’utilisation des ressources disponibles et mieux gérer les situations d’urgence

l Les missions de maintien de paix sont souvent critiquées par les parties au conflit, quelle serait la bonne approche pour l’ONU d’éviter les accusations ?

L’efficacité d’une mission dépend dans une large mesure de la qualité des rapports qui se développent entre la Mission d’une part et les autorités de l’Etat hôte et sa population civile de l’autre. L’un des principes fondamentaux du maintien de la paix est le consentement de l’Etat hôte au déploiement de l’opération. La confiance entre les deux parties et la bonne communication sont deux facteurs cruciaux pour garantir le bon déroulement et, in fine, le succès de l’opération.


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