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Gafam. Le Canada dit non aux pratiques monopolistiques, qu’en est-il du Maroc ?

Avec son projet de loi C-18, le gouvernement canadien exige un partage des revenus publicitaires. Mal reçu auprès du top management de Facebook, cette décision devrait coûter à Facebook et Instagram environ 10 millions de dollars canadiens (6,9 millions d’euros) par an.  En attendant au Maroc, la plateforme se frotte les mains…

 «Les Canadiens ne vont pas se laisser intimider par des milliardaires américains qui veulent nuire à notre démocratie». Une déclaration du premier ministre Justin Trudeau, publiée dans la presse internationale, qui affiche subtilement la « dictature numérique » des géants de la tech. Dans les détails, ce différend qui oppose le gouvernement canadien au groupe Meta porte sur la question épineuse du partage des gains publicitaires. Pour faire plier le géant de la tech, Ottawa a ainsi décidé de ne plus acheter d’espaces publicitaires sur Facebook et Instagram.Et ce au travers de sa loi, dite C-18, qui oblige les géants du numérique à compenser financièrement les médias canadiens pour leurs contenus partagés sur leurs plateformes, sous peine de devoir recourir à un arbitrage contraignant. En réponse à cette loi, Meta a bloqué l’accès aux médias canadiens pour les utilisateurs de Facebook ou Instagram, afin d’éviter d’avoir à l’appliquer.

Il faut d’ailleurs noter que Facebook a généré 113.6 milliards de dollars de publicités de revenus en 2022, contre 115.6 milliards de dollars en 2021 et près de 85 milliards de dollars en 2020. Et au regard de la réponse du groupe on peut voir cette posture unilatérale du groupe américain. Contacté par Challenge, l’expert en NTIC Khalid Ziani, nous explique que : «quand vous avez quelque chose d’aussi puissant, il faut un contre-pouvoir. Il faut d’urgence mettre en place des lois anti-trust afin de permettre l’émergence de concurrence (startup avec une éthique différente) ». Et d’ajouter : «il faut suffisamment de concurrence pour assurer le contre-pouvoir ». Pour Chakib Achour, Directeur de la stratégie commerciale de Huawei, « cette domination américaine au niveau des réseaux sociaux manquent de transparence tant qu’on n’a pas des outils équivalent qui peuvent faire face aux outils américains (soit de chine, d’Europe ou d’Afrique) en occurrence twitter ou Facebook (demeure en position de suprématie). Donc ils font ce qu’ils veulent et nous n’avons aucun recours pour faire quoique ce soit ».

Maroc, un patriotisme économique ?

Rappelons que durant les élections passées,   certains partis ont fait le choix du numérique et ce dans l’objectif de conquérir plus d’électeurs. Selon les données mises à disposition par Facebook permettant de savoir quel parti politique a investi dans la mise en avant de ses publications, on peut s’apercevoir que le RNI a en effet injecté 201.031 dollars (2 millions de dirhams) depuis mars 2021 dans sa campagne numérique sur Facebook. L’Istiqlal arrive en deuxième position avec près de 19.800 dollars (200.000 dirhams). En comparaison, le PAM a dépensé 630 dollars (6.300 dirhams) et le PJD la modique somme de 285 dollars (2.850 dirhams).Pour juste cette période, ce sont près de 2. 202.850 DH qui ont été dépensés en campagne publicitaire par les partis politiques. Et dans l’écosystème entreprise, le numérique a encore du succès faisant encore le bonheur du groupe Meta. Selon l’étude Digital Trends Morocco 2023, révélé lors de l ‘African Digital Summit, « le budget du digital, représente près de 17% du budget marketing des entreprises. Toujours selon l’étude, les achats publicitaires sur les réseaux sociaux sont les principaux outils utilisés. Expliquant d’ailleurs que le marché tend moins vers l’externalisation.

On peut en déduire que le géant de la Tech demeure en tout cas l’ultime gagnant au grand dam des de certains acteurs plateformes marocaines qui sont en droit de bénéficier de cette manne financière non négligeable.

Aujourd’hui le constat au demeurant amer est que les sites d’informations sont étouffés par les géants de la Tech Facebook et Google qui règnent en maître sur le marché de la publicité en ligne. Selon les chiffres que nous avons pu avoir, ils se partagent à eux seuls 60% et 70% du marché. Rien qu’en 2022, Google a enregistré un bénéfice net de 60 milliards de dollars, généré principalement sur la publicité en ligne.

De plus, il faut noter que Google et Facebook ne payent pas d’impôt au Maroc. Contacter par Challenge l’ancien président du GAM Mounir Jazouli, a mis le curseur sur la nécessité du rassemblement des éditeurs pour affronter cette problématique. « Aujourd’hui les éditeurs locaux doivent impérativement mutualiser leurs forces pour constituer une véritable force face aux Gafam », alerte Jazouli. Et d’ajouter : «  Et l’un des enjeux c’est surtout le fait de proposer aux annonceurs marocains des plateformes technologiques performantes et également des services qui peuvent concurrencer ceux des Gafam ».  Notre interlocuteur a également tiré la sonnette d’alarme au sujet du nouveau phénomène des articles payant qui selon lui  réduit quelque part la vue des publicités par les internautes. « Il faut réfléchir à d’autres modèles économiques. Ils peuvent par exemple conditionner la lecture d’un papier avec  l’ouverture d’une vidéo publicitaire » ; explique Jazouli.

Rappelons qu’en 2018, une commission spéciale de la Direction générale des impôts (DGI) et l’office des changes s’étaient penché sur la fiscalité des revenus publicitaires des Gafam dans le Royaume, mais depuis c’est le statu quo. Alors l’entrée en jeu des acteurs nationaux au-delà de l’équilibre de marché, permettra également de stopper net les achats en devises opérés sur les plateformes numériques.

L’État doit s’y mêler…

Au regard de l’action de certains États, il y a donc une nécessité à ce que les élites marocaines du numérique se penchent sur cette questions.Selon l’expert en NTIC, il y’ faut impérativement créer une agence de régulation censée suivre, contrôler les acteurs technologiques. Toujours selon il faudrait également une approche régionale ou continentale. Pour rappel, aux Etats-Unis, la Californie élabore actuellement un projet de loi semblable à celui du Canada. Ailleurs dans le monde, l’Union européenne a établi des « droits voisins » qui imposent aux plateformes de rémunérer les éditeurs de presse pour leurs contenus, qui, en attirant des lecteurs, permettent aussi à ces géants de vendre des espaces publicitaires.


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