La fin des enfants sages – Aujourd’hui le Maroc

Cri En soi, la trame du film n’est pas éloignée d’Oppenheimer avec une montée en puissance du suspense et du stress autour de la fabrication d’une bombe. Dans ce cas, la bombe n’est pas atomique et reste artisanale, ce qui n’enlève rien à l’angoisse d’une explosion.

Huit jeunes décident de passer le cap du débat pour détruire une conduite d’acheminement du pétrole, au Texas, au coeur d’un des plus grands gisements étasuniens, afin de mettre en péril le cours du Brent.

Notre maison brûle
Sabotage est une libre adaptation de How to Blow up a pipeline (titre anglais du film), un essai de l’universitaire suédois Andreas Malm, qui préconise une action radicale contre la crise climatique. Ce géographe d’extrême gauche part d’un constat indubitable : les politiques contre le réchauffement climatique ne tiennent pas les engagements affichés, depuis le fameux sommet de la Terre de Johannesburg où le président français Jacques Chirac avait déclaré: «Notre maison brûle mais nous regardons ailleurs». D’autres avant lui avaient prévenu : René Dumont, Gro Harlem Brundtland, Al Gore, Jim Skea et tant d’autres experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (G.I.E.C.), qui année après année ont tiré la sonnette d’alarme et décrit scientifiquement les ravages et les dangers du réchauffement climatique. Un cri dans le désert. Un cri réitéré mais non suivi d’effets, de politiques énergiques. Gouvernements et entreprises se drapent souvent dans de bonnes intentions, tissées de greenwashing. Ce cri étouffé ne passe plus auprès des nouvelles générations, dont quelques-uns veulent «passer à l’action» comme l’indique l’affiche du film. Cela passe par des événements spectaculaires comme s’enchaîner, se coller les mains au bitume ou vandaliser des oeuvres d’art. Ainsi, le 14 octobre 2022, deux militants écologistes de Just Stop Oil ont aspergé la vitre de protection des Tournesols de Van Gogh avec de la soupe à la tomate. Futile ? Puéril ? Absurde (que venait faire Van Gogh dans cette affaire)? Bien sûr, il faut condamner la violence et le vandalisme. Aucun combat, aussi noble soit-il, ne peut justifier de tels actes.

Quand votre mère meurt
Seulement quand votre mère meurt des émanations d’une raffinerie, que votre enfant suffoque de la pollution atmosphérique ou que vos aïeuls tombent dans une canicule infernale, la colère indignée peut faire chavirer les meilleures intentions. C’est le cas des protagonistes de ce film dont les portraits successifs expliquent (sans excuser) l’attentat programmé et exécuté, sans scrupules apparents.
Sawn (Marcus Scribner) résume bien le film quand dans une soirée avec la bande d’activistes il se moque du groupe en disant : «Évidemment que je me considère comme un terroriste. Putain, on va faire péter un pipe line». Rowan (Kristine Froseth) lui répond alors: «Nous sommes plutôt des révolutionnaires, des précurseurs». Le vocabulaire joue alors un rôle primordial dans l’analyse de la situation. Il est plus simple de cataloguer ces militants fictifs comme éco-terroristes pour clore tout type de discussion. Le film lui ne justifie rien : ni les attentats, ni le terrorisme. Comme le manifeste de Malm, il ne donne pas de recette pour construire un ebombe. A contrario, il démontre que loin des artificiers, monter une bombe est dangereux, voire mortel.
Le film a entièrement été créé en dix-neuf mois sans le budget astronomique d’Oppenheimer, le tout dans un système indépendant, loin du moule hollywoodien. Le réalisateur Daniel Goldhaber précise: «Sabotage a été fait en dehors de ce circuit : personne ou presque dans l’équipe n’a d’agent, nous n’avons fait aucune session de pitch à des producteurs». Le film présente l’immense avantage de s’interroger sur la gestion des ressources environnementales. Ce serait un excellent support pour organiser un débat. Dommage, pour l’instant, le film n’est programmé dans aucune salle au Maroc, du multiplexe, aux indépendants, en passant par les instituts. Le débat est pourtant recommandable, urgent et nécessaire.

par Sébastien Chabaud