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un enjeu électoral pour l’Espagne

La question du Sahara joue un rôle majeur dans la perspective des élections législatives espagnoles du 23 juillet. L’actuel gouvernement de Pedro Sanchez s’est prononcé en faveur du plan marocain d’autonomie pour le Sahara, ce qui a entraîné une amélioration des relations entre Madrid et Rabat, mais aussi des critiques de la part des partis d’opposition, qui craignent l’impact sur les intérêts et les responsabilités de l’Espagne dans la région.

Le soutien de Sanchez au plan d’autonomie marocain, qu’il a exprimé dans un message à SM le Roi Mohammed VI en mars 2022, est considéré comme un tournant historique de la position de l’Espagne sur le Sahara. L’Espagne a toujours invoqué les résolutions de l’ONU appelant à un référendum sur le futur statut du Sahara, mais a également reconnu que la proposition du Maroc était « sérieuse et crédible ».

La déclaration de Sanchez a été saluée par Rabat comme une reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara et comme une impulsion pour un partenariat stratégique entre les deux pays dans les domaines politique, économique et sécuritaire. Mais, en Espagne, la déclaration a été critiquée par plusieurs partis, qui la considéraient comme un cadeau pour le Maroc, une menace pour les intérêts espagnols en Afrique du Nord et une négligence des droits et des aspirations du peuple sahraoui.

Les positions des partis d’opposition

Cette critique émane principalement de la droite et de l’extrême droite, qui selon les sondages sont favoris pour remporter l’élection. Cependant, le Parti populaire (PP), le plus grand parti d’opposition, a adopté une position modérée sur le Sahara. Dans son manifeste électoral, il affirme qu’il « soutiendra les efforts de l’ONU pour parvenir à une solution juste, durable et acceptable pour les parties », et qu’il maintiendra « un équilibre raisonnable entre le Maroc et l’Algérie », sans « méconnaître ses responsabilités envers le peuple sahraoui oublié ». Selon Nabil Driouch, spécialiste de l’Espagne et des relations hispano-marocaines, le PP est animé par une logique d’intérêts, non d’idéologie, et est conscient de ce qu’il pourrait perdre s’il se retournait contre le Maroc, notamment dans le domaine économique, selon une interview accordée au site Le Matin.

Vox, en revanche, est plus hostile au Maroc. Le parti évite toute référence au Polisario, mais indique dans son programme qu’il va « revoir les actions récentes de la politique étrangère du gouvernement, qui sont préjudiciables à l’intérêt national dans le domaine énergétique », pour « renforcer les voies de réception du gaz du Nord de l’Afrique ». Il entend par là l’Algérie, important fournisseur de gaz de l’Espagne. Vox veut également imposer des droits de douane sur les produits agricoles marocains, prôner la suspension de l’accord agricole entre le Maroc et l’UE, et renforcer les contrôles aux frontières pour contrer « l’immigration massive encouragée par le Maroc ».

Driouch estime que Vox n’a aucun problème ni position ferme sur le Sahara, mais utilise le Maroc comme levier sur d’autres questions, telles que la concurrence agricole ou Ceuta et Melilla, les deux enclaves espagnoles sur le continent africain que le Maroc est en train de récupérer. Vox a obtenu son premier succès électoral en Andalousie, une région hostile aux produits agricoles marocains. Mais, sur le Sahara, Vox a jusqu’à présent refusé de se prononcer et ne soutient pas le Polisario. « Le problème de Vox, ce sont les Marocains », dit-il à la source.

Une affiche provocatrice à Madrid

En pleine la campagne électorale espagnole, affiche provocatrice à Madrid illustre l’attractivité que le Maroc suscite chez les électeurs espagnols. Une photo de Sanchez au visage sombre et le drapeau marocain en arrière-plan est visible sur un immeuble du quartier d’Atocha, accompagnée du texte : « You to Morocco, Desokupa to Moncloa ! (le siège du gouvernement). L’affiche est l’œuvre de Desokupa, une entreprise spécialisée dans le nettoyage des maisons occupées illégalement et liée à Vox, le parti d’extrême droite en plein essor.

L’Algérie en mode souterrain

Le PP et Vox évaluent également le coût de la réponse du régime algérien à l’annonce du soutien espagnol au plan d’autonomie. Depuis que l’Algérie a rompu le traité d’amitié et de coopération avec l’Espagne, leurs relations commerciales ont été gravement affectées, bien que les approvisionnements en gaz aient été maintenus.

La perte pour les exportations espagnoles serait estimée à 1,4 milliard d’euros, bien que le président algérien a fortement réduit les importations pour économiser les réserves de change du pays. Même sans un changement dans la position de l’Espagne sur le Sahara, les exportations espagnoles vers l’Algérie auraient chuté. La question est de savoir dans quelle mesure.

L’argument de la baisse des exportations espagnoles vers l’Algérie est-il suffisant pour sacrifier tout ce qui s’est construit entre le Maroc et l’Espagne ces dernières années ? Ce n’est pas sûr. D’abord parce que le commerce entre l’Espagne et le Maroc (près de 18 milliards d’euros) ne peut être comparé à celui, modeste, entre l’Espagne et l’Algérie. Il convient ensuite de noter que lors du vote, le 7 avril 2022 , au Congrès des députés espagnol (la Chambre basse) de la résolution condamnant le soutien du gouvernement espagnol au plan d’autonomie, tant les députés de la majorité (PSOE ) et ceux de l’opposition (PP) ont voté contre ce texte, tandis que Vox s’est abstenu.

« Affaire d’État »

Peu importe les slogans électoraux. Ce qui va évoluer, c’est la manière dont s’exprimera le soutien au Maroc et la contrepartie que le nouvel exécutif exigera. Mais « la question du Sahara a toujours été une question d’État en Espagne, et non d’un parti ou d’une personne », souligne Nabil Driouch. Il rappelle que les ministres des Affaires étrangères espagnols qui se sont succédé depuis 1975 n’ont pas manqué de le préciser, évoquant notamment la position de l’Etat espagnol sur le Sahara.

Selon Driouch, un changement suppose de se tourner vers les institutions qui font partie de l’establishment espagnol, à savoir l’armée et les services de renseignement, ainsi que les lobbies économiques. « Lorsque Pedro Sanchez a fait connaître la nouvelle position espagnole, il n’a pas agi seul, loin de là. Et, cela ne changera pas de sitôt », a déclaré Driouch.

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