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La fermeture de la Samir entre répercussions économiques et environnement

Créée en 1959, la raffinerie marocaine Samir, considérée comme fleuron pétrolier du royaume, a facilité la production de diesel et encouragé la production nationale pendant plusieurs années. Avec une production qui atteignait 150 000 barils par jour, la Samir a arrêté la production à partir de 2015 avant sa fermeture en 2019 causée par l’accumulation de dettes.

Alors que le débat sur la fermeture de la seule raffinerie du Maroc est soulevé depuis la levée de la compensation des produits pétroliers et exacerbé par les hausses des prix de ces matières à l’échelle internationale, cinq chercheurs de l’Université Mohammed VI Polytechnique, du Département d’économie de l’Université de São Paulo (Brésil) et du Policy Center for the New South (PCNS) se sont penchés sur cette mise sous scellés. Dans un article publié il y a quelques jours dans la revue «Scientific African», ils ont ainsi évalué les impacts économiques et environnementaux de l’interruption des seules activités de raffinage du royaume.

Des régions et des secteurs touchés par la fermeture

Pour les chercheurs, la fermeture de la raffinerie Samir de Mohammedia en août 2015 en raison de contraintes financières a «considérablement affecté le marché du fioul au Maroc». «L’impact global de l’arrêt est de 4,4% de la production du pays, avec des effets régionaux plus importants pour le Grand Casablanca-Settat, suivi par les régions voisines», ajoutent-ils. Ceux-ci rappellent qu’avant sa fermeture, la raffinerie importait environ 1,7 million de tonnes par an de mazout et d’autres produits de différents ports de Tanger, Mohammedia, Jorf Lafar, Agadir, Laayoune et Dakhla. Après sa fermeture, le port de Tanger Med est devenu la principale entrée pour satisfaire les besoins en pétrole du marché intérieur.

Pour les impacts économiques, «la fermeture de la seule entreprise opérant dans ce secteur au Maroc a, comme prévu, un impact considérable sur l’économie. Les pertes économiques globales sont évaluées à 66 572 millions de dirhams, ce qui représente une réduction de 4,4% de la production totale du pays et de 1,7% de sa valeur ajoutée», poursuit l’article. En se concentrant sur la distribution régionale de ces effets, Casablanca-Settat a fait face à la plus forte réduction de la production brute (9,2%), suivi par Beni Mellal-Khénifra (6,6%), Laâyoune-Sakia El Hamra (5,1%), Drâa-Tafilalet (4,2%), et Marrakech-Safi (3,9%).

Les experts expliquent que les pertes à Laâyoune-Sakia El Hamra se concentrent dans l’industrie minière, alors que les régions de Rabat-Salé-Kénitra, Beni Mellal-Khénifra, et Marrakech-Safi, voisines du Grand Casablanca-Settat, sont également fortement impactées sur le commerce, le transport, les activités financières, l’immobilier et les autres industries manufacturières. Ils affirment que l’industrie minière a subi les pertes les plus importantes en termes de valeur ajoutée (37,5%) et a perdu 11 233 millions de dirhams en valeur ajoutée et 14 329 millions de dirhams en production brute. «Les fortes liaisons en amont expliquent principalement l’ampleur de l’effet avec le secteur minier. Le transport (1,5%), le commerce (1,1%) et les autres industries manufacturières (1,1%) sont aussi significativement affectés par la fermeture de la raffinerie marocaine Samir, avec une perte totale de production atteignant 3,7%», ajoute-t-on.

«Un compromis entre la prospérité économique et la protection de l’environnement» ?

Source importante d’émissions de gaz à effet de serre tels que le méthane, la fermeture de la raffinerie Samir a cependant conduit à une réduction globale de 2,1% des émissions nationales, ce qui représente une réduction d’environ 1 170 000 millions de tonnes (Mt). L’article reconnaît que la situation géographique de la raffinerie dans la région du Grand Casablanca-Settat a conduit à une contribution régionale substantielle à la baisse des émissions (62,1% du total). Les régions voisines ont également contribué de manière significative à la réduction des émissions, comme Marrakech-Safi (7,5 % de la réduction totale), Beni Mellal-Khénifra (5,8 %) et Rabat-Salé-Kénitra (5,3 %).

«Comme leurs activités locales dépendent largement des combustibles, de l’électricité et des transports, les émissions de CO2 ont connu les réductions les plus importantes dans les régions du Grand Casablanca-Settat, de Rabat-Salé-Kénitra, de Marrakech-Safi, de Souss-Massa, de l’Oriental et de Fès-Meknès. Ces régions abritent d’importantes industries dans différents secteurs, disposent des lignes de transport les plus critiques du pays et sont les régions centrales ayant accès à l’électricité et à l’eau», rappelle la même source.

Par secteur, les chercheurs pensent que les principales réductions d’émissions de CO2 se produisent dans les secteurs des transports, de l’électricité et de l’eau, qui, avec le secteur du raffinage du pétrole, contribuent à plus de 90 % de la réduction totale.

Alors que la réduction des émissions de CO2 marocaines peut suggérer «un compromis entre la prospérité économique et la protection de l’environnement», l’article rappelle que «la réduction des émissions de CO2 due à la fermeture des activités de la Raffinerie Samir ne signifie pas un changement immédiat de la matrice énergétique au Maroc». De plus, «la dépendance actuelle du pays à l’égard des importations de produits énergétiques raffinés, qui pèsent sur la balance des paiements, a entraîné des fuites de carbone, transférant les émissions à d’autres pays», souligne-t-on

Les chercheurs indiquent toutefois que «les impacts environnementaux, portés par cette réduction des émissions de CO2, sont une étape essentielle vers la réalisation de l’objectif ambitieux du Maroc de réduire les émissions de gaz à effet de serre». «L’incertitude entourant la fermeture permanente de la seule raffinerie de pétrole du Maroc offre au pays l’occasion d’accélérer sa transition énergétique», note-t-on. Le pays est aussi appelé à «saisir la vaste opportunité qu’il fait face dans l’énergie verte, comme l’énergie solaire, conclut-on. 


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